Lettre de remerciements à Monsieur Pierre Laurent Vice-président du Sénat et élu du Parti Communiste Françaigs
Cher camarade et ami Pierre,
C’est avec un fort serrement au cœur que nous, militants de gauche panafricanistes et anti-impérialistes maliens avons appris votre décision de ne pas renouveler votre mandat de sénateur.
En effet, vous allez évidemment nous manquer énormément et aussi grandement manquer à tous les communistes, démocrates, progressistes ou humanistes sincères de tous les continents résolument engagés dans la lutte pour la démocratie, la liberté, l’égalité, la fraternité et la solidarité entre tous les peuples, leur épanouissement total et un progrès viable et durable pour l’humanité.
Votre défense pertinente, opportune, intransigeante et constante de ces valeurs cardinales et de ces principes fondamentaux universels a tout particulièrement incarné l’espérance commune des peuples français et africains. En veillant à expliquer inlassablement, dans vos très nombreuses interventions aussi bien en France qu’en Afrique, qu’ils ont les mêmes aspirations, nourrissent les mêmes rêves et sont victimes des mêmes logiques, vous avez fortement contribué à une meilleure compréhension entre eux et considérablement aidé à dissiper les peurs et la haine. Nous saluons avant tout cet apport capital en ces temps sombres où des forces de domination obscurantistes et destructrices, venues d’Europe et d’ailleurs, sont déchaînées pour les opposer, en érigeant partout des murs, pour susciter des conflits entre eux par divers relais, canaux d’influence et techniques de manipulation.
Les dirigeants politiques de l’Europe et de la France – « Patrie de la liberté et des droits de l’homme et du citoyen », « pays symbole du triomphe du droit républicain » – rusent aujourd’hui avec ces valeurs cardinales et ces principes fondamentaux universels, acquisitions historiques progressives de l’humanité que nous défendons ensemble, alors que leurs peuples ont largement apporté dans le passé au processus de leur construction collective. Avec une constance remarquable, ils sont aux avant-postes des entreprises funestes d’ingérences et de déstabilisation brutales, illégales et criminelles dans les dynamiques économiques, politiques, sociales et culturelles des pays africains, leur infligeant des rapports de sujétion avec l’Occident, y provoquant le chaos et des traumatismes politiques, sociaux et culturels, ruinant du coup leurs acquis très précieux pour le progrès humain. Leurs agissements à contresens de la vocation sans cesse proclamée de leur Civilisation sont opérés dans le déni de l’« Etat de droit », de la justice et de la morale, selon une stratégie à géométrie variable, les situations étant appréciées à l’aune des intérêts égoïstes des classes minoritaires dominantes : selon le cas, soutien multiforme, vigoureux et outrancier aux régimes dictatoriaux les plus rétrogrades et les plus répressifs comme celui du Tchad par exemple ou sabotage et harcèlement systématiques, si ce n’est le renversement par la force armée, des pouvoirs qui veulent défendre la souveraineté de leurs Etats, promouvoir les intérêts de leurs pays et de leurs peuples, et revendiquent de nouvelles relations de coopération internationale pacifiques et justes, basées sur l’égalité, le respect mutuel et des avantages réciproques (Lybie, Côte d’Ivoire, Centrafrique, Mali, Burkina Faso…). Vous n’avez jamais cessé de dévoiler et fustiger cet opportunisme ignoble et cette hypocrisie indécente tout en condamnant fermement dans le même temps les actes liberticides, contraires aux droits humains, des dirigeants africains vassaux.
En plus, vous vous êtes investi dans un travail permanent de recherche, de décryptage, d’analyse et de mise en lumière des nombreux instruments, mécanismes et pratiques de domination, de pillage et d’oppression de l’Afrique. La liste est très longue et concerne les principaux secteurs ou domaines vitaux et stratégiques (politique, institutionnel, agricole, commercial, monétaire, militaire, etc.).
Faute d’espace, nous n’en évoquons ici que quelques-uns à titre de rappel :
– La zone FCFA où une monnaie coloniale, le FCFA, est imposée à quatorze pays d’Afrique à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Instrument permanent et privilégié de la Françafrique, c’est, à la fois, un cadre et un outil de siphonage financier, d’asphyxie économique, de vassalisation et d’asservissement politique, bref, une entrave au développement ;
– La politique de coopération décentralisée. Présentée sous les apparences trompeuses d’un moyen de rénovation /renforcement de la coopération en faveur du développement et un outil efficace pour soutenir les processus de démocratisation, c’est, dans les faits, une politique déguisée qui conduit les Etats africains à se dessaisir de la conception et du pilotage du processus de développement local, organise de nouvelles dominations, discriminations et inégalités au niveau local, aggrave les déséquilibres régionaux de leurs pays, délégitime les pouvoirs publics (locaux et l’autorité étatique centrale) et renforce le paternalisme néocolonial ;
– La « politique sécuritaire » à travers des interventions militaires notamment au Sahel (opérations « Serval », « Barkhane », «Takuba », « MINUSMA »). Vous avez sans cesse révélé et souligné à quel point leur prétendue pertinence est douteuse, pointé leurs incohérences et inconséquences mais également les irrégularités au regard du droit international de leurs modalités de mise en œuvre voire leur caractère impérialiste (mépris de la souveraineté des Etats africains, prises de décisions unilatérales, etc.), leurs effets pervers, déstabilisants et contreproductifs.
Vos critiques, réflexions et interventions visent, entre autres à :
– Clarifier les enjeux et mettre à la disposition des peuples et des militants des « armes »
(intellectuelles, politiques, idéologiques…) utiles et efficaces pour faire aboutir leurs luttes ;
– Remédier au manque de transparence aussi bien en France que sur le continent africain pour sortir définitivement des logiques coloniale et néocoloniale. Nous aurons toujours en mémoire l’interpellation que vous avez adressée à plusieurs reprises au Ministre des Finances « pour qu’il fasse preuve de transparence au sujet du stock d’or monétaire des pays de la zone de l’Union monétaire ouest-africaine, déposé à 81% à la Banque de France » (annexe à la convention de garantie entre la BCEAO et la République française protégé par le secret bancaire) et votre combat pour liquider les vestiges de la Françafrique issus de la logique politique des clauses secrètes introduites dans les accords d’indépendance nominale signés entre la France et la plupart de ses anciennes colonies en Afrique au début des années 1960. Il s’agit là de dispositifs pernicieux qui assurent le contrôle, le pillage et la spoliation de l’Afrique ;
– Faire prendre conscience de la nécessité et de l’urgence d’écouter les peuples africains et leurs représentants, de dialoguer avec eux en faisant preuve d’une grande humilité pour repenser ensemble et co-construire de nouvelles relations entre la France et le continent africain ;
– Développer le dialogue et la concertation avec les Africains en lutte contre l’impérialisme sous toutes ses formes pour construire des liens de solidarité, identifier ensemble des solutions concrètes et mener des actions communes dans une vision partagée et dans l’unité.
Ce bilan si immense, très partiellement évoqué dans la présente lettre, a été réalisé grâce à votre engagement communiste, anti-impérialiste, anti-néocolonialiste et internationaliste sans concession, à votre humilité, votre ouverture d’esprit, votre capacité d’écoute et de dialogue, des qualités rares que vous avez su acquérir et consolider au cours de votre parcours professionnel et politique très riche dont il convient de mentionner parmi les temps forts : Ancien directeur de la rédaction de L’humanité (2000 à 2009) ; Membre du conseil régional d’Ile de France de 2010 à 2015 ; Président du Parti de la Gauche Européenne (2010-2016) ; Secrétaire national du PCF de 2010 à 2018 ; Sénateur et membre du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au Sénat depuis 2012 ; Vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées(2017) ; Vice-président du Sénat à partir de 2020.
Vos analyses lumineuses et prises de position politique conséquentes lors de vos interpellations, discours et autres interventions (allocutions, communications, propositions d’amendements, etc.) aident à mieux structurer une vision de gauche dans la géopolitique mondiale actuelle. Pour les réseaux de gauche et la jeunesse d’Afrique, elles sont très utiles pour élaborer une vision commune structurée de la situation géopolitique et géostratégique mondiale, et contribuer à l’organisation concertée de la solidarité et de l’union avec les peuples français et européens contre toutes les formes d’impérialisme. Soyez-en vivement remercié.
Au-delà de votre personne, nous tenons à remercier aussi toute votre équipe qui vous a assisté dans vos travaux et combats, vos collègues parlementaires pour leur contribution à la compréhension réciproque et à la promotion des liens de solidarité entre nos peuples et avec les militants de gauche anti-impérialistes maliens et africains, bases indispensables de la réussite de notre projet commun : révolutionner les relations entre la France et l’Afrique, en inventant ensemble un nouveau modèle partagé et consensuel.
Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à votre parti, le PCF pour son soutien actif et constant à la lutte des Africains pour l’indépendance totale de leurs pays et la souveraineté de leurs peuples en vue de reprendre possession de leurs richesses matérielles, humaines et culturelles et de maîtriser leur destin. Il prolonge ainsi, dans une continuité historique évidente, sa tradition de solidarité internationale qu’il a instaurée pendant la première phase de lutte de libération nationale (mise en place des Groupes d’Etudes Communistes, alliances avec les syndicats et le Rassemblement Démocratique Africain dans le combat contre le travail forcé dans les colonies françaises d’Afrique, soutien aux revendications d’autonomie puis d’indépendance de la jeunesse, des travailleurs et des partis politiques indépendantistes, protection des militants anticolonialistes).
Nous sommes engagés dans la même lutte générale contre le néolibéralisme, un libre-échangisme intégral qui a pris depuis une vingtaine d’années la forme d’un capitalisme débridé et totalitaire consistant en l’ingérence illégale dans les affaires intérieures d’autres Etats souverains pour les affaiblir et les mettre hors-jeu en utilisant la stratégie du « chaos », l’intervention armée et de nouvelles règles arbitraires au service des intérêts exclusifs du capital financier mondialisé. Voulant s’imposer à tous les Etats et peuples de la planète par la domination « néo-impérialiste » des puissances capitalistes occidentales sousl’hégémonie et la férule des USA pour éviter à celles-ci d’être évincées par l’émergence et l’impulsion des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), un groupe de pays concurrents plus compétitifs, son développement et son extension dans toutes les régions du globe et tous les secteurs de la vie sociale provoqueront à terme le chaos environnemental la destruction des bases et des conditions mêmes de la création des richesses et de l’épanouissement humain, autrement dit le cadre écologique nécessaire et indispensable pour notre survie et celle des générations futures. Outre qu’il manifeste des signes d’incapacité à résoudre les problèmes et défis qui se posent aujourd’hui à l’humanité, il constitue une menace pour la paix, la sécurité collective, un obstacle à une coopération plus juste et démocratique dans le monde.
Nous vous souhaitons une pleine réussite dans vos prochaines activités, et, surtout beaucoup de joie et de bonheur dans votre vie future.
Avec nos chaleureux sentiments amicaux et notre solidarité fraternelle.
Madame Aminata Dramane TRAORE, Essayiste ; Professeur Rokia Sanogo (Pharmacie) ;
Professeur Yoro DIAKITE (Mathématiques) ; Professeur Issa N’DIAYE (Philosophie) ; Professeur Many CAMARA (Sociologie).