L’ex-président Amadou Toumani Touré, affectueusement appelé ATT par des millions d’admirateurs au Mali, en Afrique et ailleurs dans le monde, qui s’est éteint, à 72 ans, il y a un an (le 10 novembre 2020) en Turquie où il s’était rendu pour des soins médicaux, fut l’un des héros les plus illustres du Mali contemporain.
Il fut l’homme dont l’action courageuse et patriotique a permis, dans la nuit du 25 au 26 mars 1991, d’arrêter le bain de sang dans lequel la dictature militaro-civile de Moussa Traoré, entrée dans son crépuscule après plus de 22 ans, avait plongé le pays. Ouvrant ainsi la voie à la démocratie pluraliste pour laquelle un grand nombre de nos compatriotes se sont battus pendant des décennies, certains hélas au prix de leur vie. Ce qui lui a valu le surnom consacré jusqu’à la fin des temps de » soldat de la démocratie « .
Revenu dix ans après au pouvoir, cette fois-ci comme candidat indépendant élu par le suffrage de ses concitoyens, ATT instaurera un consensualisme politique à la malienne. Son effet positif fut qu’il a favorisé une remarquable stabilité institutionnelle. Son résultat négatif est qu’ en ignorant la « mathématique électorale » (la non prise en compte des votes exprimés dans le choix des ministres et hauts fonctionnaires) il a vidé les élections de leur substance et conforté une image caricaturale de la démocratie.
ATT fut aussi un bâtisseur. Sans doute le plus grand après Modibo Keita mais avec infiniment plus de moyens financiers, généreusement mis à la disposition du Mali par ses partenaires traditionnels. Ainsi, grâce à des concours financiers substantiels de l’Union européenne et de la Banque mondiale, il a pu mettre en place son ambitieux programme de développement économique et social (PDES) qui prévoyait de dépenser 766 milliards de fcfa dans la réalisation d’infrastructures routières sur l’ensemble du territoire national. Des milliers de kilomètres de routes, des ponts, des échangeurs ont été ainsi aménagés dans toutes les régions du pays et le district de Bamako dont la physionomie a changé. Le Millenium Challenge Account (MCA) un programme des États-Unis d’Amérique, nanti de 95 milliards de fcfa, a permis la réhabilitation et l’extension de l’aéroport de Bamako-Senou et ceux de Gao,Tombouctou, Sikasso, Kayes, Mopti et la construction des aéroports de Kidal et Taoudenit. La coopération avec la Chine, basée sur l’entraide et la solidarité, a permis la construction du 3ème pont de Bamako à hauteur de 30 milliards de fcfa gracieusement offerts par le peuple chinois et son président Hu Jintao. Déterminé à construire l’autoroute Bamako-Ségou alors que les partenaires sollicités n’en voyaient ni l’urgence ni la nécessité, ATT prendra sur lui la responsabilité de la faire financer sur le budget national du Mali.Coût de l’opération : 170 milliards de fcfa.
Pour sortir l’école malienne de ses agitations permanentes et la rendre performante, ATT lui affectera 33% des charges de fonctionnement de l’Etat. L’université de Bamako sera ainsi dotée d’équipements dignes de ce nom et, pour la décongestionner, une université sera érigée à Ségou avec l’appui du guide libyen Mohamar Kadhafi. Il créera l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) pour permettre à un large éventail de Maliens d’accéder aux soins de santé et à peu de frais. Il est le promoteur de l’hôpital du Mali à Bamako, fruit également de la coopération chinoise, de l’hôpital de Sikasso, de l’hôpital Sominé Dolo de Sevaré-Mopti. L’hôpital Mère Enfant du Luxembourg, la Fondation de l’Enfance sont des œuvres personnelles qui concourent à améliorer la santé des Maliens et soulager les plus nécessiteux. Sportif dans l’âme lui-même, ATT a offert plusieurs stades à la jeunesse malienne.
Terminons par les logements sociaux fort justement nommés « ATTbougou ». Ils ont offert un toit à des milliers de nos compatriotes qui avaient perdu tout espoir d’en posséder un dans leur existence terrestre.
Il faudrait un livre volumineux (il serait en préparation) pour rappeler tous les bienfaits de l’ex-président mais il faut convenir qu’il ne fut pas qu’un héros. Il fut aussi un paria. En laissant le Mali devenir un refuge pour les terroristes traqués en Algérie, malgré les admonestations et mises en garde répétées des dirigeants de ce pays et en accueillant les mercenaires touaregs anciennement à la solde de Kadhafi avec des vivres et autres commodités sans les dessaisir de leurs armes de guerre, il a créé lui-même les conditions objectives pour l’insurrection armée qui conduira à sa propre chute et à l’occupation du nord du Mali par des forces coalisées rebelles-djihadistes. Une double maladresse qui lui vaudra la mésestime d’une partie de ses concitoyens.
Saouti HAIDARA
Source : L’Indépendant