Dans son discours d’investiture, hier, devant la Cour suprême lui ayant fait allégeance, à l’instar de la Cour constitutionnelle, quinze jours auparavant, le désormais président réélu IBK se livre à un exercice d’autosatisfaction qui tient du surréalisme.
Lorsqu’il déclare, par exemple, que l’élection présidentielle que le pays vient de vivre ” s’est déroulée dans la sérénité et la plus grande transparence ” les deux mille invités, triés sur le volet, à la cérémonie qui se déroulait au Palais de la Culture et nos concitoyens qui l’ont suivie par les médias ont dû se demander s’il s’agit bien de ce scrutin qui a vu des éléments terroristes priver des centaines de milliers d’électeurs de leur droit de vote. Et des bureaux de vote censés ne pas accueillir plus de cinq cents électeurs, selon la loi électorale, en recevoir le double. Qui plus est, tous ces électeurs de plus ont voté pour le même candidat.
Assurément immodeste sur les actes qu’il a posés au cours des cinq années écoulées (le pays est déjà sur les rails de la croissance et de l’émergence, assène t- il) il invite chaque Malien à ” constater la marche vigoureuse et inéluctable enclenchée “.
Avant d’en arriver au programme ” Notre grand Mali avance ” qu’il se propose d’appliquer ” scrupuleusement ” dès l’entame du nouveau mandat. Ledit programme ambitionne de ” renforcer la cohésion nationale ” notamment par la poursuite de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation considérée comme ” prioritaire “. Il accentuera ” la lutte contre le terrorisme ” le président promettant “ d’être implacable avec tous ceux qui bafouent nos libertés et foulent aux pieds nos valeurs de tolérance ” tout en étant ouvert “ à tous ceux qui veulent revenir au sein de la République ” en respectant toutefois la laïcité.
” Notre grand Mali avance ” veut restaurer les valeurs comme le respect d’autrui, le respect du bien public, des lois et règles de la République, de l’autorité de l’Etat. Et réhabiliter le travail, la culture de l’effort, le dévouement, l’amour de la patrie pour que ” le Mali soit de nouveau un modèle pour l’Afrique et le monde “.
Il projette de ” réformer l’Etat “. Et, dans ce cadre, ” une lutte plus farouche contre la corruption ” sera engagée. Il ” libérera l’initiative privée ” et IBK promet d’être ” le président de l’emploi, de l’entrepreneuriat et de l’industrie “. Il entend ” lutter contre la pauvreté ” et faire en sorte que plus aucun Malien ne soit laissé sur le côté de la route.
Enfin la jeunesse, cette ” majorité silencieuse qui souffre et peine à trouver repères, opportunités et perspectives ” sera ” la grande cause de ce nouveau mandat “.
IBK aime les mots. Il excelle à les construire et à les prononcer. Mais ceux-là ont un air de déjà entendu. En 2013 avec le programme ” le Mali d’abord “.
Si IBK, plébiscité par plus de 77% des électeurs, avait imprimé au pays ” la marche vigoureuse et inéluctable ” qu’il revendique, la présidentielle du 29 juillet et du 12 aout 2018 eût gagné en ” sérénité et en transparence “.
Le fait que la cérémonie de son investiture se soit déroulée dans un édifice dédié à la réjouissance transformé en forteresse inexpugnable par un déploiement exceptionnel des forces de l’ordre est bien la preuve que c’est loin d’être le cas.
Emporté par son autosatisfaction démesurée, IBK 2 “tend la main à tous ceux qui veulent que le Mali réussisse. Tous ceux qui veulent croire en ce beau dessein. Sans exclusive “. Cette fois-ci, on l’aura remarqué, il n’a pas daigné citer nommément son “ jeune frère Soumaïla Cissé ” contrairement à sa déclaration faite après la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle.
Raison probable : le turbulent cadet a préféré mobiliser la rue (deux cent mille personnes semble-t-il, samedi dernier) plutôt que de sauter sur la main tendue de l’aîné. Et de faire amende honorable.
Par Saouti Haïdara
Source: L’Indépendant