Pour avoir la confiance des populations locales et bénéficier de leur complicité, les groupes extrémistes adoptent plusieurs stratégies qui peuvent conduire à une aggravation des conflits locaux.
« L’arrivée des groupes extrémistes a parfois servi de véhicule aux protestations ». Ce passage du rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS) intitulé Extrémisme violent, criminalité organisée et conflits locaux dans le Liptako-Gourma, publié le 14 décembre 2019, pointe à travers des données collectées durant 24 mois le rôle des groupes extrémistes dans l’alimentation des conflits locaux dans la région du Liptako-Gourma, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Les anciens antagonismes liés à l’exploitation des ressources naturelles comme les points d’eau, les bourgoutières ou encore la destruction des champs des cultivateurs par les animaux des éleveurs, aussi bien dans la région de Mopti au Mali qu’au Niger ou encore au Burkina Faso, étaient résolus à travers des mécanismes traditionnels de règlements de conflits qui ne semblent plus fonctionnels.
Naissance des milices
L’histoire étant une roue qui ne cesse de tourner, ces anciens antagonismes se sont prolongés sur fonds de vols de bétail appartenant pour la plupart à la communauté peule ainsi que de razzias. Cette situation a fini par engendrer des violences entre les différentes communautés, notamment entre éleveurs et agriculteurs.
Chaque communauté, se voyant menacée, agressée et se sentant délaissée par les autorités locales, va chercher à se protéger. Ce qui va donner naissance à des milices entraînant, par ricochet, la course aux armements, selon le rapport de l’ISS. La recherche d’alliés fait également partie des stratégies de protection : « Face à la persistance du conflit, des Peuls se sont associés au MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, ndlr) lors de la crise malienne de 2012, puis à l’EIGS (État islamique au grand Sahara, ndlr). Cette association repose essentiellement sur un désir de protection », peut-on lire dans le rapport.
Instrumentalisation
Cette situation de conflictualité locale profite aux groupes extrémistes qui instrumentalisent ces conflits locaux en agissant avec « pragmatisme » et « opportunisme » dans ces situations. Ils en profitent pour agrandir leur réseau de trafic ainsi que leur rang en recrutant parmi les jeunes de la communauté à laquelle ils s’associent. « L’intensification de la violence liée aux conflits locaux au centre du Mali, lit-on dans ce rapport, au Burkina et à la frontière Mali-Niger est présentée selon de nombreuses analyses comme résultant principalement d’une instrumentalisation par les groupes extrémistes. »
Ces groupes exploitent plusieurs méthodes consistant, d’une part à une implication directe dans le conflit en tant que parties prenantes et, d’autre part, en se posant en médiateurs ou tout simplement en adoptant une attitude de non-ingérence.
Ainsi, les groupes extrémistes assurent la fourniture en armes et en formations au combat à leurs alliés de circonstance. Ce genre de collaboration ne peut servir qu’à aggraver la situation de conflictualité : « Ce schéma a souvent eu pour conséquence d’attiser ou d’exacerber les tensions existantes entre les communautés. »
Pour gagner davantage la confiance de la communauté avec laquelle ils s’associent, les groupes extrémistes emploient la méthode de dénigrement des autorités locales et traditionnelles. « Les groupes extrémistes se présentent comme une force de changement contre les pratiques jugées abusives de certaines élites locales et de l’État, par exemple en cessant la collecte des impôts et en réduisant le montant à payer pour l’accès des éleveurs aux bourgoutières », note l’ISS dans son rapport. Les populations locales, prenant alors désormais ces autorités comme des ennemis, les auront en aversion et des mouvements de protestation contre leur présence deviennent une autre source de déstabilisation. Cette méthode, on se rappelle, est ce qu’a employé Hamadoun Kouffa dans la région de Mopti.
Source : benbere