Les autorités de la transition au Mali sont décidées à aller au bout de leurs logiques sur le scandale des marchés de gré-à-gré d’avions militaires ; de véhicules blindés et des pièces de rechanges pour une surfacturation de 2 milliards 130 millions FCFA (2.130.000.000F) à la lumière de l’attribution de ces marchés à « EMBRAER SA Brésil » ; à China National Aéro-technolgy Import&Export Corporation (CATIC) et au Groupe Paramount LTD Afrique du Sud. Des sociétés qui évoluent dans le domaine de l’Aéronautique et des équipements militaires.
Décidemment, le fameux rapport d’audit sur les avions militaires maliens existe. Et il est bien l’œuvre d’un cabinet d’experts (un groupe). Aucun doute sur ces deux aspects. L’audit a-t-il été discrètement commandité par les autorités maliennes ? Nous en sommes convaincus au regard de la précision des données. Et pour cause : il aurait fallu le consentement exprès et formel de la plus haute autorité militaire, le chef suprême des armées en l’occurrence, afin que ce cabinet ait accès aux dossiers pourtant jugés confidentiels. Élémentaire ! Confidentiels uniquement du point de vue des finances soit-dit en passant. Il n’y a aucune caractéristique militaire confidentielle. Uniquement les finances ! Voici une synthèse des détails exclusifs et croustillants du document.
Graves irrégularités dans la passation des marchés
La transparence des attributions de marchés est encore mise à rude épreuve par ceux qui ont la charge de la traduire dans les faits en respectant la réglementation en vigueur. Et qui mieux que le Ministère de la Défense et des Anciens Combattant, pendant l’exercice 2015, devait veiller à respecter scrupuleusement la loi? Et qui est aujourd’hui au creux de cette affaire scabreuse ? Le ministre de la Défense en 2015.
En effet, et dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) 2015-2016, le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants (MDAC) à passé en 2015, 13 contrats. À savoir, le marché par entente directe pour la réparation de MI-24D conclu avec le fournisseur ALGEMIRA Algérie d’un coût de 5,820 milliards de FCFA signé le 10/06/2015 ; le marché relatif à la fourniture de 06 Avions SUPER TUCANA conclu avec le Fournisseur EMBRAER S.A Brésil pour 51,682 milliards FCFA ; la fourniture d’aéronefs d’une valeur de 20,903 milliards conclue avec le fournisseur China National Aéro-technologie Import & Export Corporation (CATIC) en date du 07/08/2015 ; la fourniture d’un avion de transport CASA conclue avec le fournisseur AIRBUS DEFENSE & SPASES Europe, le 13/10/2015 pour un coût de 22,184 milliards FCFA; la fourniture d’un SUPER PUMA révisé conclu le 15/06/2015 avec le fournisseur AIRBUS Hélicoptère Europe pour un montant de 3,870 milliards ; la fourniture d’un (01) Hélicoptère AS332L (SUPER PUMA) conclu le 15/06/2015 avec le fournisseur Vector Aéropspase Financial Services Ireland Limited pour une facture de 3,466 milli lards de nos francs ; la fourniture de quatre (04) Hélicoptère MI-35M conclu le 18/06/2015 pour un montant de 72 ,274 milliards de nos francs avec le fournisseur ROSOBORON EXPORT SA Russie. S’y ajoutent, le marché de fourniture de munitions d’aviation d’une valeur de 9,354 milliards FCFA conclu (encore) avec le fournisseur ROSOBORON EXPORT SA Russie, le même jour du 18/06/2015 ; le marché de fourniture des pièces de rechanges & outillage, de la formation, de la maintenance et de l’Assistance Technique d’une valeur de 3,908 milliards FCFA signé le 21/09/2015 avec AIRBUS Hélicoptère Europe ; le marché de la formation des pilotes conclu 16/11/2015 avec le Fournisseur Sité Dixel Partners Singapore pour 3,780 milliards FCFA ; le marché de fourniture de Véhicules blindés Maraudeurs et des pièces de rechange de 34,948 milliards FCFA, conclu le 02/10/2015 avec le fournisseur Groupe Paramount LTD Afrique du Sud ; le marché de rénovation de l’atelier de coupe et de couture de Kati pour 1,489 milliards, conclu encore le 02/10/2015 avec le fournisseur SOFRECAP-SA France et le marché de fourniture de munitions, conclu le 13/07/2015 avec le fournisseur COMPEL INDUSTRIE s.r.o. pour un montant de 2,654 milliards de nos francs. Le montant total des 13 contrats se chiffre à 236,332 milliards de FCFA.
Toutefois, dans l’exécution de ces marchés et à l’analyse d’un rapport d’audit sur les avions militaires, des irrégularités financières sautent à l’œil. D’abord, il n’y a pas de taux de conversion dans les contrats libellés en monnaie étrangère notamment en dollars USD. De ce fait, les auditeurs se sont référés au cours de la BCEAO affiché sur le site www.onada.com par rapport à la date de chaque contrat. Ensuite, il n’y a pas d’information sur quelle base le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants, à l’époque des faits, s’est référé pour convertir le dollar UDS en FCFA. Enfin, le cachet et la signature du contrôle financier ne figure pas sur les contrats. C’est dire qu’aucun contrat n’a été visé pour être exécuté. S’y ajoute, la disparition notoire des références d’imputation budgétaire pour les contrats ainsi que l’absence de certains documents et mentions obligatoire aux contrats de marché. Une manière pour les responsables en charge des marchés d’entretenir un flou artistique et empocher des ristournes. Sans laisser la moindre trace.
C’est avec clarté que le rapport d’audit révèle que les prix de trois marchés sur les 13 ont été surévalués. En effet, s’agissant du marché de fourniture des 06 Avions Super TUCANO avec EMBRAER SA Brésil, il ressort du rapprochement des auditeurs, un écart de 1,562 milliards de FCFA. Un montant qui selon les enquêteurs et une surévaluation de la dette fournisseur. La valeur recalculée du marché se chiffre exactement à 51,682 milliards de FCFA au lieu de 53,247 milliards identifiés comme étant la valeur du contrat en date du 09/10/2015. Il en est de même pour le marché de fourniture d’aéronefs avec China National Aéro-technology Import & Export Corporation (CATIC) qui a subi une surévaluation de 118 millions de FCFA, soit une valeur recalculée de 20, 903 milliards au lieu de 21,021 milliards identifiés comme étant la valeur du marché en date du 07/08/2015. Enfin, il y a une surfacturation de 450 millions de FCFA sur le marché de fourniture de Véhicules blindés Maraudeurs et pièces de rechange passé avec le Groupe Paramount LTD Afrique du Sud. La valeur réelle recalculée de ce contrat par les enquêteurs s’élève à 34,948 milliards de FCFA au lieu de 35,399 milliards identifiés comme étant la valeur du marché signé le 02/10/2015. Du coup, il y a une surfacturation totale de 2 milliards 130 millions de FCFA (2,130 milliards FCFA) sur les trois marchés.
Violation flagrante des textes
Pour ce qui est de la passation de ces marchés en 2015, il s’agit manifestement d’une fraude montée de toute pièce par le Ministère de la Défense de l’époque, avec la complicité de certains cadres des Finances. Trois marchés de plus de 136 milliards de francs CFA attribués en violation totale du principe de transparence et de saine concurrence pour les marchés publics. Pas de dossiers d’appel d’offres.
Des marchés revêtus du sceau de ‘’secret défense’’ mais décidés entre quatre murs. Sur ce pactole, de plus de 136 milliards de FCFA pour les 3 marchés, des responsables maliens en charge de ces contrats et leurs complices se sont léchés les babines au passage du magot. Des contrats qui n’ont respecté aucune forme légale ou régulière malgré les prétentions de transparence affichées par les autorités dans ce domaine. Mais le grand hic est que cette attribution a été faite en 2015 par le ministère de la Défense e lui-même et dans les conditions les plus opaques. Aucun avis n’a été faite sur ces marchés par la commission d’attribution. Preuve certaine, les sociétés spécialisées dans le domaine de l’aéronautique et des équipements militaires n’ont pas été informées par avis d’appel d’offre. Elles n’ont jamais été saisies de ce dossier. Pas la moindre trace d’un PV traitant de l’attribution de ces marchés de plus de 136 milliards de francs CFA par le ministère de la Défense, à l’époque des faits. Rien ! Absolument rien. Mais en remontant cette affaire, on apprend qu’au ministère de la Défense où tout s’est décidé en aparté, ces trois attributions n’ont fait l’objet du moindre marché régulier malgré l’importance de l’enveloppe engagée, soit plus de 136 milliards de francs CFA.
En revanche, on apprend que c’est une attribution faite en 2015 par le ministre de la Défense à des « proches ». Ses bienfaiteurs, en l’occurrence.
En bloc, ces marchés ont été attribué directement comme s’il n’y avait aucune réglementation sur l’octroi des marchés publics revêtus du sceau de ‘’secret défense’’ dans notre pays. À quoi servent alors les lois et règlements allègrement piétinés.
Si des membres du gouvernement se sont livrés à de telles pratiques on peut considérer que le pari lancé, au moment des faits, par le président de la République à l’encontre de la gabegie -et chaque jour démenti à l’époque par les faits de la pratique- est resté un slogan creux. Le pari de la transparence et de la lutte contre la corruption a donc été loin d’être gagné.
En attendant, c’est dire que l’insécurité était devenue un moyen pour des ministres maliens de s’enrichir sur le dos du contribuable malien. Rien que de par l’achat de matériels militaires pour les FAMA’s (Forces armées maliennes).
Jean Pierre James
Source : Nouveau Réveil