Lundi, mardi, mercredi et jeudi… les croissants de l’Aïd donnent le tournis

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La fête musulmane marquant la fin du mois de ramadan sera vraisemblablement célébrée à quatre dates différentes dans le monde arabo-musulman. Ils sont beaucoup à regretter cette dissonance, à la condamner… en rivalisant de brocards sur les réseaux sociaux.

Aïd-El-Fitr, Aïd El Seghir, Ramazan Bayramı, ou encore Korité, dans le monde arabo-musulman, la fête de la fin du ramadan a presque autant de noms que… de dates!

Le bal a été inauguré par le Mali, seul État au Monde à fêter l’Aïd dès le lundi 3 juin 2019. Pour les autres pays, deux grands groupes se distinguent clairement. Le premier, majoritaire, a déclaré que le mardi 4 juin correspondait au premier jour de Chawal, le mois lunaire suivant le ramadan. Parmi ceux-là, une majorité des pays du golfe, mais aussi le Yémen, le Liban, l’Irak, la Turquie et l’Algérie, sans compter un certain nombre de pays subsahariens.

D’autres, n’ayant point observé de nouvelle lune, ont choisi de remettre la fête au jour d’après, c’est-à-dire le mercredi 5 juin. C’est le cas de la Tunisie, mais aussi de l’Égypte, la Syrie, la Palestine et le Soudan.

Un autre groupe, enfin, composé de pays ayant entamé ramadan plus tôt que les autres, n’excluent pas de fêter l’Aïd jeudi 6 juin. En Libye, en revanche, après avoir annoncé une nouvelle journée d’abstinence, les autorités libyennes se sont rétractées en annonçant un «mardi gras». Preuve que les coups de théâtre rocambolesques n’étaient pas le fait exclusif du tempérament fantasque de Kadhafi.

L’Aïd s’étend ainsi sur une période de quatre jours dans ce monde arabo-musulman, sur lequel «le soleil ne se couche jamais». Une hypothèse expliquant, sans doute, les difficultés de scrutation des croissants lunaires.

Sur Internet, ces dissonances ont inspiré à quelques amateurs du ballon rond une allégorie footballistique. «Pourvu que le tirage au sort nous désigne une poule abordable!», s’amusait-on ainsi sur quelques réseaux sociaux maghrébins, en attendant l’annonce officielle.

«Mardi : Arabie saoudite, Émirats, Turquie

Mercredi: Japon, Malaisie, Indonésie

Inshallah, on nous désignera une poule facile!»

Les administrateurs de cette page algérienne ont sans doute été satisfaits, l’Algérie ayant ainsi dispensé les fidèles d’un jour de jeûne supplémentaire. Ce qui ne fut pas le cas des Tunisiens. Dans ce pays voisin, le suspens s’est prolongé jusque tard dans la soirée. L’enjeu n’était certes pas considérable, puisqu’il avait été décidé depuis plusieurs jours que le mardi serait dans tous les cas férié, avec mercredi et jeudi.

En attendant la sortie du Mufti, les mêmes cyber-chenapans sont repassés à l’action et ont remué le couteau dans la plaie en invoquant un récent match houleux, en finale de la Ligue des Champions africaine, qui opposa l’Espérance de Tunis au Widad de Casablanca. Estimant faire l’objet d’acharnement de la part des arbitres, les Marocains avaient arrêté le jeu en plein match, exigeant l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR). La rencontre, qui s’était soldée par la défaite par forfait des Marocains, a inspiré à ce Tunisien ce trait d’humour cruel.

Arabie saoudite: L’Aïd, c’est mardi

Tunisie: L’Aïd, c’est mercredi

Maroc: Ils refusent de fêter l’Aïd jusqu’à ce qu’ils visionnent le VAR

Plus habiles aux jeux de mots qu’à ceux du foot, des internautes arabes ont procédé à la contraction des deux principaux jours «litigieux» pour inventer un nouveau jour, sans doute plus rassembleur: le «Marcredi». Un hashtag qui a eu du succès sur plusieurs plateformes sociales.

L’Aïd est le «mercredi»

Se voulant plus politisés, certains Tunisiens ont attiré l’attention sur le fait que les augmentations touchaient maintenant jusqu’au ramadan!

«Après avoir tout augmenté, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’“augmenter” le ramadan!», s’amuse cet internaute, en référence à l’inflation galopante dans le pays (qui devrait pourtant recevoir une légère atténuation).

À l’origine de ces divergences, un point de départ différent du ramadan, entraînant un décalage à la ligne d’arrivée. Ces discordances renvoient surtout à des approches différentes dans la fixation des mois lunaires, à la préférence accordée, selon les pays, à l’observation ou au «calcul», mais aussi aux considérations d’ordre interne comme régional.

Des initiatives pour unifier le calendrier hégire ont été tentées, sans succès, depuis des années. La dernière en date étant le Congrès international pour l’unification du calendrier islamique, qui s’est tenu en Turquie en juin 2016. La Tunisie, où «le début de chaque mois lunaire est fixé par l’observation, en s’aidant du calcul» (décret de 1988), avait initié un début de jurisprudence intéressante en la matière, ces dernières années… à laquelle elle semble avoir par la suite renoncé: celle où une nouvelle lune défaillante dans les cieux tunisiens ne fait pas obstacle à l’annonce de l’Aïd ou du ramadan pour le lendemain, dès lors que le croissant a été perçu dans d’autres pays arabes et musulmans.

Le Mufti de la République tunisienne annonçant, en juin 2016, le début du ramadan.

«Attendu qu’il importe peu l’endroit précis d’apparition du croissant lunaire,

Attendu aussi qu’il [le croissant] a été observé dans un certain nombre de pays arabes et musulmans,

Décidons que, demain, lundi 6 juin 2016, est le premier jour du ramadan»

Reste à connaître la nature exacte de ce qui avait été pris par les Maliens, dès dimanche soir, pour un croissant de lune… alors que d’autres pays ont dû attendre trois jours pour espérer voir poindre le nouveau croissant lunaire. Peut-être un drone Reaper de l’Opération Barkhane, planant en pleine nuit dans le ciel malien?

Safwene Grira

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