En moins d’une décennie de présence militaire au Sahel, la France est passée de sauveur à une force d’occupation entre 2013 et 2021. La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader et la présence des militaires français est décriée par une bonne partie de l’opinion publique. Même si les autorités françaises récusent un échec, les populations ouest africaines jugent inefficaces cette présence.
La présence militaire française au Sahel dure depuis près d’une décennie et les résultats obtenus sont loin d’être une réussite. Pourtant en janvier 2013, son intervention au Mali qui fut saluée par l’ensemble du peuple malien a permis de stopper l’avancée des groupes djihadistes vers le sud et la reconquête des grandes villes du Nord. Malgré une crispation autour de cette intervention au sujet de lettre officielle des autorités maliennes de l’époque adressée aux autorités françaises pour un appui aérien et des renseignements. Cela s’est passé sous le silence euphorique du peuple. Si les grandes villes du nord ont été reconquises par l’État malien, ce ne fut pas le cas pour Kidal où l’armée malienne a été empêchée de rentrer. En novembre 2013, deux journalistes français Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont assassinés après avoir été enlevés à Kidal dans une situation assez mystérieuse. Ils étaient présents dans cette localité pour une série de reportages pour RFI. Ce double assassinat, à l’époque, avait suscité beaucoup d’interrogations notamment sur les raisons de ces assassinats.
En 2014 L’opération Barkhane remplace celle dite serval. La France s’engage dans la lutte contre le terrorisme dans un territoire que le Sahel relève presque de l’impossible. La force Barkhane est passée de 3 000 hommes en 2014 à 5 100 en février 2020 après le sommet de Pau. Ce sommet très critiqué où Macron a convoqué ces homologues des pays du G5 Sahel à venir clarifier leurs positions quant à la présence française au Sahel qui cristallise les critiques face à la recrudescence des attaques djihadistes dans la région est perçue comme une force d’occupation. Le manque de résultat dans un contexte évolutif du conflit a entraîné l’impopularité de Barkhane au sein de l’opinion publique qui s’est traduit par des manifestations anti politique française au Sahel.
A cela s’ajoute la désinformation qui n’a pas eu du mal à émerger grâce à l’histoire commune entre la France et ses anciens sujets. Face à tous ces facteurs, la France a perdu la bataille de la communication, elle n’a pas su adapter son discours au contexte. Depuis le second changement de pouvoir en avril 2021 au Mali, la France s’est engagée dans une posture de condescendance et de donneur de leçon de démocratie. Le discours des dirigeants français contre les autorités de la transition est perçu comme une autre forme de paternalisme. Ce qui a permis aux nouvelles autorités de la Transition d’asseoir leurs notoriétés au-delà des frontières maliennes. Il serait difficile pour la France, d’opérer efficacement dans un endroit hostile à sa présence. La bataille des cœurs des populations est son plus grand défi.
Bah Traoré
(Ucad de Dakar, détenteur de Master en Études africaines postcoloniales et en Communication)
Source : Mali Tribune