M5 RFP-Synergie : De l’alliance à la confrontation

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Les manifestants
La foule rassemblée à Bamako, vendredi 5 juin, pour manifester contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta

Considéré comme financièrement intenable à long terme par les plus avisés et objectifs, l’article 39 est devenu une arme pour certains hommes politiques d’accéder à leurs fins. Ceux-ci continuent de ternir l’image du monde scolaire, déjà mal en point. L’Education est un droit. Pour une énième fois nous assistons à un nouveau duel entre les syndicats signataires du 15 octobre 2016 et le gouvernement, dont plusieurs membres, dans un passé récent, soutenaient la Synergie contre l’ancien régime.

Des alliés d’hier sont-ils devenus des ennemis aujourd’hui ? Qu’est-ce qui n’a pas marché?  Ont-ils été manipulés par ceux qui soutenaient que l’application de l’article 39 n’aura aucun impact négatif sur le budget national ? Que dire de ceux qui ont fait de cet article un fonds de commerce pour accéder au pouvoir?

En tout cas, la synergie a sonné la mobilisation. Elle demande à ses militants la résistance jusqu’à la victoire. Pour elle, une loi votée par l’Assemblée nationale et promulguée par un président démocratiquement élu ne peut pas être mise en cause par des dirigeants « illégaux et illégitimes ».

À l’origine du divorce entre les anciens alliés, ordonnance 2021 n°2021 003, en date du vendredi 16 juillet, signée par le colonel Assimi Goïta, président de la Transition,  et Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre, non moins ancien défenseur fervent de l’article 39. Que  dit cette ordonnance?  Elle dispose en effet que « la grille indiciaire unifiée des personnels relevant des statuts des fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales, des statuts autonomes et des militaires est définie conformément au tableau annexé à la présente ordonnance. Un décret pris en Conseil des ministres détermine les modalités de transposition des fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités territoriales dans la nouvelle grille. La présente ordonnance qui  ne s’applique pas aux Enseignants-chercheurs entre en vigueur pour compter du 1er juillet 2021. La présente ordonnance qui abroge toutes dispositions antérieures contraires sera enregistrée et publiée au journal officiel».

En effet, la Synergie voit en cette décision une menace pour leur article 39. Un article qui stipule que « toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du Statut général s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale».

Pour eux, l’harmonisation a augmenté la grille du statut général de 15%. Donc, leur ancienne grille doit augmenter avant l’harmonisation, selon la même proportion. Chose qui, selon certains, n’est pas facile pour le gouvernement car l’Etat n’a pas les moyens d’accorder une nouvelle augmentation salariale Pire, qu’il risquerait de faire face à la colère d’autres syndicats. «Le Mali a le potentiel et les ressources pour l’appliquer. Mais le gouvernement a juste peur de l’Untm», estime un enseignant. Alors, comment procéder pour mettre un terme à cet éternel cercle vicieux?

Pour certains, c’est une manière intelligente pour le gouvernement de contourner l’article 39 des enseignants, sans l’abroger. Le rendre inefficace, or cette ordonnance n’abroge que les grilles qui étaient annexées aux différents statuts, hormis celui des enseignants-chercheurs, et ne peut pas abroger l’article 39

La synergie trouve incohérent qu’un article qui faisait partie des revendications du même mouvement qui a contraint le président déchu d’ordonner son application immédiate avant sa chute soit mis en cause par les mêmes acteurs qui sont en charge de son application. D’ailleurs, l’on peut voir les images de l’actuel ministre de l’Education nationale, ancienne syndicaliste, aux côtés des enseignants lors des marches.

Va-t-on remettre en cause un acquis syndical ? 

Pour certains, une loi s’applique tant qu’elle est valable. Et ce ne sont pas les enseignants qui sont en tort, mais plutôt ceux qui refusent de l’appliquer. «Aucun citoyen n’a demandé encore moins marché pour l’application d’une loi. Le bras de fer ne profite à personne ; l’on gagnerait tous à négocier, amadouer celui qui a raison et qui a la loi avec lui, afin qu’il fasse preuve de clémence et de magnanimité. Soit l’Etat applique la loi de la République, soit les enseignants acceptent de faire preuve de clémence et de compassion. Pour cela, il faut y mettre de la méthode», soutient Djombana, un analyste politique.

Pour d’autres, une loi est toujours contextuelle. Et qu’on en abroge quand cela est nécessaire. Ils estiment que si le corps enseignant a pu bénéficier d’une loi prise à un moment de la vie de la nation, et qui se révèle inapplicable pour une raison ou une autre, elle ne doit plus être d’actualité.

La clé du problème se trouve donc aux mains de l’Etat. Qu’il applique la loi ou qu’il l’abroge. À défaut, il faut trouver un consensus entre les deux parties. Ce qui est impossible dans ce dialogue de sourds. En tout cas, le gouvernement détient le pouvoir d’abroger cette fameuse loi, mais cela conduira-t-il à l’apaisement?

Le gouvernement et les syndicats de la synergie se sont encore quitté ce mardi 10 août sans accord. Chacun se serait campé sur sa position. La reprise des négociations est prévue pour ce vendredi 13 août. Selon la Synergie, les lignes n’ont pas bougé car la partie gouvernementale ne s’inscrit pas dans la dynamique de l’application de leur article. Donc, la grève de 288 heures démarré le lundi 09 août reste  maintenue jusqu’au vendredi 27 août 2021, avec comme méthode employée: «La rétention des notes, le boycott des épreuves anticipées et le boycott des examens de fin d’année à travers la désobéissance civile». Vu que le gouvernement a décidé de tenir les examens de fin d’année sans eux.

Les pédagogues ont-ils manqué de pédagogie?

Pour rappel, en début de semaine, à Bamako et dans certains régions et cercles, des enseignants se sont mobilisés pour empêcher la tenue de l’examen dans les centres d’examen du BT (1 et 2). Ils ont ainsi tenté de fermer certaines académies d’enseignement. Selon plusieurs médias, des perturbations ont été constatées dans les Centres d’examen des lycées «Carnot», Mamadou Sarr et à Kalaban-Coura, où ils ont déchiré la liste de présence des candidats. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour les disperser. Certains militants ont été arrêtés. Pour la ministre, ces actes de vandalisme ne doivent pas venir des acteurs de l’école, notamment les enseignants. Elle leur a demandé la retenue.

Les épreuves du DEF débuteront ce lundi 16 août. La Synergie ne décolère pas. Dans un communiqué en date du 10 août, ils ont condamné ce qu’ils appellent les « arrestations arbitraires » des enseignants lors des manifestations pacifiques relatives à la fermeture des structures scolaires. Elle a demandé ses militants «à résister aux forces du mal pour que la victoire du bien sur le mal soit une réalité».

Un syndicat peut refuser d’enseigner ou d’évaluer les élèves, mais a-t-il  le droit de fermer une structure scolaire? En tout cas, les syndicats ont été inspirés par le M5-RFP qui a utilisé la désobéissance civile contre le régime d’IBK et la méthode a porté fruit. Ont-ils manqué de pédagogie en adoptant cette stratégie? En tant qu’éducateur, ils doivent se servir d’autres moyens obligeant les autorités à les mettre dans leurs droits. Pour les anciens du M-5 RFP, c’est l’effet  boomerang et cela doit servir de leçon pour certains acteurs politiques de l’ancien régime qui soutiennent les enseignants contre la transition, alors qu’ils n’étaient pas favorables à l’application du fameux article 39.

Affaire à suivre!

Moussa Sékou Diaby 

Source : Le Tjikan

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