Malheureusement les faits sont têtus.
En effet :
1-J’aurai voulu avoir tort en soutenant que l’élection législative en cours porterait gravement atteinte à la Cohésion nationale.
Mais dans son rapport d’avril 2020, l’Observateur Indépendant pour le Mali (le Centre Carter) confirme mes craintes en constatant que « Les conditions dans lesquelles sont en train de se dérouler les élections législatives de 2020 représentent une nouvelle entorse au processus de décentralisation. Or c’est bien ce processus qui doit permettre d’asseoir la légitimité démocratique de l’Assemblée Nationale… L’exclusion des collectivités territoriales de Taoudéni et de Ménaka est un choix politique, car le redécoupage aurait pu être effectué malgré la situation sécuritaire du centre et du nord du Mali » Aussi poursuit le Centre Carter « Le redécoupage n’ayant toujours pas été fait pour ces régions, elles ne sont pas prises en compte en tant que collectivités territoriales dans le cadre des élections de 2020, privant ainsi leurs populations d’une représentation au niveau national qui soit conforme à la loi et à l’Accord de paix ».
2- J’aurai voulu avoir tort en disant que toute élection serait frauduleuse au Mali aussi longtemps que le cadre juridique et politique des élections au Mali n’aura pas changé.
En témoignent les plaintes et récriminations devant la Cour Constitutionnelle qui vont des faux bureaux de vote aux bourrages d’urnes en passant par les achats de voix et de conscience. Les observateurs ont fait mention de ces manquements dans leurs différents rapports. La Cour constitutionnelle, seule, n’a rien vu ni rien su. Elle a validé tout ce qui est venu de l’administration sauf quand il a fallu faire la courte échelle à des amis.
3- J’aurai voulu avoir tort en affirmant que le gouvernement ne pouvait assurer la sécurité des élections ni avant, ni pendant ni après le scrutin.
Six candidats ont été attaqués au cours de la campagne électorale, le Chef de file de l’Opposition, Soumaila Cissé a été enlevé, les morts depuis l’ouverture de la campagne électorale se comptent par dizaines. Certains bureaux de vote n’ont pu ouvrir, d’autres ont été attaqués et même des observateurs enlevés. Ce sont là des faits incontestables.
4- Enfin J’aurai voulu avoir tort en tirant la sonnette d’alarme sur l’inévitable propagation du Coronavirus à l’occasion de cette élection.
Au mépris de toutes les règles sur le principe de précaution, le Gouvernement est allé à marche forcée à SON élection en affirmant que toutes les mesures seraient prises pour assurer la sécurité sanitaire des électeurs. Il n’en fût rien. Ainsi de 05 cas enregistrés le jour du vote nous en sommes malheureusement aujourd’hui à 148. La responsabilité des gouvernements est engagée et ils ne sauraient s’y soustraire.
Malgré ce terrible bilan, le Gouvernement veut récidiver le 19 avril prochain en maintenant cette date pour le deuxième tour de l’élection législative.
Le Gouvernement peut ne pas se soucier de la santé des maliens et décider de les envoyer à l’abattoir de l’élection législative. Mais les Maliens peuvent refuser d’aller au suicide. Car, comme le dit l’adage « on ne peut raser un absent ».
Le Gouvernement faisant aveu d’impuissance a, dans une Déclaration d’appel aux PTF pour une aide d’urgence, clairement indiqué la gravité du mal et ses difficultés à y faire face « la crise sanitaire prévisible découlant de la propagation implacable de la pandémie du Covid-19, la capacité de réponse du Mali sera fortement mise en mal ». Et pour se protéger, a décidé de ne plus se réunir et les Conseils de ministres se tiennent désormais par Visioconférences.
Quant au Président de la République, dans son discours du 10 avril 2020, il a salué « ces personnes qui, sans attendre quelle que (sic) consigne que ce soit, décident d’éviter les attroupements… pour ne pas prendre la responsabilité de contaminer une brave épouse, un vieux père, une vieille mère ».
Il ajoute « Consciemment et inconsciemment, beaucoup d’entre nous continuent d’être les vecteurs de l’épidémie. Ils le font contre eux-mêmes, ils le font contre leurs familles, ils le font contre le Mali ».
Et de conclure « qu’en démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions ».
Alors maliennes et maliens, suivons les conseils du président de la République : évitons les attroupements pour ne pas prendre la responsabilité de contaminer une brave épouse, un vieux père, une vieille mère. J’ajouterai un mari, un fils, une fille, un voisin, un ami, un camarade….
Refusons d’être les vecteurs de l’épidémie contre nous-mêmes, contre nos familles, contre le Mali.
Donc restez- chez vous ! Restons chez nous !
Le président de la République a dit « qu’en démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions ».Là il oublie qu’il a déjà reporté à deux reprises cette élection. Et surtout qu’assurer la protection de la vie des malien(nes) est aussi une obligation constitutionnelle bien plus impérieuse qu’une élection législative déjà reportée.
Encore une fois, restez- chez vous ! Restons chez nous !
Enfin, j’invite les candidats, les partis politiques, les leaders religieux, les leaders d’opinion, la société civile, les activistes, les hommes de médias, les intellectuels, les soignants, les syndicats, les opérateurs économiques, les associations de jeunes, de femmes, les aînés, les étudiants …..chacun dans la forme d’expression qui lui conviendrait le mieux de s’approprier ce message , de le transmettre et de le partager. Pour sauver des vies.
Ensemble, protégeons-nous du Covid-19 !
Ce 19 avril, Restez- chez vous ! Restons chez nous !
Bamako, le 15 avril 2020
Maître Mountaga TALL
Président du CNID – FYT
Ancien ministre
Source : Lerepublicainmali