Mali : De « Ante Abana…» Aux réformes Institutionnelles : Amadou Thiam piégé !

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Il fut  l’un des acteurs de la Plateforme« Antè Abana. Touche pas à ma Constitution » qui, en 2017, a mis en échec le projet de révision constitutionnelle. Dans le nouveau gouvernement, il est nommé ministre des Réformes institutionnelles et des Relations avec la société civile. Thiam est désormais appelé à défendre ce qu’il a combattu, il y a quelques mois : la révision de la Constitution de 92.

L’un des défis majeurs du nouveau gouvernement dit de mission du Dr Boubou Cissé est entre autre la sécurisation du pays, la relance économique, l’exténuation des grognes sociales et les grèves intempestives qui les accompagnent mais surtout les réformes politiques, intentionnelles et territoriales. Ces dernières tâches, à savoir les réformes, sont les plus houleuses car elles sont de plus en plus réclamées par la communauté internationale qui voit en elles comme un point d’accélération de l’application de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger signé en juin 2015.

Contre toute attente, le ministère des Réformes institutionnelles et des relations avec la société civile, qui aura la charge d’organiser et de conduire cette révision constitutionnelle, que rien ne peut justifier dans ce contexte sociopolitique et surtout sécuritaire, a été confié à une figure emblématique de la plateforme qui avait poussé le Président de la République à surseoir à ce même en 2017. Cette figure n’est personne d’autre que l’ancien député de la Commune V, Amadou Thiam, et ex-président du parti ADP-MALIBA.

Thiam contre le référendum !

Amadou Thiam avait fait sa grande apparition politique en 2013 durant les élections législatives où il était candidat de son ancien parti, ADP-Maliba, et en alliance avec le parti au pouvoir, RPM, dont le candidat était Moussa Timbiné. Il a fait son ascension politique en étant élu comme député de cette commune mais c’est à l’issu du 1erCongrès ordinaire de son ancien parti e où il fut nommé Président du Comité Exécutif en 2015 qu’il s’est finalement imposé. Toutefois, il faudra attendre la création de la plus grande plateforme politique, le 11 juin 2017, à savoir ‘’Antè Abana: Touche Pas A Ma Constitution’’ pour que le jeune Amadou Thiam s’impose sur la scène politique. Dans cette plateforme, il était le 1er vice-président.

Thiam et ses compagnons ont alors engagé une lutte implacable contre la tenue du référendum en 2017. En effet,« Antè Abana » jugeait inacceptable la non effectivité des conditions exigées par l’article 118 de la constitution concernant la tenue de toute révision constitutionnelle. Cet article, dans son alinéa 03, qui stipule que: « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire». Contre l’avis de la cour constitionnelle qui qualifia l’insécurité de l’époque comme étant « résiduelle », la Plateforme avait rejeté cette décision surtout dans sa déclaration lue par Amadou Thiam, lors de son 2e marche organisée le 1er juillet 2017. C’est en mobilisant des millions de Maliens autour du rejet du projet référendaire avec comme argument principal l’insécurité que la plateforme a obligé le Président IBK de surseoir, au mois d’août, à sa révision constitutionnelle. Et cet acte a été vu comme une victoire politique majeure et historique dans notre pays qui fut fêtée par la plateforme au siège d’ADP-MALIBA sous la présidence d’Amadou Thiam.

Moins d’un an après et contre  toute attente, qu’à lecture de la liste des membres du nouveau gouvernement dite de mission du Dr Boubou Cissé, que les Maliens ont constaté la présence de ce même Amadou Thiam comme ministre chargé des Réformes institutionnelles donc celui chargé organiser et de défendre la révision constitutionnelle dans l’état actuel du pays.

Quand les paroles d’hier rattrapent Thiam !

La question que tout le monde se pose est :«Quels sont les arguments qu’utiliseraient Amadou Thiam pour justifier la ténue de la révision constitutionnelle dans ces conditions sociopolitiques sécuritaires actuelles que vit le pays ?». Va-t-il jouer au même jeu de verbiage dans le débat sur ce sujet tout comme le faisait son prédécesseur à la tête de ce même département, à savoir Me Kassoum Tapo, qu’il combattait au sein de la plateforme ?

Si l’article 118 empêchait en 2017 la tenue de la révision constitutionnelle pour cause d’insécurité et la non effectivité de l’intégrité territoriale du pays, il est inimaginable de penser qu’on pourrait la justifier dans le Mali actuel qui fait partie des pays les plus insécurisés de la planète selon divers rapports d’ONG et d’autres institutions. Dans un appel au président de la République diffusé sur sa page Facebook et dans un certains: le jeune Thiam disait ceci: «Monsieur le Président, pensez aux millions de maliens qui souffrent dans ce pays. 132 arrondissements ne pourront pas voter si vous forcez ce scrutin.». Selon un adage bambara, « la parole est un lion qui dévore celui qui l’a prononcé ! ». Sans commentaire !

L’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga avait reconnu lors de sa visite aux Nations-Unies dans les colonnes de ‘’New York Times’’ que: « le Mali n’a plus le contrôle du Centre du pays vu la progression des djihadistes du Nord au Sud du pays…». Cela ne voudrait-il pas dire au ministre Thiam que ce n’est plus une centaine d’arrondissements qui ne risque plus de voter dans un référendum actuellement mais toute une partie du pays, à savoir le Centre qui n’est plus sous l’autorité de l’Etat ?

En début du mois d’avril dernier, le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, le Gal Salif Traoré, a indiqué qu’au premier trimestre de cette année: « Les attaques ont fait, entre janviers et mars 2019, 440 morts du côté des civils et 150 militaires parmi les FAMAs, la MINUSMA et Barkhane.» sous l’interpellation de certains députés à l’Assemblée nationale. C’est clair pour tout le monde, le Mali est en proie à une insécurité généralisée sur une grande partie du territoire national. Et les populations souffrent terriblement de cette situation qui fait des victimes quotidiennement.Le ministre fera-t-il fi de ces mêmes statistiques alarmantes sur la situation sécuritaire du pays qui lui servaient pourtant d’arguments de batille contre le régime en 2017 ?

Dans ce même appel au Président, A. Thiam lui demande en ces termes: «Abandonnez ce projet et concentrez-vous sur notre armée qui souffre. Tous les jours nos frères et sœurs sont tués et kidnappés.». Mais diantre, Quelqu’un pourrait-il dire annoncer à Amadou Thiam que notre armée est à plus de 200 militaires tués durant ces 04 premiers mois de 2019 ?

Dans l’attente de la tenue du dialogue politique inclusif dont le but est de rallier le maximum de forces vives du pays à la tenue du référendum, les Maliens attendent avec impatience pour voir sur scène cet homme, Amadou Thiam, qui les avaient poussé, avec d’autres leaders, en 2017 à le rejeter mais qui aujourd’hui est celui qui a la charge de son organisation dans des conditions sécuritaires plus scandaleuses qu’il y a deux ans.

Ousmane Dembélé

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