Cette période tumultueuse de la Transition civilo-militaire sollicite beaucoup le pouvoir judiciaire, au point qu’il se sent obligé de manier, avec pédagogie, le bâton et la carotte pour préserver les fondements de la République.
Comme vient de le souligner si éloquemment Me Boubacar Karamoko Coulibaly dans une brillante tribune publiée sur les réseaux sociaux, il n’y a aucune corporation qui n’ait en son sein des brebis galeuses. Surtout que toute œuvre humaine est perfectible, puisque toutes les professions ont des cadres compétents mais aussi, malheureusement, des moins compétents voire des vicieux.
La famille judiciaire ne déroge pas à cette règle, sauf qu’elle est le troisième pouvoir dans une République comme la nôtre. Et c’est à ce titre que de fortes attentes pèsent légitimement sur elle. Ses diverses interventions sont scrutées à la loupe par les justiciables qui, il est normal, peuvent ne pas se satisfaire, de ses « verdicts ».
Dans le cas récent de l’affaire dite de déstabilisation des institutions de la Transition, la machine judiciaire a ainsi joué tout son rôle, comme elle l’entend en conformité avec la loi. Elle ne doit donc respecter que la loi et l’appliquer, non sans quelquefois y adjoindre ce que les juristes appellent son « intime conviction ». Et c’est la loi qui autorise le juge à user de son « appréciation souveraine » pour trancher des litiges, pour ainsi « dire le droit ».
Et c’est cette méthode pour dire le droit qui suscite souvent, par ces temps de grande liberté d’expression, avec la disponibilité des médias sociaux, des diatribes, des récriminations des plus osées.
C’est ce qui est arrivé avec certains acteurs sociaux comme des activistes qui n’hésitent pas à s’en prendre vertement à des juges, dont le pouvoir dans un contexte de pouvoir transition, prend des galons. Car, si les pouvoirs exécutifs et législatifs souffrent d’un déficit de légitimité (période d’instabilité institutionnelle), la Cour suprême, le dépositaire supérieur du pouvoir judiciaire se doit d’être plus regardante des éventuelles dérives à la vie républicaine.
La machine judiciaire devient alors plus prompte, non pas seulement à brandir le bâton de coercition ou de sanction, mais aussi à manier la carotte pour sensibiliser les citoyens à se préoccuper de l’intérêt général. Ce qui peut conduire à une inflation des délits d’« outrage à magistrats ». C’est ce qui vient d’arriver à l’activiste Youssouf Bathily dit Ras Bath.
L’on comprend aisément la sortie de son avocat, Me Kassoum Tapo, expliquant qu’il est répréhensible de faire injure aux magistrats, de faire injure aux hautes personnalités de la République. Car, sans ces personnalités, censées protectrices des droits et libertés de tous, le pays risque de sombrer dans la jungle. Mais, il urge que l’institution judiciaire œuvre à un équilibrisme savant entre le bâton et la carotte. Le tout doit s’incruster sur une autocritique sévère de l’appareil judiciaire, afin de l’aider à reconquérir toute sa crédibilité, et, par ricochet, son respect. C’est ce à quoi le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Mohamed Sidda Dicko, l’un des meilleurs magistrats du Mali moderne, faisait allusion, le vendredi dernier, à la Cour d’Appel de Bamako, en insistant sur « le bon comportement du magistrat ». Celui-ci est le seul pilier de sauvegarde de l’Etat de droit, le véritable parapluie de la sécurité juridique du peuple. Dès lors, la justice et la clémence ne sont-elles pas des attributs de Dieu ?
Boubou SIDIBE
Source : Maliweb.net