L’avant-projet de la nouvelle constitution a été remis au Président de la Transition près de 4 mois après la mise en place de la commission chargée de son élaboration.
C’est un exercice qui devait durer 2 mois, au final il a pris 4 mois avant d’être remis au colonel Assimi Goïta. Le mardi 11 octobre dernier, Fousseyni Samaké, président de la commission chargée de l’élaboration de la nouvelle constitution a remis l’avant-projet au colonel Assimi Goïta. Les régimes d’exception sont des moments importants car c’est les rares fois où il y a un semblant d’apaisement.
Cette nouvelle constitution qui doit passer par référendum en mars 2023 se substituera à la très controversée mais rigide constitution de 1992.
Adoptée en février de la même année à la suite de la chute du régime de Moussa Traoré, qui a dirigé le pays pendant 23 ans, la constitution actuelle du Mali n’a pas répondu aux aspirations de notre démocratie naissante. Dans un passé récent, le Mali était considéré comme un modèle de pays ayant réussi sa transition démocratique et une alternance du pouvoir en 2002. Pendant 30 ans de pratique, cette constitution a tout le temps fait l’objet de débats quant aux fonctionnements, l’organisation des institutions de la République et l’influence de certaines institutions sur d’autres.
L’échec des révisions constitutionnelles
La constitution de février 1992 a su résister aux différentes tentatives de modifications des trois derniers Présidents démocratiquement élus, mais aussi à des crises politiques et des ruptures constitutionnelles à répétition. La dernière tentative de révision en date était celle de 2017 où le Président de l’époque, Ibrahim Boubacar Keita était obligé de surseoir à l’organisation au projet de révision à la suite de contestations populaires. Elle n’a pas su s’adapter au temps à cause de sa sacralisation qui s’explique par le contexte dans lequel il a vu le jour, mais aussi la rupture de confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Il faut dire que l’esprit des martyrs a toujours tourmenté cette constitution. C’est à la suite d’un soulèvement populaire que cette constitution a vu le jour. C’est le peuple qui en est devenu le principal garant et a défié les dirigeants qui ont été tentés de la modifier. Si tout le monde est unanime sur la nécessité des réformes politiques et institutionnelles, la sincérité des dirigeants a toujours été remise en cause.
Au regard des mutations observées dans notre pays et l’engagement pris par notre gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger, une nouvelle constitution s’impose. Les régimes démocratiques ont été implacables pour réformer la constitution. Cette transition apparaît comme la meilleure opportunité pour la changer, mais pendant combien de temps pourrait-elle résister?
Savoir s’adapter
Le processus d’élaboration de la constitution est aussi important que la constitution elle-même. Il faut que cela soit une réflexion collective et inclusive. Si la constitution de 1992 s’est avérée limitée de nombreuses fois, ce n’est pas forcément dû aux textes qui régissent la constitution ni la démocratie elle-même, mais aussi de l’instrumentalisation des textes par les dirigeants. Le Mali est une jeune démocratie qui cherche toujours sa voie.
L’expérience du monde a démontré qu’une constitution ne peut prétendre résister au temps. Il est difficile de savoir si la nouvelle constitution sera là dans 10 ou 20 ans. Il est donc important de ne pas avoir la prétention de vouloir élaborer une constitution si puissante qu’il sera difficile d’actualiser ou de revoir. De ce fait, il faut garantir les conditions de la légitimité du processus d’élaboration de la constitution et conduire des débats d’orientation constitutionnelle. Elle doit faire l’objet de débat public. Il faut une démarche inclusive afin de garantir la légitimité du processus dans un contexte de transition.
Bah Traoré
Chercheur, Analyste politique et sécuritaire au Sahel à Dakar