De l’avis de beaucoup de constitutionnalistes et d’intellectuels maliens et étrangers, cette Constitution du 25 février 1992 a été trop calquée sur la Constitution de la cinquième (5ème) République française, qui a instauré de fait une «monarchie présidentielle» en France suite au «coup d’État constitutionnel» du Général de Gaulle.
En effet, les prérogatives du président de la République, au Mali et en France sont trop importantes par rapport à celles des autres Institutions de la République. Si la situation politique particulière de la France au sortir de la Deuxième Guerre mondiale de 1939-1945 justifiait une «monarchie présidentielle» pour la France, je me demande quelle situation particulière au Mali a amené les participants de la Conférence nationale de 1991 à calquer notre Constitution sur celle de la France (1958). La crise sociale et politique de mars 1991 qui a débouché sur le renversement du régime monopartite du président Moussa Traoré (novembre 1968 à mars 1991) par l’armée ne saurait être assimilable à cette situation politique particulière de la France.
L’histoire des deux régimes successifs du président Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et du président Amadou Toumani Touré (2002-2012) a montré que le Mali et la France n’étaient pas assimilables en pratique constitutionnelle.
En effet, Alpha Oumar Konaré a fait face à une grave crise politique due à l’éclatement des grands partis politiques de l’époque, en raison de conceptions et de sensibilités politiques différentes, d’appréciations différentes sur tels ou tels sujets ou problèmes politiques, et d’ambitions ou d’anticipations personnelles de vouloir devenir président de la République, député, maire, etc.
Par exemple, lors de la crise scolaire de 1994, le parti CNID-FYT (Congrès national démocratique-Faso Yiriwa Ton) de Maître Mountaga Tall s’était scindé en plusieurs partis avec la création du Parti pour la renaissance nationale (PARENA) par Tiébilé Dramé, et celle du parti Bloc des alternatives pour le renouveau africain (BARA) par Yoro Diakité plus tard. Ces deux (02) derniers hommes politiques ayant refusé de quitter le gouvernement d’Alpha Oumar Konaré comme exigé par Me Tall.
Suite à un différend sur la politique gouvernementale menée par l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ), le ministre Mohamed Lamine Traoré a démissionné du gouvernement et créé un nouveau parti, le Mouvement pour l’indépendance, la renaissance et l’intégration africaine (MIRIA), qui a ainsi amputé l’ADEMA-PASJ de nombreux militants.
D’autres différends majeurs surgissent au sein de la ruche pour donner naissance aux partis Rassemblement pour la Mali (RPM), Union pour la République et la démocratie (URD), Convention pour le développement du Mali (CODEM), l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convention des forces patriotique (ASMA-CFP).
Un autre différend né au sein du parti US-RDA (Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain) quant au choix de son candidat à l’élection présidentielle (entre Tiéoulé Mamadou Konaté et Baba Hakib Haïdara), a amené ce parti à se diviser en deux avec la création du Bloc pour la démocratie et l’intégration africaine (BDIA) de Ibrahima Bocar Bah, successeur de feu Tiéoulé Mamadou Konaté. De même, en raison des rivalités personnelles, le Parti pour la démocratie et le progrès (PDP) de Maître Drissa Traoré s’était divisé en plusieurs formations avec la création de la Convention démocratique-sociale (CDS) de Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, du Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR) de Adama Koné et du Mouvement des citoyens-Cercle des démocrates républicains (MC-CDR) de Me Boubacar Karamoko Coulibaly.
Pour consolider la démocratie au Mali, Alpha Oumar Konaré a pris l’initiative de lancer le processus de décentralisation et de créer une nouvelle structure: L’Espace d’interpellation démocratique (EID). L’objectif de la décentralisation était de permettre aux Collectivités territoriales créées de s’administrer librement, en s’appuyant sur des organes délibérants et exécutifs élus qui ont un pouvoir de décision sur tout ou partie des affaires locales, ceci pour réduire les droits et les devoirs du pouvoir central au profit des régions.
Cette politique de décentralisation s’était appuyée sur les recommandations de la Conférence nationale de 1991. Elle a abouti à l’adoption, en février 1993, de la loi sur la décentralisation qui a réorganisé le territoire malien en quatre (04) types de collectivités territoriales: la Région, le District, le Cercle et la Commune.
Quant à l’EID, il a pour objectif de corriger les nombreuses entorses à la démocratie qui ont été dénoncées par l’opposition et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH).
Fatou CISSÉ
Source : Inter de Bamako