Mali : le doyen de la photographie Adama Kouyaté n’est plus

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NÉCRO. Avec la disparition d’Adama Kouyaté le 14 février, à l’âge de 92 ans, le Mali a perdu un « trésor national » et le monde entier, un très grand photographe. Par Le Point Afrique

Le photographe malien Adama Kouyaté est décédé le 14 février 2020 à Ségou. La nouvelle est parvenue tardivement dans la presse internationale. En effet, ce génie, né en 1928 à Bougouni – une petite ville de la région de Sikasso –, était avant tout un photographe de renommée nationale, qui a formé un nombre important de photographes locaux à Ségou, à 240 kilomètres de la capitale malienne. Une disparition qui attriste l’Afrique de l’Ouest tout entière alors que se tient la rentrée littéraire du Mali et que le pays abrite tous les deux ans depuis 1994 la biennale de la photographie africaine. Depuis l’officialisation de son décès, les hommages affluent de tous les continents, jusqu’aux États-Unis.

De Bougouni à Bamako

Avec des studios à Kati (1949), Ouagadougou (1966) et Bouaké (1966), Adama Kouyaté est, comme on dit, un patriarche de la photographie africaine. Tout a commencé tôt pour Adama Kouyaté, vers l’âge de 19 ans. Il a commencé à pratiquer la photographie dans la capitale sous la tutelle des frères Bakary et Nabi Doumbia en 1946. Et surtout de Pierre Garnier, propriétaire du magasin studio photo éponyme et reconnu pour avoir découvert Malick Sidibé.

Une décennie plus tard, Adama Kouyaté quitte le pays pour la Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, où il a travaillé aux Photothèques voltaïques jusqu’à ce que le coup d’État militaire se produise dans la capitale, Ouagadougou, en 1966. Cette même année, Kouyaté déménage à Bouaké, en Côte d’Ivoire, où il ouvre un studio. Il y reste jusqu’après le coup d’État malien de novembre 1968. De retour au pays, il ouvre le studio Photo Hall d’Union à Ségou. Son dada ? La photographie de studio. Comme à cette époque, la photographie africaine se fait remarquer pour ses caractéristiques propres. À commencer par les sujets, tels que les reportages de mariages, baptêmes, danses, etc. Ils permettent de documenter une époque.

« Ségou, 1971 », 2011, tirage argentique sur papier baryté, 30 x 30 ou 70 x 70 cm.  © Galerie Jean Brolly

Un univers Adama Kouyaté

« Adama kouyaté prend volontiers des libertés par rapport aux règles convenues de la photographie de studio. Au lieu d’avoir trois lampes pour une plus grande lumière, il se contente de deux lampes latérales et supprime la lampe d’ambiance. Il met en avant les ombres des sujets et des accessoires. Il explore les désirs et les envies d’élégance du sujet photographié. Même si ce dernier n’est pas un fumeur, il lui met une cigarette entre les doigts pour lui donner un air mondain. Il organise et esthétise les poses, crée une connivence passagère pour rendre la magie possible. Plus le photographe ose se libérer des canons « esthétiques » établis par ses confrères, plus il crée une image surprenante de son sujet. Et cette invention devient sa marque de fabrique que chaque client diffuse et commente  », renseigne le livre Adama Kouyaté : studios d’Afrique paru en 2010 (éditions Gang, Ivry-sur-Seine).

 

« Ségou, 1971 (#106) », 2011, tirage argentique sur papier baryté, 30 x 30 ou 70 x 70 cm.  © Galerie Jean Brolly

Derrière ce riche parcours artistique se cache un autre combat moins connu : la politique. Il est souligné par le journal Maliweb, qui raconte qu’Adama Kouyaté « était un photographe doublé d’un homme politique, car il fut acteur majeur du mouvement démocratique en 1991 ». « Pour son militantisme, il fut arbitrairement arrêté et emprisonné en 1997 et fera dix-huit mois en prison par le régime d’Alpha Oumar Konaré pour complot contre la sûreté nationale de l’État. Il fut libéré et reconnu non coupable. Il démissionna du Cnid et adhéra au SADI de Dr Oumar Mariko. Bref, son combat politique est aussi riche que celui professionnel. » Dès 2004, les photographies de Kouyaté sont exposées en France (2011, 2013, 2016), en Belgique (2014) et aux États-Unis (2012). La collection de ses images a fait l’objet d’un catalogue, Studios d’Afrique, publié aux éditions Gang en France (2010). Et les tirages récents des négatifs anciens se sont vendus entre 1 100 et 2 400 euros selon le format.

Source : lepoint.fr

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