Au Mali, le gouvernement de transition cherche à rassurer. L’état d’urgence est en vigueur dans le pays depuis samedi matin, avec des mesures sanitaires pour contrer la propagation du Covid-19, mais également des dispositions sécuritaires, en raison de la lutte contre la menace terroriste. De nombreuses voix se sont élevées contre des dispositions jugées liberticides. Les autorités ont publié ce dimanche un communiqué, en forme de mise au point, pour répondre à ces inquiétudes.
« L’instruction relative à l’état d’urgence ne vise nullement à remettre en cause quelque liberté que ce soit, elle n’a pas vocation à prescrire de nouvelles mesures et ne fait que rappeler les dispositions des lois et des règlements. » Le ministère de l’Administration territoriale tente de calmer les inquiétudes au sujet des instructions données vendredi aux gouverneurs, préfets et sous-préfets maliens, leur rappelant la batterie d’outils légaux et règlementaires à leur disposition dans le cadre de l’état d’urgence. Contrôle des médias et des réseaux sociaux, possibilité de limiter les déplacements ou même d’enfermer sans décision de justice quiconque s’opposerait à l’action des pouvoirs publics, ces instructions ont suscité des réactions inquiètes voire outrées, parmi les organisations de journalistes ou de défense des droits de l’homme.
On ne voit aucun rapport entre la lutte contre le Covid-19 et les restrictions de libertés. Nous avons le sentiment qu’il y a une instrumentalisation de la maladie pour faire taire.
Lors d’une conférence de presse tenue dimanche à Bamako, des associations de journalistes ont manifesté leurs inquiétudes
Mais les possibilités ne disent pas les intentions, expliquent aujourd’hui, en substance, les autorités. Et c’est également ce que pensent d’autres acteurs de la scène politique malienne. « Ce sont des mesures qui sont dans les textes », abonde l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui n’avait pas soutenu le coup d’Etat militaire et qui se pose aujourd’hui en accompagnateur vigilant de la transition. « Le ministre a commis l’erreur de les rappeler dans son instruction alors qu’elles n’ont pas lieu d’être, mais il n’y a pas de volonté de serrer la vis », estime Moussa Mara.
Un avis partagé par l’avocat et ancien ministre de la Justice, maître Mamadou Ismaïla Konaté, fin connaisseur du droit malien et observateur averti de la vie politique malienne, qui rappelle que ces dispositions légales ne sont pas nouvelles, et appelle les uns et les autres à « ne pas jeter de l’huile sur le feu » inutilement : « La loi sur l’état d’urgence date de 2015, révisée en 2017, et jusqu’à aujourd’hui, la mise en œuvre se déroule dans le même cadre et dans le même contexte, sauf que cette fois-ci, l’état d’urgence prend en compte, en plus de la sécurité des personnes et des biens, la sécurité sanitaire. C’est ça la nouveauté. Je peux comprendre l’inquiétude des journalistes et des hommes de presse, mais il n’y a pas un espace pour des restrictions de libertés autres que de préserver la santé et de préserver l’intérêt général. Les gens s’étonnent aujourd’hui qu’il y ait une restriction de libertés. Mais on est dans un pays où on a affaire à des guérisseurs, et où des radios libres donnent accès à ces guérisseurs qui ont souvent l’occasion de dire “le covid n’existe pas” ou “voilà le remède”. Donc les instructions (données aux représentants de l’Etat relatives à l’Etat d’urgence, ndlr) viennent faciliter la mise en œuvre de la loi. Il n’y a pas le feu en ce qui concerne les libertés publiques. Quiconque s’élèverait contre ces libertés et ces droits trouverait l’ensemble des Maliens face à lui. »
Source : RFI