Le ministre des affaires étrangères du Mali a surpris tout le monde, le lundi 25 octobre dernier, en publiant un communiqué qui déclare «persona non grata » Hamidou Boly, le représentant spécial de la Cedeao.
Cette figure centrale des discussions diplomatiques entre la Cédeao et les autorités maliennes est qualifiée d’être à l’origine des « comportements incompatibles avec son statut de diplomate. Le pouvoir malien en voudrait surtout au diplomate Burkinabé en poste à Bamako l’accusant d’avoir composé avec des groupes hostiles à la gestion de la transition. « Le Représentant de la CEDEAO est en contact avec des groupes issus de la société civile et avec des partis politiques qui visent à déstabiliser la transition en cours. C’est à cet agenda qu’il répond, non à celui de la Cedeao», précise le Ministre Abdoulaye Diop chez nos confrères de Jeune Afrique.
Les autorités de la transition malienne ne seraient pas favorables à une rupture totale des relations diplomatiques avec l’organisation sous-régionale comme beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux prétendent le faire croire. « Les discussions diplomatiques avec la Cédeao restent intactes », a ajouté le ministre des affaires étrangères du Mali, qui, apparemment, souhaite voir la Cédeao remplacée Hamidou Boly par un autre représentant spécial.
Les relations diplomatiques entre le Mali et les dirigeants de la Cédeao ont atteint des proportions inquiétantes depuis le second coup d’Etat du 24 avril 2021 qui a évincé les dirigeants civils de la transition, le Président par intérim Bah N’Daw et le premier ministre Moctar Ouane. L’organisation sous-régionale a décidé de suspendre le Mali de toutes ses instances jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel. Les Choses semblaient aller entre les deux parties jusqu’à la dernière mission de suivi de la mise en œuvre des engagements du médiateur de la Cédeao, l’ancien Président Nigérian Goodluck Jonathan, qui n’a noté aucune avancée dans les réformes politiques et institutionnelles et les préparatifs des élections générales du 27 février 2022.
Dès lors, certains pays de la Cédeao comme le Niger sont montés au créneau pour vilipender la gestion de la transition au Mali en brandissant des menaces de sanctions. Pendant que le Président nigérien Mohamed Bazoum critiquait que « il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front (…), que les colonels deviennent des ministres ou des chefs d’État », son ministre des affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, brandissait des menaces en déclarant que «l’évolution actuelle de la situation au Mali ne préjuge rien de bon, parce que les militaires manquent de volonté, lorsqu’ils disent que les élections ne sont pas leur priorité. […] En février 2022, les élections doivent avoir lieu, sinon nous allons associer l’ensemble de la communauté internationale aux sanctions contre les militaires maliens. Donc, nous exigeons une feuille de route claire pour qu’on aille aux élections ».
Au-delà du Niger, aujourd’hui les relations entre Bamako et la Cédeao a pris une autre tournure suite à la sommation donner à son représentant spécial de quitter le sol malien. Visiblement, les autorités maliennes sont déterminées à poursuivre la transition même au-delà de la période de 18 mois. Pour le premier ministre de la transition, Choguel Kokalla Maîga, c’est le temps des maliens qui compte. Et semble dans la même logique que les militaires qui occupent les portefeuilles clés de l’exécutif à définir le nouveau calendrier électoral au terme des assises nationales de la refondation prévue en fin décembre 2021. Et les dirigeants sont encouragés toujours dans cette logique par certains religieux très influents et des acteurs de la société civile et politiques. « Pourquoi s’obstiner à vouloir organiser des élections au suffrage universel que nous savons tous impossibles même dans 5 ans ? Le suffrage universel est l’idéal, mais n’est pas l’unique voie pour choisir des dirigeants », déclare sur Twiter l’homme politique et ancien ministre de décentralisation, Ousmane Sy.
Les conséquences du divorce
Aujourd’hui, quid à la Cédeao et à la communauté internationale d’infliger des nouvelles sanctions aux conséquences lourdes au peuple malien sinon le train pour le report de la date des élections semble démarrer. La nature des nouvelles sanctions que la Cédeao pourrait infliger au Mali si jamais les autorités parviennent à prolonger la transition n’est pas connue. En tout cas, les dirigeants de l’organisation-sous régionale n’ont plus d’autres pouvoirs sur le Mali que de fermer les frontières ou d’interrompre les échanges financiers de la Banque Centrale des Etat de l’Afrique de l’Ouest. Si un tel scenario survenait, la Cédeao ne serait pas à sa première tant en 2012 lors de la prise du pouvoir par la junte dirigée par le capitaine Amadou Aya Sanogo, elle avait pris des sanctions similaires contre le Mali. Mais, l’on voit mal un tel scénario se produire cette année tant certains pays comme le Sénégal, au regard du volume des échanges commerciaux avec le Mali, accepterait de suivre ses pairs de l’Afrique de l’ouest dans une telle aventure qui pourrait s’avérer fatale pour son économie. Le moins que la Cédeao pourrait faire, c’est de mal noter le Mali devant la communauté internationale, en mission ce week-end à Bamako, pour qu’elle durcisse le ton contre les dirigeants actuels maliens .
Siaka DIAMOUTENE
Source : Maliweb.net