Mali-Transition : après le départ de Bah N’Daw, comment expliquer la réaction des partenaires ?

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Mikailou Cissé est chargé des cours de philosophie dans des établissements d’enseignement secondaire au Mali. Dans cette tribune, le jeune professeur tente d’expliquer la réaction des partenaires de son pays, après le coup de force contre Bah Ndaw.

Le nouveau coup de force d’Assimi Goïta et ses hommes contre la démocratie malienne, le 26 mai 2021, fait l’objet de beaucoup de spéculations. Au Mali comme à l’étranger, les acteurs de la scène politique affichent leur désapprobation sur la manière dont ce processus est conduit et expriment leurs inquiétudes quant à l’avenir politique de ce pays.

Garder son électorat

La France à travers son président, Emmanuel Macron, semble être celle qui a mal digéré le plus ce nouveau processus qui s’est mis en place. Cette injonction de Macron, déguisée en avertissement, en marge de son déplacement au Rwanda et en Afrique du Sud, à travers son entretien accordé au « Journal de dimanche » du 29 mai, est sans ambigüité : « Au président Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j’avais dit : l’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerais ».

La France, qui avait ouvertement soutenu par le passé la prise du pouvoir par les militaires au Tchad, refuse de collaborer avec les militaires au Mali. Pour motif « qu’il ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ».

Cette posture de la France sur la situation politique au Mali est très claire. Elle affiche clairement un désaccord politique entre Paris et les nouvelles autorités de Bamako. La dernière sortie médiatique du locateur de l’Élysée, en date du 10 juin 2021, annonce la rupture entre les deux capitales. Elle annonce la fin de l’opération Barkhane, juste une semaine après qu’il avait annoncé la suspension de la coopération militaire conjointe entre l’armée française et l’armée malienne. La raison évoquée se résume en ces mots : la proximité des militaires et du M5-RFP avec l’imam Dicko et les anti-français.

Cette posture de Macron peut être tout d’abord une stratégie politique pour reconquérir l’électorat français qui commence à se poser des questions sur l’utilité de la présence des Forces françaises dans un pays où le départ des Français est sur beaucoup de lèvres. Elle peut également être un moyen de pression sur les autorités politiques au Mali en vue d’obtenir des garanties pour consolider l’emprise de la France sur le Mali ou leur collaboration. Les deux hypothèses ont un lien étroit.

Suspensions à craindre

Toutes les organisations internationales et certains pays, qui avaient un œil sur le Mali, partent dans le même sens que Paris. La suspension du Mali dans les instances décisionnelles de la Cédéao et de l’Union africaine (UA) montre clairement que l’actuel Président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qui a placé « hors de ses prérogatives » le Président Bah N’Daw pour s’arroger ensuite de ses prérogatives, ne semble pas être un partenaire avec qui il faudrait traiter. La décision des Américains de suspendre temporairement leurs aides au Mali et leurs collaborations avec l’armée malienne est une autre illustration.

Le départ des troupes françaises du Mali peut certes être une source d’aggravation de l’insécurité, mais il peut s’avérer aussi un argument pour séduire les djihadistes à rejoindre la table des négociations comme le peuple malien le souhaite dans sa majorité. Cette négociation avec les djihadistes répond à une exigence du peuple malien.

La suspension du Mali dans les instances des organisations sous-régionales, continentales et internationales ne sont pas quant à elle une bonne image pour ce pays. Elle peut dissuader les investisseurs et partenaires techniques à venir au Mali et à s’impliquer dans la résolution de la crise multidimensionnelle dont le pays est confronté depuis 2012.

Mikailou CISSE 

Source : https://saheltribune.com

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