Mandat d’arrêt international contre trois ministres et un banquier

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Toute la vérité sur le gap de 3,7 milliards de l’affaire Paramount Group LTD, relative à l’acquisition des 36 véhicules blindés Marauder

Le Procureur Général de la Cour suprême, Mamadou Timbo, celui-là même qui avait placé Soumeylou Boubèye Maiga sous mandat de dépôt, a informé, à travers un communiqué de presse,  le 28 juillet dernier l’opinion nationale et internationale de  «  l’ouverture par la Chambre d’instruction d’une information judiciaire sur les faits qualifiés de crime de faux et usage de faux, d’atteinte aux biens publics et de complicités de ces infractions ». Le texte précise que  ces faits liés à l’affaire du marché public dit Paramount s’inscrivent dans la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire ainsi que de la Loi de programmation pour la sécurité intérieure. Aussi,  un mandat d’arrêt international,  daté du 25 juillet 2022, a-t-il été lancé contre trois anciens ministres et un banquier. Il s’agit de Mamadou Igor Diarra, Boubou Cissé, tous deux anciens ministres de l’Economie et des Finances ; de Tiéman Hubert Coulibaly, ex-ministre de la Défense nationale ; de Babaly Bah, ancien patron de la BMS-sa.

Ce qu’il faut d’abord savoir, c’est que cette information judiciaire ne s’est pas faite sur la base d’un rapport du Bureau du vérificateur général ou sur la base d’un rapport des services de contrôle spécialisé de l’Etat.

C’est sur commande, que les Autorités de la transition ont demandé un audit au cabinet de Bintou Camara, ex- épouse du  notaire Gaoussou Haïdara. Ce sont les conclusions de ce rapport qui ont servi de document de travail pour les magistrats de la Chambre d’instruction, selon nos recoupements. Il se trouve que les accusés rejettent en bloc ce rapport qui n’a pas fait l’objet de contradiction parce que tout au long de son élaboration, les intéressés n’ont pas été entendus. Contrairement à l’orthodoxie qui veut que le rapport d’un audit soit publié et surtout communiqué à ceux qui pourraient être intéressés ou concernés par ses conclusions.

Il est de notoriété publique que tous les rapports du Bureau du vérificateur général et des services de contrôle font l’objet de contradiction et même de large diffusion y compris par des moyens électroniques. Tel n’est pas le cas de ce rapport gardé toujours secret. Nos multiples tentatives pour trouver une copie de ce rapport d’audit sont restées vaines.

Ce qu’il faut également savoir, c’est que Paramount Group est un groupe de sociétés spécialisé dans les industries mondiales de la Défense, de la Sécurité intérieure et du Maintien de la paix. C’est une entreprise sud-africaine.

Fondé en 1994, Paramount Group propose une gamme de véhicules blindés, d’avions et d’hélicoptères.

Nous sommes en 1994, l’Armée malienne, affaiblie dans la lutte contre le terrorisme par un déficit d’équipements, exprime son souhait de travailler avec cette société sud-africaine, afin de reconstituer ses unités blindées.

L’Armée de terre exprime les besoins, lesquels sont vite validés par l’Etat major général des armées, puis par le Conseil supérieur de la défense nationale. Les discussions démarrent avec le fournisseur, malheureusement elles demeurent improductives jusqu’en 2015.

Dans la planification de la Loi d’Orientation et de Programmation militaire l’achat des « blindés Marauder » y est inclus. Le Marauder est un véhicule blindé résistant aux mines, mis sur le marché en février 2007. Il sert de transport de troupes avec une autonomie de 700 km.

En Septembre 2015, alors ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Tiéman Hubert Coulibaly, au nom du Gouvernement du Mali, signe un Accord de crédit-fournisseur avec le Goup Paramount, le vendeur.

Il s’agit de l’acquisition de 36 véhicules blindés Marauder et la réparation des avions 2SF 260 Marchetti pour un montant total de 35 399 259 739 (trente cinq milliards trois cent quatre vingt dix neuf millions deux cinquante neuf mille sept cent trente neuf).

Dans les conditions de paiement, l’acheteur est tenu de verser une avance équivalente à 20% de la valeur du contrat. Cette avance est mise dans un compte séquestre ouvert à la BMS-sa.

Les modalités de mainlevée donnée par l’acheteur sur ce compte séquestre sont les suivantes : 50% libérables à la livraison du 1er lot de véhicules sur présentation de la liste de colisage et facture commerciale ; 50% libérables à la livraison du second lot, dans les mêmes conditions.

Le reliquat du prix contractuel (80%) sera versé en trois versements annuels, au 1er trimestre de chacune des 3 années à venir, soit 30% (avril 2016) ; 30% (mars 2017) ;  20% (mars 2018).

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que le ministre de la Défense et des Anciens combattants est l’acheteur, celui de l’Economie et des Finances, le payeur.

Le ministre des Fiances d’alors, Mamadou Igor Diarra, n’a rien fait dans ce contrat, en dehors des obligations du département : s’assurer que les acquisitions du contrat Paramount entrent dans le cadre de la Loi d’Orientation et de Programmation militaire et que des dotations budgétaires seraient disponibles pour permettre sa faisabilité ;  honorer le paiement de l’avance 20% sur un compte séquestre domicilié à la BMS-sa comme le prévoit le contrat. Il était aussi question de procéder par un dispositif appelé « billet à ordre ». C’est un document par lequel le souscripteur se reconnait débiteur du bénéfice auquel il promet de payer une certaine somme d’argent à un certain terme spécifié sur le titre. Le billet à ordre peut être transmis par voie d’endossement. Il est considéré comme un instrument de paiement à date échue.

Grossomodo, Mamadou Igor Diarra a quitté le Gouvernement en janvier 2016, après avoir assumé, selon un conseiller de l’hôtel des finances, toutes ses responsabilités administratives en respectant la procédure de paiement édictée par le contrat.

Quant à Tiéman Hubert Coulibaly, après l’approbation du marché par la Commission technique et le Conseil supérieur de la Défense nationale, il l’a signé avec Paramount, bien sûr sous le sceau du « secret défense ».

Il sort du Gouvernement en septembre 2016, à l’époque les 20% du compte séquestre avaient déjà été mis en place, et un premier paiement a eu lieu, sans aucune livraison de blindés Marauder. Son successeur, Abdoulaye Idrissa Maiga, a hérité du dossier, et n’a cessé de réclamer au fournisseur la livraison des engins. En vain.

Boubou Cissé, successeur de Mamadou Igor Diarra, après avoir eu connaissance du dossier, a été conseillé par les responsables du trésor de ne pas faire les autres décaissements. Aussitôt, il a mis en route une mission d’inspection, dirigée à l’époque par Moussa Ag Alassane, directeur du contrôle financier, actuellement membre du CNT, pour aller jusqu’en Afrique du Sud, afin d’avoir des informations précises sur la société et le contrat.

Malheureusement, la délégation malienne a trouvé que la société était en difficulté et sous liquidation judiciaire. Ce qui a réconforté Boubou Cissé dans sa position de ne procéder à aucun paiement. Au lieu d’annuler le contrat, le nouveau ministre des Finances l’a relu, à travers des amendements/ modification.

C’est avec ce nouveau document et les menaces proférées que finalement seuls huit véhicules blindés Marauder ont été livrés en 2019.

Alors où se trouve le problème ? Il réside dans le fait que le montant versé par l’Etat au fournisseur avec une traçabilité permet l’acquisition de douze véhicules blindés Marauder au lieu de huit. Où est entrée la valeur des quatre engins manquants ? Ce montant est estimé à 3,7 milliards. Voilà où résident tous les soupçons ! Alors que des preuves existent que le fournisseur a touché le montant. Sans livrer les quatre engins restants. Les autorités de la transition pensent à des retro commissions, ce qui pourrait expliquer à leurs yeux le montant non justifié.

Dans cette hypothèse, l’Etat doit plutôt s’attaquer à Paramount, même si elle est au bord de la faillite, pour savoir davantage ce qui s’était passé. Il se pourrait aussi qu’il ait eu des défaillances au niveau des procédures de paiement, ce qui pourrait expliquer la présence de Babaly Bah dans ce dossier.

Dans tous les cas, l’audit, qui a permis à la Cour suprême de lancer les mandats d’arrêt internationaux, doit être mis sur la place publique à l’instar de tous les rapports de contrôle, afin que le citoyen lamda puisse savoir réellement ce qu’on reproche à ces honorables personnalités. A suivre !

Wa-Salam !

El Hadj Chahana TAKIOU

Source : 22 Septembre

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