Dans un message vocal disponible sur les réseaux sociaux, Me Bathily n’y va nullement avec le dos cuillère. A l’en croire, les membres de l’actuelle Cour Constitutionnelle se trouvent dans l’illégalité depuis 2018 et doivent par conséquent, intégralement rembourser toutes les indemnités perçues depuis cette date. Et ce n’est pas tout. Ils se sont rendus coupables de forfaiture et encourent une peine de 05 à 20 de prison ferme…
Me Bathily :
«Lorsqu’on me parle aujourd’hui d’une probable démission de Manassa et de son équipe, j’en ris. Et pour cause. Pourquoi donc c’est seulement aujourd’hui qu’on parle de démission à leur sujet ? Normalement, dans un Etat de droit, ils sont censés démissionnaires depuis 2018. Depuis cette date en effet, ils ne sont là que pour eux-mêmes, en dehors de toute légalité…
Je m’en souviens encore ! Un samedi, le dernier avant l’élection présidentielle de 2018, aux environs de 18 heures, nous étions à la Primature pour discuter des derniers contours du scrutin en présence des représentants de la Communauté internationale et des candidats en lice.
Boubeye [Soumeylou Boubèye Maïga] était alors Premier Ministre. Nous avions fait le tour des questions et le dernier point était en rapport avec une correspondance du Ministre de l’Administration territoriale (Mohamed Ag Erlaf au moment des faits) adressée aux Gouverneurs, Préfets et sous-préfets, les Maires, etc. La lettre autorisait le vote par procuration sous réserve que les électeurs concernés résident dans la même commune. C’était la seule et unique condition.
Nous avions exprimé notre surprise d’autant que le code électoral en vigueur n’évoque que les électeurs du même bureau de vote, non de la même circonscription électorale. Ce, étant entendu qu’il existe dans certaines communes, plus de 200 bureaux de vote. C’est bien ainsi que l’on procédait auparavant [le vote par procuration des électeurs de la même commune]. Mais au regard de nombreux cas de fraude, la loi en question a été revue et corrigée en vue d’éviter la confusion et les votes multiples d’un même électeur…
La nouvelle loi n vigueur autorise donc le vote par procuration uniquement aux électeurs d’un même bureau et inscrits sur la même liste électorale…
Mais Manassa a changé la donne en autorisant les électeurs d’une même commune à voter par procuration ce, dans la dynamique de l’élection présidentielle de 2018.
Nous avons donc demandé au Ministre Ag Erlaf les raisons ayant motivé sa décision relative à l’autorisation du vote par procuration aux électeurs d’une même commune et non du même bureau de vote, en violation de la loi en vigueur.
Voici sa réponse : «Non, je n’ai nullement, de mon propre chef, pris cette décision. Avant toute chose, j’ai pris conseil avec la présidente de la Cour Constitutionnelle. Je lui ai adressé une correspondance pour demander son avis et dans sa réponse, elle m’a signifié que le vote par procuration concerne non les seuls électeurs d’un même bureau, mais aussi, ceux de la même commune. Voici la lettre que je lui ai adressée et sa réponse !».
Comment se peut-il ? Les décisions de Manassa sont-elles au-dessus de la loi ? Alors, Yayi Boni, l’ancien président du Bénin qui conduisait la délégation de la communauté internationale, a alors signifié au Premier Ministre que son gouvernement était en porte-à-faux avec la loi du pays. Et d’ajouter que la décision [de Manassa] est susceptible de créer de graves problèmes dont le gouvernement serait tenu responsable.
En réaction, le Premier Ministre Boubèye Maïga s’est adressé au Ministre Ag Erlaf. Je rappelle que nous étions samedi aux environs de 15h – 15H30 [à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote – ndlr]. Le Premier Ministre s’est donc adressé au ministre Ag Erlaf en ces termes : «envoie un message à tous (Gouverneurs, Préfets, sous-préfets, Maire…,) pour dire que le vote par procuration ne concerne que les électeurs d’un même bureau et non ceux d’une même commune. La décision de Manassa et par extension du Ministre est illégale. Dites-leurs de revenir à la légalité».
On lui a fait remarquer que nous étions samedi, à quelques encablures de l’ouverture des bureaux de vote. Quand donc ce message parviendra-t-il à destination, les procurations étant déjà signées et remises à leurs destinataires ? Cette décision [du PM] ne pouvait donc rien changé. C’est dans ces conditions que se s’est déroulé le scrutin présidentiel de 2018…
J’ai, par la suite, écrit et demandé à Manassa de se démettre conformément à la loi qui régit la cour Constitutionnelle. Et aux autres membres de ladite Cour, de statuer sans elle. C’est ce que dit la Loi…
En réponse à ma correspondance, Manassa est montée sur le créneau pour s’exprimer ainsi à la faveur d’une de ses sorties : «certaines personnes ont demandé que je sois écartée et démise. Mais me voilà présente en chaire et en os, présidente de la même Cour, prête à statuer».
J’ai compris ce jour que Manassa avait commencé à jouer avec les lois de la République. J’avais certes demandé sa récusation. Mais la loi prévoit mieux et plus : elle stipule que tout membre de la Cour qui prononce publiquement un avis sur un sujet d’ordre électoral en cour et si la preuve de son forfait est établie, sera demis de ses fonctions. Il s’agit de la loi n° 010 du 11 Février 1997, une loi adoptée sous le Président Alpha Oumar Konaré, ayant pour Premier Ministre, au moment des faits, Ibrahim Boubacar Keïta.
Et l’article 8 des statuts et règlement intérieur de la Cour Constitutionnelle interdit scrupuleusement à ses membres de donner le moindre avis, de se prêter à la moindre consultation sur un processus électoral en cours. Il leur est même interdit d’expliquer les contours d’une loi électorale. Ne répondez à aucune correspondance dans ce sens ! Que chacun agisse selon ses propres concepts et compréhension des textes en vigueur, dit la loi.
Ceci est d’autant plus normal qu’il leur revient seulement à eux de trancher les litiges postélectoraux. Ils ne doivent donc pas anticiper.
Et l’article 10 de la même disposition prévoit la démission d’office de quiconque enfreindra cette mesure. L’auteur de cette violation ne doit plus statuer au nom de cette Cour…
Tout est clair ! C’est la Loi même qui se dresse contre Manassa. Elle a refusé de démissionner d’office et a continué à statuer. La loi ne dit nullement que c’est le Président de la République ou le premier Ministre ou toute autre personne qui doit faire démettre l’auteur de ces graves violations. Que nenni ! Elle dit tout simplement que la personne en question est désormais disqualifiée et doit se démettre elle-même ! La Guinée Conakry a connu un cas similaire. Le Président de la Cour Constitutionnelle a été contraint à la démission.
Au Mali, Manassa a refusé de démissionner malgré la demande pressante qui lui a été faite. Et les huit autres membres ont failli en s’abstenant de lui signifier et accepter sa présidence.
Il s’avère que la même disposition (l’article 10 des statuts et règlement de la CC) prévoit la même sanction pour tout membre de ladite Cour qui s’abstiendra de se plier à cette exigence, c’est-à-dire la démission pure et simple ! On dit alors qu’ils ont failli à la dignité du magistrat de la Cour Constitutionnelle ! Ils sont, à ce titre, démissionnaires d’office ! C’est dire que ces neuf (09) membres sont démissionnaires d’office depuis 2018. Précision : il ne leur est pas demandé de rédiger une quelconque lettre de démission, non ! C’est la Loi qui les fait démettre de facto suite à des actes illégitimes et délictueux qu’ils ont eux-mêmes posés.
Certains [parmi les membres démissionnaires] font semblant d’avoir démissionné d’eux-mêmes comme si tout allait bien jusqu’à ce jour. Que nenni ! Ils étaient tous en conflit avec la loi et sont, par conséquent démissionnaires de facto depuis 2018.
Que veut dire démission dans une République sérieuse ? Le concept ne s’appliquant nullement à quelqu’un qui occupe illégalement un poste comme c’est désormais le cas des 9 membres de la cour Constitutionnelle du Mali, ils sont donc appelés à rembourser intégralement au Trésor Public, suite à un ordre de recettes, tous les salaires, primes et indemnités qu’ils ont perçus depuis 2018. La prétendue de lettre de démission qu’ils ont écrite, leur évite juste de bénéficier des avantages à partir de la date de dépôt de leur prétendue démission. Ils le savent tous ! Ils ont toujours évité le débat auquel je les ai invités. Qu’ils viennent, s’ils en sont capables, apporter le démenti de mes déclarations !
J’ai, par la suite, introduit une plainte contre eux (Manassa et les 8 autres membres) au niveau de la Cour suprême pour forfaiture, une infraction sanctionnée par les articles 72 et 73 du code pénal malien. Les auteurs de forfaitures et reconnus comme tels encourent une peine de 05 à 10 prison ferme.
Et lorsqu’ils sont plusieurs, les co-auteurs tombent sous le coup de la disposition relative à la coalition des fonctionnaires contre les Lois de l’Etat et contre la Constitution et ils encourent une peine allant de 5 à 20 ans de prison ferme. Et c’est la Cour d’Assises qui a en charge de juger et de prononcer les peines en question.
Mieux, à la seule évocation de ces violations dans leur dossier, le juge [de la Cour d’Assises] est tenu d’interpeller et d’emprisonner immédiatement, à titre préventif, les suspects, quitte à eux de demander la liberté provisoire dans les conditions fixées par la loi. Dans tous les cas, les suspects ne sauront être poursuivis ans être détenus dans un premier temps.
Manassa et les siens ont passé le plus clair de leur temps à violer ces dispositions. C‘est dire qu’à l’entame du scrutin législatif [de 2020], ils n’étaient plus considérés comme membres de la Cour Constitutionnelle pour les raisons évoquées plus haut. Par extension, les membres de l’actuelle Assemblée Nationale ne sont pas légitimes, Manassa ne devant plus statuer au regard de la loi en vigueur. Elles et les siens ne sont plus membres de cette Cour. Leurs prétendus Arrêts depuis 2018, sont nuls et de nul effet. Ils doivent être d’ailleurs poursuivis.
A l’heure actuelle, les violations de la loi sont devenues monnaies courantes au point que toutes les juridictions sont discréditées.
Le peuple ne commet pas un coup d’Etat
On parle de coup d’Etat ! Mais qu’est-ce donc ? Parlons-en ! C’est lorsque deux institutions de la République en arrivent à s’affronter, se détruire, annihiler, ou s’accaparer le pouvoir de l’autre. C’est cela le coup d’Etat. Ce n’est pas le cas lorsque le peuple se lève pour réclamer des exigences. Aucune loi n’a instauré le peuple au contraire des institutions traditionnelles (Présidentielles, militaires, Judiciaires, etc.). En somme, ce n’est nullement la loi qui a instauré le peuple. C’est plutôt ce dernier qui a instauré le Loi. Il n’y a donc pas coup d’Etat quand c’est le peuple qui agit. Il ya coup d’Etat seulement en cas de conflit et d’usurpation de titre et de prérogatives d’une Institution au détriment d’une ou de plusieurs autres. Le Peuple est Souverain ! Il en ainsi dans toutes les Constitution du monde. Et à lui seul appartient la légitimité, source de légalité et du droit !
[…] Et la loi (l’article 121) de la Constitution autorise ce peuple à la désobéissance civile en cas d’abus, de trahison, entre autres violations, de la part des représentants des Institutions Républicaines en question. Cette désobéissance, ce refus légitime ne saurait être considéré comme un coup d’Etat. Non !
Que le peuple demande par conséquent aux gouvernants de quitter le pouvoir n’est guère un coup d’Etat puisque sa Souveraineté l’y autorise au contraire des Institutions lorsque celles-ci tentent de se substituer les unes aux autres. Là, il y a tentative de coup d’Etat. L’on ne saurait parler de coup d’Etat du peuple.
[…] Tenez ! Parlant des événements de 1991, on ne parle nulle part du coup d’Etat d’ATT (Amadou Toumani Touré) contre Moussa Traoré, mais de l’insurrection des Mouvements démocratiques. C’est bien ce que l’histoire a retenu et qu’on enseigne dans les écoles. C’est aussi ce qui figure dans le préambule de la Constitution du 25 Février 1992. Retenez aussi que Moussa Traoré était dans la légalité. Mais le peuple avait avec lui, et la Souveraineté et la légitimité !
Aujourd’hui, toutes les Institutions de la République sont bafouées : 10 ans aujourd’hui que le mandat du Haut Conseil des Collectivités a expiré et ses membres continuent de percevoir les salaires et jouir d’autres avantages…; 2 ans pour l’Assemblée Nationale… Et c’est encore et toujours la même Manassa qui a dit au Premier Ministre Boubeye que la Constitution ne prévoit nullement la prolongation du mandat de l’Assemblée Nationale. Et c’est encore elle qui, une semaine plus tard, a dit le contraire à Issiaka Sidibé [président sortant de l’A.N], qu’il était possible de proroger le même mandat. Et ils ont pris des dispositions pour contourner l’obstacle. Ils ont adopté une Loi pour ce faire. N’est-ce pas qu’on s’amuse avec la République ! Et ce n’est pas le Peuple ! Qui donc a fait un coup d’Etat à ce peuple en se substituant à lui ? Et gardes à qui ose protester au risque d’être gazé et bastonné par la police !
Cette même loi nous enseigne que si l’on arrive-là, alors finie la démocratie, fine la République ! Que le Peuple retire sa confiance et son autorité aux élus ; qu’il refuse de se soumettre ! C’est l’article 121 de la Constitution de la République du Mali qui l’y autorise.
Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune violation de la Loi [de la part des manifestants ndlr]. Ras-Bath [le fils de Bathily lui-même] est venu me voir ici [à domicile]. Je lui ai dit la même chose. Pas question pour moi, lui-ai-je dis, de lui demander d’abandonner sa position, mais il connaîtra très bientôt les limites de sa logique…
[…]
Pour parler de coup d’Etat, encore faudra-t-il avoir un Etat ! Au Mali, il n’y a désormais plus d’Etat. Des réseaux issus de la Famille, des Enfants, et amis qui se sont substitué à l’administration publique partout sur le territoire malien…
[…]
Personnellement, je n’ai perçu le moindre centime de la part d’IBK. Au contraire. Lui faisant entièrement confiance, j’ai mis mes propres moyens dans sa campagne présidentielle en 2013.
[…]
Propos traduits et transcrits par B.S. Diarra
Source : La Sentinelle