Le Mali a toujours eu des dirigeants qui ont su placer l’intérêt du pays au-dessus de tout. Contre vents et marrées, ces mêmes dirigeants ont eu le courage de défendre partout le Mali. Courageux, dignes et patriotes, ils ont été au service du pays et en toutes circonstances. Qui ne se souvient pas de cette décision courageuse du président Modibo Keïta intimant l’ordre aux troupes français d’évacuer toutes leurs bases implantées au Mali, un certain 20 janvier 1960 ? Et ce refus retentissant du général Moussa Traoré de se soumettre aux décisions du Sommet de La Baule qu’il considérait comme une ingérence française dans les affaires africaines ? Qui ne se rappelle pas de l’historique « Non » d’Alpha Oumar Konaré au président français, Jacques Chirac, qui invitait certains chefs d’Etat africains à le rejoindre à Dakar pour la tenue d’une simple audience ? Que dire du triple « Non » d’ATT à Sarkozy à propos de la signature d’un Accord sur l’immigration, de l’ouverture d’une base militaire française à Sévaré et de Libye ? Modibo Keïta, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, ce sont là quatre chefs d’Etat maliens qui ont en commun de n’avoir pas été installé au pouvoir par l’ex puissance coloniale. Ils ont aussi en commun de n’avoir jamais accepté de se mettre au service et aux ordres de l’Elysée. C’est pourquoi, ils ont toujours su, en toute dignité et en toute responsabilité, dire Non à la France et aux dirigeants français. Retour sur certains faits marquants des relations entre la France et le Mali.
20 janvier 1960 vers 11 heures : Le président Modibo Keïta, qui était entouré d’Idrissa Diarra, secrétaire politique de l’Union soudanaise RDA, Mahamane Alassane Haïdara, président de l’Assemblée nationale, Madeïra Keïta, ministre de l’Intérieur, de la défense et de la sécurité etc., a reçu en audience l’ensemble des représentants diplomatiques accrédités au Mali pour leurs annoncer ceci : « L’ambassade de France au Mali, est informée par mes soins de la décision de mon gouvernement et de mon parti, de voir la France évacuer les bases de Bamako, Kati, Gao et Tessalit par les militaires français suite à l’accord signé le 22 juin 1960 cela suite aux évènements du 20 août 1960 et l’acte de reconnaissance de la France, du gouvernement du Sénégal, acte qui consacre la dislocation de la Fédération du Mali.
La République du Mali a consacré avec la France sur la base de la non-ingérence dans nos affaires intérieures et du respect de notre souveraineté. La décision de mon gouvernement et de mon parti, ne met nullement en cause, cette volonté. Elle est l’expression de notre conviction, qu’en moins d’abandon volontaire de souveraineté de la part d’un Etat jeune, ou d’accord particulier de la défense, les troupes de l’ex puissance coloniale ne peuvent stationner sur le territoire de l’ex colonie, aux côtés des troupes du jeune Etat. D’autre part, le peuple du Mali, l’US-RDA et le gouvernement, ont toujours affirmé leur option en faveur de la politique de non alignement sur l’un ou l’autre bloc.
Cette attitude est en contradiction sur son territoire des troupes d’une puissance étrangère à laquelle ne le lie aucun accord et qui , d’autre part, est engagé dans le pacte militaire d’un bloc. Je prie vos excellences d’informer vos gouvernements et d’attirer leur attention sur notre ferme décision de l’évacuation rapide de vos troupes du Mali. Je vous remercie».
Aussi, les dirigeants de l’US-RDA ont toujours associé la souveraineté nationale à la monnaie. Lors du séminaire de l’US-RDA en septembre 1962, Seydou Badian Kouyaté, alors ministre, expose les conceptions du gouvernement en ces termes : « Le droit de battre une monnaie est l’un des attributs de la souveraineté nationale. Sans indépendance monétaire, il n’y a pas d’indépendance économique, et partant politique pleine et entière ».
Pour Modibo Keïta, président de la République à l’époque, il est impossible de promouvoir un développement économique harmonieux du Mali s’il ne disposait pas de sa propre monnaie. Ainsi, il annonce le 1er juillet 1962 à zéro heure que « la République du Mali dispose de sa propre monnaie ».
Dans la création du franc malien, M. J. Bénard, un français, fut l’un des plus grands conseillers de la République du Mali qui analysa sans complexe la situation économique de la nouvelle République en vue de la création de la monnaie et le premier à travailler sur l’opportunité de la création d’une monnaie malienne.
La décision de créer le franc malien a été prise le 30 juin 1962 par le président Modibo Keïta. Les billets qui étaient en circulation ont fait l’objet d’échange à la Banque centrale avant le 15 août 1962. Le franc malien est mis en circulation dès le 1er juillet 1962. Le 27 juillet de la même année, les autorités d’alors procèdent au transfert à la Banque de la République du Mali (BRM) des services d’émission de la Banque centrale des Etats de l’Afrique occidentale. Le 2 août 1962, la France ouvre au Mali, à sa demande, un compte courant non débiteur.
Au début de l’année 1964, le gouvernement malien sollicite et obtient la garantie du franc malien par la Banque de France. Toutefois, il refuse tout droit de regard de l’Hexagone sur l’émission de sa monnaie. Le franc malien sera remplacé par le franc CFA le 1er juillet 1984.
Désaccord entre Moussa Traoré et Mitterrand
La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, témoigne du vent de changement qui souffle sur l’Europe de l’Est. Plusieurs pays entreprennent des réformes démocratiques d’envergure, marquant une rupture historique avec l’ère communiste. Profitant de la 16è Conférence des chefs d’État d’Afrique et de France qui se déroule à La Baule du 19 au 21 juin 1990, le président François Mitterrand prononce un discours dans lequel il invite les pays africains à suivre ce mouvement. Établissant un lien direct entre démocratie et développement, ce discours marque un changement d’approche pour la France qui « liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ». M. Mitterrand parle à cet égard de l’aide « enthousiaste » que son gouvernement accordera à ceux qui franchiront avec courage le pas du multipartisme, plusieurs pays d’Afrique fonctionnant à ce moment avec un système de parti unique. Le président français se défend toutefois de faire de l’ingérence dans les affaires intérieures des participants à la Conférence, rappelant que « cette forme de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux États africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonisation aussi perverse que toute autre ». Selon, le ministre français des Affaires étrangères (1988-1993), Roland Dumas, ce discours se résume ainsi : « Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (…) Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement »…
Mais, face à cette décision, Moussa Traoré a eu le courage de dire à François Mitterrand, à ce sommet, que la démocratie ne saurait être une camisole de force qu’on impose à des Etats souverains. Alors que plusieurs pays poursuivent ou entreprennent un virage vers le multipartisme qui se précisera au cours des années à venir (Côte d’Ivoire, Gabon, Bénin, République populaire du Congo, etc.). À un autre niveau, plusieurs voient dans cette diversité de partis politiques un facteur contribuant au réveil des rivalités et des tensions régionales qui vont diviser plusieurs pays au cours des années 1990.
Le niet de Alpha Oumar Konaré à Chirac !
Trois mois après son élection à la présidence de la République face à Lionel Jospin, Jacques Chirac, 62 ans, effectue une première tournée en Afrique. Après le Maroc du roi Hassan II, la Côte d’Ivoire de Henri Konan Bédié (Houphouët est mort vingt mois plutôt) et le Gabon d’Oumar Bongo, il fait une dernière halte au Sénégal, chez Abdou Diouf. Là, il demande aux présidents des pays voisins de venir le rejoindre. Mais, le président Alpha Oumar Konaré refuse de se rendre à ce qui ressemble, aux yeux de beaucoup de Maliens, à une « convocation. Et pour AOK, cette « convocation » relevait d’un pernicieux rapport de vassalité, instauré par l’ancien colonisateur…
Ce refus de Alpha O Konaré a été vivement salué au Mali et très apprécié à travers tout le continent africain.
En toute dignité, le président Konaré venait de démontrer à la face du monde qu’ « être malien, c’est être digne et responsable ». Au-delà, le fils de Dougou Kolo Konaré venait de démontrer qu’il était sur la trace de grands hommes qui ont fait la fierté de notre continent : Modibo Keïta, N’Kruma, Thomas Sankara et autres. C’est en revisitant le parcours de Konaré que l’on comprend mieux sa décision courageuse de ne pas se plier aux ordres du président Chirac.
Fils d’enseignant, né le 2 février 1946 à Kayes (région occidentale du Mali) dans les années d’effervescence politique qui précèdent l’indépendance, Alpha Oumar Konaré choisit lui aussi la carrière de l’enseignement, tout en s’initiant très tôt au militantisme syndical. M. Konaré commence à militer politiquement dès sa jeunesse. En 1967, il est élu secrétaire général de la Jeunesse US-RDA (Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain, le parti du président Modibo Keïta) de l’École normale supérieure de Bamako.
Après des études d’histoire à l’Ecole normale supérieure de Bamako, et s’étant marié à une condisciple qui deviendra elle aussi une historienne réputée, il part en 1971 pour la Pologne où il reçoit une formation d’archéologue. Rentré dans son pays en 1976, Alpha O Konaré travaille dans l’administration tout en militant comme de nombreux cadres maliens dans un parti clandestin d’obédience marxiste (Parti malien du Travail). Au pouvoir depuis 1968, le général Moussa Traoré manifeste une volonté d’ouverture politique et l’appelle au gouvernement en 1978, comme ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. En désaccord avec l’évolution du régime, il demande toutefois à partir en 1980. Il retourne à l’enseignement et à la recherche, membre de plusieurs organisations d’historiens africains, effectue des missions de consultant et acquiert en peu d’années une notoriété internationale, notamment dans le domaine de la muséographie (il deviendra en 1986 président du Conseil international des musées). Outre le syndicalisme, où il est actif, il se consacre au Mali à l’animation de la coopérative Jamana, créée en 1980, qui publie une revue culturelle puis diversifie ses activités dans l’édition et l’éducation, notamment en direction des jeunes. En 1989, la coopérative lance le journal Les Echos qui devient l’un des relais principaux du mouvement démocratique qui émerge alors.
Au cœur du Panafricanisme ! Chantre et infatigable militant du panafricanisme, cet historien avait hérité, lors de sa nomination, d’une ambitieuse feuille de route : réaliser l’intégration politique, économique et culturelle du continent. Il a présidé pendant dix ans, de 1992 à 2002, aux destinées du Mali, démocrate reconnu, il a cédé le pouvoir au terme de son second mandat, comme le prévoyait la Constitution. Konaré avait l’envergure et le charisme pour faire de la Commission un embryon d’exécutif supranational. Et sa désignation à la tête du nouvel organe avait été interprétée comme un signe d’une volonté claire de rupture avec la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA) devenue, au fil des compromis passés entre ses membres, un « super-machin » bureaucratique et sclérosé.
Projet ambitieux, l’UA avait justement besoin d’une ambition à la hauteur des défis de l’Afrique et des attentes de ses peuples. Konaré l’a incarnée et a été, pendant cinq ans, la voix et le visage du continent. Il a donné une visibilité diplomatique à la jeune organisation. Sous sa présidence, l’UA s’est imposée comme l’interlocuteur naturel et légitime de l’ONU et de l’Union européenne (UE), qui lui a apporté un soutien financier constant. En se dotant d’un Conseil Paix et Sécurité, et en décidant du déploiement de 8 000 hommes au Darfour, elle a envoyé un message fort à la communauté des nations : l’Afrique est résolue à prendre en main son destin. Beaucoup moins docile que les secrétaires généraux successifs de l’OUA, beaucoup plus enclin, aussi, à dire leur fait aux chefs d’État peu respectueux des droits de l’homme, très à cheval, enfin, sur la méthodologie démocratique, Konaré, par ses déclarations, ses prises de position et son intransigeance sur les grands principes, a grandement contribué à donner à l’UA la crédibilité morale qui faisait tant défaut à sa devancière. L’enfant de Kayes avait compris que, pour être prise au sérieux par ses partenaires étrangers (et par la rue africaine), l’organisation continentale ne pouvait en effet plus cautionner, même silencieusement, les tripatouillages électoraux et faire passer les droits de l’homme par pertes et profits. Une attitude à l’origine de quelques passes d’armes mémorables, notamment celle avec le Nigérian Olusegun Obasanjo, en février 2005, au plus fort de la crise togolaise, mais qui s’est au final révélée payante.
Triple Non d’ATT à Sarkozy !
Entre les présidents ATT et Nicolas Sarkozy, le courant n’a jamais passé, les deux hommes ayant entretenu des relations juste courtoises sans aucune cordialité. Le premier contact entre les deux hommes avait déjà eu lieu dans des conditions mouvementées. Ministre d’Etat de Jacques Chirac en charge de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, pour parfaire sa stature présidentielle, avait choisi de faire une tournée africaine au Mali et au Bénin, disait-il pour célébrer deux expériences démocratiques réussies. Après l’accord des deux pays à le recevoir, Sarkozy sort de son chapeau son fameux projet de loi sur « l’immigration choisie » et poussera la provocation jusqu’à la faire voter le jour de son arrivée au Mali.
Entre colère et dignité, le président ATT répondra à cette manipulation politique par la fameuse formule : « chez nous, il n’y a pas d’hospitalité choisie. Nous accueillons tous ceux qui décident de nous rendre visite », en réponse à une bonne frange de l’opinion qui plaidait l’annulation de la visite après cet affront. Le ministre d’Etat Sarkozy tâtera le courroux des Maliens qui sont sortis le houspiller sur tous les sites qu’il a visités. Le ministre d’Etat aurait semble-t-il dit au président ATT son étonnement que la police n’aie pas réprimé la foule pour s’entendre répondre : « vous avez choisi de visiter un pays démocratique et en démocratie, les manifestations pacifiques sont tolérées. Je n’ai pas eu connaissance qu’un membre de votre délégation a subi une atteinte à son intégrité ». Rideau !
Devenu président de la République française, Nicolas Sarkozy foulera le sol malien pour la seule et unique fois, en février 2010. En visite au Rwanda, il avait été informé de la libération de l’otage français, Pierre Camatte, après trois ans de captivité dans le désert malien…
En fait, depuis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir le 16 mai 2007 (soit deux semaines après le plébiscite d’ATT dès le premier tour pour son dernier mandat), les relations entre le Mali et la France ont dégringolé. Fondamentalement, trois gros dossiers constituaient des obstacles sur l’axe Bamako-Paris : l’ouverture d’une base française à Sévaré (Mopti), l’accord de réadmission sur l’immigration, et la lutte contre Aqmi et les cellules terroristes au nord du Mali.
La rupture définitive entre ATT et Sarkozy est intervenue après l’éclatement du conflit libyen quand l’Elysée pressait les chefs d’Etat africains pour qu’ils se démarquent de Mouammar Kadhafi. Or, ATT était parmi les dirigeants africains qui avaient décidé de soutenir le Guide libyen jusqu’au bout. Cela malgré les pressions de Paris.
Pour en revenir aux griefs de Sarko à ATT, l’implantation d’une base militaire française à Mopti figure en bonne place dans la pomme de discorde entre les deux chefs d’Etat.
Base française ? C’était là une forte volonté de Nicolas Sarkozy. Le président français multiplia les démarches en direction des autorités maliennes. La dernière en date aura été l’envoi auprès d’ATT d’un officier, conseiller à la sécurité à l’Elysée. Celui-ci effectua une visite discrète à Bamako en fin 2010. Selon une bonne source, l’officier français serait arrivé à bord d’un avion privé. De l’aéroport, il serait allé directement à Koulouba (nuitamment) pour rencontrer le président Touré. Les deux hommes s’étaient connus en Centrafrique, au moment où ATT était médiateur. Après un long entretien, ils n’ont pu s’entendre. ATT aurait indiqué à son interlocuteur que l’accord de coopération militaire signé entre le Mali et la France permettait de prêter un concours limité dans le temps à la France pour traiter une situation ou une menace, mais qu’à l’année de célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Mali, il ne sera pas le chef d’Etat qui autorisera l’installation définitive d’une base française sur le territoire malien. Le président ATT a suggéré à nos amis français de s’inspirer de l’exemple de notre partenariat avec les USA, dans le respect de notre souveraineté.
En effet, au même moment, les Américains renforçaient leur coopération militaire avec le Mali, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Des manœuvres militaires entre les forces des deux pays se succédaient à un rythme soutenu, soit à Bamako et/ou dans les localités du nord. Ce n’était guère un secret, les Américains s’étaient confortablement installés à Gao. Cette présence américaine agaçait l’Elysée. Et ATT, à cause de cette présence américaine au nord, s’est retrouvé dans le collimateur de la France de Sarko et du voisin algérien (qui considérait le nord du Mali comme une arrière-cour).
Désaccord sur l’accord de réadmission : Le fossé entre Bamako et Paris avait commencé à s’élargir, lorsqu’en 2008, Sarkozy a soumis aux pays africains un projet d’accord de réadmission sur l’immigration.
Les accords de réadmission sont une convention entre deux États, visant à contraindre l’un d’entre eux d’accepter de recevoir des personnes qui peuvent être, ou non, ses ressortissants, et qui viennent d’être expulsées par l’autre État.
L’accord avec le Mali était axé sur trois points : la lutte contre l’émigration clandestine, l’accès des émigrés au marché du travail et l’immigration choisie.
Mais très vite, des divergences sont apparues entre Paris et Bamako. Finalement, les autorités maliennes refusent de signer cet accord qui était une des promesses de Sarkozy dans le cadre de sa politique d’immigration. Le président ATT a dit niet à un accord qui permettait sur la base du simple soupçon d’appartenance, d’expulser tout clandestin vers le pays supposé être le sien, avec la bénédiction de ses autorités consulaires basées à Paris. Le délit de faciès, en somme !
Les Maliens gardent encore à l’esprit le sort réservé à la délégation française conduite par Patrick Stefanini, arrivée à Bamako le 7 janvier 2009, dans le but de signer sous pression, les accords de réadmission avec les autorités maliennes. Sous la pression des associations de la société civile et des milliers de Maliens vivant en France, ainsi que sur la conviction personnelle du président ATT, le gouvernement malien, pour la 4èmefois consécutive, avait refusé d’apposer sa signature sur un document qui autoriserait la France à chasser nos compatriotes résidant sur son territoire.
Face à ce refus malien, la délégation française conduite par le secrétaire général du ministère de l’immigration et de l’identité nationale, venue en précurseur, était repartie sur la pointe des pieds rejoindre à Ouagadougou le ministre Brice Hortefeux en tournée ouest africaine.
Ce dernier niet de Bamako a été (très) mal digéré à Paris. Il fallait faire payer cher cet affront au président malien, qui a été le seul à rejeter le document de Sarkozy. Tous les Maliens se souviennent encore là de la formule de ATT disant qu’il ne relevait pas de son devoir de collaborer à l’expulsion de ses compatriotes immigrés quel que soit leur statut.
Lutte contre Aqmi : A son arrivée au pouvoir en 2002, le président Touré était conscient que la question du nord allait occuper une grande partie de son mandat… L’insurrection déclenchée à Kidal le 23 mai 2006 a été un coup de semonce pour le pouvoir. Dès lors, Kidal est rentrée dans un cycle infernal de violences, avec des attaques, des prises d’otages et des tensions interethniques…
Au-delà, le nord du Mali était devenu une zone d’insécurité par excellence où se côtoyaient différents groupes terroristes, djihadistes et mafieux. Une zone où les enlèvements d’Occidentaux se multipliaient. Au centre de ces actes criminels, se trouvait Aqmi. Et l’Elysée avait décidé de mener une guerre par procuration contre cette organisation criminelle. Une guerre que devrait mener le Mali et la Mauritanie. Si la Mauritanie a accepté de jouer le jeu français par l’entremise du président Abdel Aziz, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat et qui cherchait à plaire aux Français, le Mali à l’injonction, en inscrivant son action dans le cadre d’un plaidoyer pour une initiative régionale de lutte contre le terrorisme.
Et la conviction du président malien était : c’est une menace transfrontalière qui nécessite que tous les pays de la bande sahélo-saharienne conjuguent leurs efforts… Cette réflexion de bon sens va aboutir, avec 11 ans de retard, à la création du G5-Sahel ! Face à un Sarkozy qui ne veut que des interlocuteurs couchés, cette attitude de dignité va faire de ATT la seconde cible après Kadhafi. La France mobilise ses espions pour encadrer la rébellion de janvier 2012, met ses médias au service de la propagande du MNLA qui va même proclamer « l’indépendance de l’AZAWAD » sur le plateau de France 24. Elle met aussi à contribution ses alliés du voisinage, le président mauritanien pour le soutien logistique aux rebelles et Blaise Compaoré pour leur parrainage politique. Et pourtant cette rébellion était surtout militairement animée par Ansar Dine de IYAD AGHALI et le MUJAO qui ont été le bras armé d’une lutte prêtée au MNLA sous le bienveillant regard de la France.
Ces forces du mal, utiles à la cause un temps, se révèlent aujourd’hui le cauchemar de la France et la tragédie du Mali et de la sous-région.
Mohamed Sylla
L’Aube 1070 du 27 mai 2019