Mot de la semaine : Férié

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Le Mali dont l’économie est en berne depuis la crise de 2012, et qui est sous perfusion financière  internationale depuis belle lurette, doit-il se donner le luxe de décréter à tout bout de champ des journées chômées et payées ?  En effet, c’est contre toute attente que le gouvernement du Mali, lors de son hebdomadaire réunion des ministres, a décrété la journée du vendredi 31 mai chômée et payée sur toute l’étendue du territoire national. Cette journée qui consacre la nuit du destin dans la religion musulmane est certes importante pour tout musulman, mais ne nécessite nullement d’être fériée  empêchant du coup  des  citoyens qui vivent au jour le jour d’aller à la recherche de leurs pains quotidiens. 

Nul besoin de rappeler  que la foi  ne se  mesure pas à l’aune du temps de prêche, ou de la durée de prière, mais elle est intérieure et individuelle. Le Mali est certes à 97 % musulman, mais si un sondage avait été réalisé à la veille de la décision du gouvernement de faire du vendredi un jour férié, le non allait l’emporter, car beaucoup  sont les Maliens à être  dans l’informel et d’autres dans le secteur privé. Le temps pour ceux-ci est précieux. Certains fonctionnaires n’ont pas pu fêter car ils n’ont pu avoir leurs salaires à cause de l’engorgement des banques.

Pour rappel, avoir décrété le 31 mai journée chômée et payée, le Mali tombe dans un long cycle de jours fériés. Comptez avec nous le vendredi 31, c’était la fête de  layilatulKhadr,  le samedi 1er Juin, férié  tout comme  le dimanche 2. Ces trois jours seront suivis du lundi 3 juin,  fête de l’Aïd El Fîtr,  le mardi 4, deuxième jour du Ramadan. Cinq jours sans travailler pour un pays pauvre, sous développé et très endetté, c’est le comble de l’insouciance. Les statistiques de la perte financière font non seulement froid dans le dos, mais aussi et surtout,   interpellent les plus hautes autorités  du pays face à leurs responsabilités.

Ce qui est d’ailleurs aberrant, c’est qu’au moment où deux voisins immédiats, qui nous dament d’ailleurs les pions dans le classement en zone UEMOA, que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal, se frottent les mains en ayant les indicateurs macroéconomique et de croissance prometteurs à cause de l’émergence de leur économie, le Mali passe plus de temps à festoyer.  Nous ne serons jamais crédibles sur la scène internationale si nous continuons sur cette lancée festive, reléguant les priorités  et les urgences au second plan. Notre voix ne sera jamais audible dans le concert des Nations si nous continuons à nous amuser.

A-t-on besoin de rappeler au Président de la République l’une des promesses phares qu’il a prises; celle de mettre les Maliens au travail afin de relancer l’économie ? Aujourd’hui, c’est tout le contraire que nous voyons. Son régime est d’ailleurs en passe de battre tous les records en nombre de jours fériés illégaux. Ce qui du coup interpelle le législateur et toute bonne conscience à mettre un frein à ce désordre qui ne fait qu’annihiler les immenses efforts consentis par beaucoup de citoyens.

L’occasion semble idoine à la veille de la révision Constitutionnelle et à la lumière de tous ces dommages que les jours fériés causent véritablement  à notre économie, de mettre dans la loi fondamentale des dispositions  légales limitant le nombre de jour férié en République du Mali. Ces lois auront l’avantage de clarifier les choses et seront des verrous contraignants  qui s’imposent à tous.

En définitive, la décision prise par le gouvernement de faire de la journée du vendredi 31 mai 2019, chômée et payée est faite pour satisfaire aux désidératas  d’une  petite frange  politico-religieuse, mais nullement la grande majorité qui continue de broyer  du noir.

Youssouf Sissoko  

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