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Moussa Mara : « Réconciliation et/ou justice : faut-il choisir ? »

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Moussa Mara
Moussa Mara

TRIBUNE. La question est posée d’apaiser, dans l’esprit d’un État de droit, les conséquences néfastes des conflits nés ici ou là sur le continent africain.

De la commission Vérité, Justice et Réconciliation en Afrique du Sud à son équivalent au Mali, en passant par de nombreuses instances mises en place ici ou là dans l’histoire récente de l’Afrique, la notion de réconciliation est devenue un objectif constant de l’action de nos gouvernants. Il est vrai que l’histoire tumultueuse du continent, faite de violence, de conflits sociaux, de guerres civiles, de rébellions…, est une source de tensions vives et de divisions dans les pays.

Le débat ethnicisé

Avec l’ouverture démocratique, les conflits politiques, à travers notamment leur ethnicisation, ont polarisé le débat autour des questions identitaires. Les groupes et leurs leaders en sont devenus des acteurs politiques à part entière. Ils se donnent réciproquement une légitimité basée sur l’ethnie et s’ouvrent par la même occasion des tensions vives entre les groupes humains dans leur pays. La politique n’hésitant pas à brandir la menace contre un autre groupe chaque fois qu’il est en posture difficile. Lui-même et son groupe en deviennent ainsi à la fois les otages et les geôliers les uns des autres.

La nécessité d’apaiser les esprits et de calmer les tensions conduit à la convocation de la réconciliation. Elle devient ainsi un mot magique utilisé par tous et dans tous les contextes, presque partout aujourd’hui en Afrique. Comme s’il suffisait de l’évoquer pour obtenir un calme relatif dans le pays concerné !

L’emblématique cas sud-africain

Pourtant, si l’on parle autant de réconciliation, et depuis plusieurs décennies, c’est parce que nous ne sommes pas réconciliés et, peut-être, parce que nous n’avons pas su ou pas voulu engager les chemins qui conduisent à la réconciliation, la vraie !

À l’exception notable de l’expérience sud-africaine, reconnue comme positive sur le continent et au-delà, les nombreux autres processus engagés, au mieux, patinent sinon échouent. Il est vrai que l’expérience sud-africaine était simple à mener, nonobstant les crimes terribles de l’apartheid, car le pouvoir d’État appartenait aux victimes, les objectifs étaient clairs et une partie des bourreaux étaient prêts à fonctionner. Le chemin étant très clairement défini, la gestion en fut aisée.

Quelle réconciliation ?

Dans le processus de réconciliation lancé ici ou là, bien que l’on parle de justice, il faut malheureusement constater que nous nous orientons presque toujours vers la réparation et le versement de compensations aux victimes. Et cela est souvent mis en œuvre dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes en termes de transparence, d’effectivité des paiements, d’équité, etc.

On ne parle presque jamais de justice ! Or sans elle, les auteurs de violences demeurent impunis, ce qui les encourage, ainsi que d’autres, à poursuivre leurs méfaits. Cela crée chez les victimes un sentiment réel d’injustice et suscite en elles, progressivement, une volonté de se venger, ce qui prolonge le cycle de violence.

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