Malgré l’optimisme des dirigeants français, rien de concret n’a été fait après le sommet de Pau en termes de pacification et de succès contre les groupes terroristes dans la zone des trois frontières. Chaque jour suffit sa peine. Des dizaines de militaires et civils sont tués parfois sous le nez des forces étrangères présentes. Les dirigeants du G5-Sahel espèrent un appui de la Russie.
Les récentes attaques survenues dans la Région de Tillabéry au Niger contre de paisibles citoyens (une soixantaine de morts) de retour du marché hebdomadaire de Banibangou et contre une relève montante du poste de sécurité de Tessit au Mali près d’Ansongo dans la Région de Gao (33 morts et de nombreux blessés) sont la traduction concrète de l’échec de la stratégie envisagée par la France dans la zone des trois frontières.
Pourtant, il y a presque deux ans, les chefs d’Etat des pays membres du G5-Sahel souhaitaient la contribution de la Russie pour perfectionner le dispositif de lutte contre le terrorisme et donner un coup de pouce au programme de développement économique des pays membres. Qu’est ce qui freine alors la mise en œuvre de cette volonté commune ?
Le président sortant du Niger (alors président en exercice du G5) Mahamadou Youssouf avait envoyé à Moscou, le secrétaire permanent du G5-Sahel, son compatriote Mamane Sambo Sidiki, pour sonder le terrain et prendre langue avec les dirigeants russes.
Deux volets étaient au menu des échanges avec la partie russe. Le volet militaire, avec notamment la fourniture d’armements de pointe aux forces armées et de sécurité, leur formation dans les Académies militaires russes, et les projets économiques d’envergure comme le train trans-sahélien que Moscou et Pékin pourraient cofinancer.
Cet important volet est particulièrement suivi par l’ambassadeur de Russie à Niamey, son Excellence Alexey Doulian.
Mahamadou Youssouf comptait s’appuyer sur la Russie afin qu’elle intercède auprès de Washington pour que le G5-Sahel soit placé sous le commandement de la Minusma. Ce qui serait de nature à rendre cette force plus offensive. Washington et Paris se sont toujours opposés à ce renversement. L’implication de Moscou pourrait desserrer l’étau français autour du Sahel et permettre une marge de manœuvre en matière de lutte contre le terrorisme. Vladimir Poutine se montre de plus en plus réceptif à l’appel du pied des dirigeants du G5-Sahel et compte bousculer Paris dans son pré-carré traditionnel. La Russie est déjà présente en Centrafrique où elle compte des dizaines de conseillers militaires qui exercent auprès du président Faustin Archange Touadera.
D’autres pays de la sous-région se bousculaient au portillon de la Russie. Ali Bongo Odimba, le chef de l’Etat gabonais avait séjourné à Moscou. Signe perceptible de l’intérêt que porte la Russie à l’Afrique, c’est l’organisation en 2019, du premier sommet Afrique-Russie qui jeta les bases d’une coopération multidimensionnelle qui embrasse tous les domaines économiques, technologiques et militaires. Des axes stratégiques sont identifiés à cet effet.
Il faut souligner que la présence de plus en plus marquée de la Russie en Afrique agace Paris qui ne fait pas mystère de son hostilité. Jean Yves LeDrian, le ministre des Affaires étrangères, par ailleurs représentant voyageur-Placeur (VRP) du complexe militaro-industriel français, l’a fait savoir bruyamment. Il ne manque aucune occasion pour tancer « l’intrus » russe qui a signé un accord de coopération militaire avec la République démocratique du Congo. Le contexte de concurrence féroce entre les puissances autour des ressources minières et énergétiques du continent, les luttes d’influence et de positionnement, la sécurisation des sources d’approvisionnement, l’émergence de nouvelles puissances économiques comme la Chine, l’Inde, le Brésil vont considérablement modifier les rapports de force dans les prochaines années. L’Afrique se positionne en conséquence.
L’appui de la Russie au G5-Sahel lui ouvrirait une porte d’entrée en Afrique de l’Ouest. Une visite du président nigérien à Moscou était annoncée ! Outre le volet militaire, la Russie pourrait également soutenir le projet de création d’une compagnie aérienne Air-Sahel pour laquelle des études de faisabilité ont été réalisées.
N.K.
Source : Arc en Ciel