IBK et les forces de contestation du Mouvement du 5 Juin (M5-RFP) sont à une phase délicate de l’épreuve de force ouvertement engagée en ce mois de juin. En moins de vingt jours et deux journées mémorables de fronde et de défi au pouvoir en place (5-19 Juin), l’Opposition et les associations de la Société civile ont amené IBK et ses affidés au point de rupture.
La démission du gouvernement, la « main tendue » du président de la République, la reconduction précipitée du Premier ministre et la nomination de Kamissa Camara (ex-ministre de l’Economie Numérique et de la Prospective) en qualité de Secrétaire générale de la Présidence (manifestation dérisoire du népotisme viscéral de celui qui symbolise aujourd’hui la première institution de la République), les remous au sein de l’Assemblée nationale et de la Cour Constitutionnelle ( perspectives de dissolution pour l’une et de démission de l’autre) étaient à l’évidence les signes avant-coureurs de la débâcle du régime.
Il ne restait plus qu’à bien négocier le tournant devant conduire à la mise en place d’institutions susceptibles de favoriser les changements souhaités par une majorité des Maliens.
Il n’est pas inutile de rappeler que le régime IBK est au centre d’une véritable bronca nationale depuis au moins un quinquennat, la durée de tout un mandat. Les griefs qui lui sont faits dénoncent son népotisme, affiché dès son accession à la haute magistrature du pays, un goût prononcé pour les dépenses somptuaires, la prévarication, la corruption mais surtout la gestion exécrable de la crise sécuritaire (la situation de Kidal, du Centre du pays transformé en mouroir pour les FAMA et les populations civiles, la dilapidation du budget de 1230 milliards de F CFA dévolu à l’équipement et l’entretien des FAMA par l’acquisition de matériel obsolète de guerre, la surfacturation de ces équipements, la misère matérielle et morale des soldats et leur pitoyable résilience face à la barbarie des attaques jihado-terroristes) et les diverses manipulations politiques (élections présidentielles et législatives) et des institutions (Cour Constitutionnelle notamment).
Face à un président mal réélu, un régime largement contesté, lesté par un lourd contentieux populaire, le M5-RFP ne pouvait pas ne pas réussir son action de mobilisation. Les deux rassemblements aux allures insurrectionnelles, traduisant bien la profondeur du désamour entre le pouvoir et le peuple, ont contribué à élever les leaders contestataires sur un piédestal et à leur conférer une certaine légitimité.
Le président IBK a pris la juste mesure de son désaveu et de la force de l’adversaire. Il a eu le reflexe juste d’un Chef d’Etat déstabilisé et sur le point d’essuyer une avanie, sous la forme d’une exigence de sa démission, en tentant de garder la main d’abord, en reconduisant le Premier ministre, pour remplacer le gouvernement démissionnaire, en tendant, ensuite, la main à ses contempteurs pour nouer un dialogue dont il avait déjà dessiné les contours.
Le piège, trop gros, a été déjoué par le M5-RFP, qui ne pouvait déjà compromettre les bénéfices de sa victoire (symbolique) en cautionnant la présence d’un Premier ministre, comptable tout autant que son mentor d’une gouvernance qui avait révulsé même les plus conciliants des Maliens.
L’étape suivante allait toutefois révéler toute la gaucherie manœuvrière de la nouvelle force politique. En effet, en exigeant la démission du président de la République, en faisant la seule condition de la décrispation du climat socio politique, les leaders du M5-RFP sont en train d’aller sur une impasse et, peut-être, offrir à IBK les chances d’un rebond.
Ayant surmonté le difficile moment psychologique de son impopularité tonitruante, IBK qui, selon toutes les apparences et au regard de la culture politique des présidents africains, n’envisage pas de se démettre, pourrait, au contraire, reprendre du poil de la bête, en finançant une contre mobilisation (qui le rebutait a priori), qui tente fortement, en ce moment, ses partisans.
Outre que la démission de l’actuel Chef de l’Etat ne saurait tenir lieu de programme politique, l’Imam Mahmoud Dicko et ses compagnons doivent reprendre langue, dans les meilleurs délais, avec ce dernier dans la perspective de la formation du Gouvernement consensuel de large ouverture, recommandée par les différents partenaires du Mali.
En faisant prévaloir sa position de force, le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques peut revendiquer le poste de Premier ministre et des ministères stratégiques en vue d’induire la mise en place de la politique et des instruments d’une gouvernance conforme aux intérêts du pays et des populations.
Evidemment, la définition du contenu d’une nouvelle gouvernance politique et administrative, portée par l’opposition et les organisations de la Société civile, constitue un préalable impératif, à même de crédibiliser la nouvelle approche démocratique.
Au risque d’être taxés de visées égocentriques, les dirigeants de l’Opposition devraient adopter les propositions visant à l’organisation de législatives partielles dans les circonscriptions dont les élections ont été contestées. Cette approche a le double avantage de dépenses moins importantes que celle de nouvelles élections générales, dans le cas d’une dissolution de l’ensemble du parlement et d’éviter une assez longue paralysie d’une institution incontournable pour l’adoption des règles d’une nouvelle culture de gouvernance.
La démission de la Cour constitutionnelle est également une des conditions essentielles à une implication dénuée d’a priori et acceptée de cette institution dans la réglementation de la vie politique de notre pays. Les Conseillers de la dite Cour, fortement chahutés par l’opinion publique, devraient se résoudre à cette sortie, somme toute honorable pour eux.
Enfin, ultime posture à observer par l’Opposition, la préservation des relations avec les partenaires internationaux du Mali. Même si, par certains de ses aspects, l’intervention de ces derniers reste contestable, notamment en ce que des opposants à des présidents démocratiquement élus ont pu bénéficier de l’onction de grandes démocraties, le poids de leur appui économique et militaire est tel que l’on ne peut se payer le luxe de nous aliéner leur assistance, en ces moments de précarité surtout.
Nous nous devons de les rassurer sur nos options politiques futures. En édulcorant l’image du parrainage du mouvement par l’Imam Mahmoud Dicko qui, en dépit de ses dénégations de projets islamistes, fait planer, aux yeux de ces partenaires, de sérieux doutes sur le maintien des options laïques de l’Etat malien.
Pour toutes ces considérations, le M5-RFP doit faire montre d’une grande souplesse.
Mamadou Kouyaté
Koumate3@gmail.com
Source : Maliweb.net