La ministre des Mines et du Pétrole, en visite ce week-end dans la Commune de Fourou (cercle de Kadiolo), a annoncé la suspension pour une année (à compter du 15 mai) du dragage et pour quatre mois (15 mai au 30 septembre) de toutes les activités d’orpaillage sur toute l’étendue du territoire national.
Mme Lelenta Awa Baba Bah était venue s’assurer de la présence des activités de dragage sur le Bagoé, rivière traversant la Côte d’Ivoire et le Mali. Elle a pu constater de visu l’impact de ces activités sur l’homme et son environnement. Il s’agissait aussi, pour elle, de solliciter le soutien et l’implication des autorités locales et des populations de Lollè, village situé non loin de cet affluent constitutif du Bani, pour la fin à l’activité de dragage.
Sur les sites, le constat est amer. Des dragues étaient abandonnées le long de la rivière par leurs conducteurs (peut-être informés de l’arrivée de la délégation). La couleur de l’eau a complètement changé. Femmes et enfants, présents en grand nombre sur ces sites, se lavent dans cette eau polluée où les orpailleurs utilisent du cyanure et du mercure pour traiter le minerai. Il n’y a ni école, ni centre de santé. En plus, la rivière est devenue très étroite à cause des déchets drainés dans son lit par cette activité. Aussi, il y aurait eu, chaque semaine, des cas de noyade ou de morts d’animaux, a déploré le maire de la Commune de Fourou, Ousmane Ouattara.
Pourquoi cette activité persiste-elle, malgré ses effets nocifs ? Paient-ils quelque chose à la mairie ? Le maire Ouattara est catégorique : «La mairie n’a jamais délivré une autorisation aux dragues». Rencontré sur place, Amadou Kola Toumenta, âgé d’une quarantaine d’années, est conducteur de drague. Le natif de Youwarou (région de Mopti) reconnaît qu’il ne dispose d’aucune autorisation d’exercice de cette activité. Aussi, confirme-t-il n’avoir jamais rien payé à la mairie, depuis son arrivée en janvier dernier. Alors qu’il produit entre trois à quatre grammes d’or par jour.
La faute incomberait à l’agent des eaux et forêts qui délivrerait des permis de coupe de bois aux propriétaires de dragues et aux orpailleurs, accuse le maire de Fourou. Documents qu’ils présentaient aux villageois comme autorisation d’exercice délivrés par l’administration. L’édile incrimine aussi des membres de la Chambre des mines du Mali d’être complices de cette situation. «A chaque fois que nous faisons arrêter quelqu’un, ils (ces membres de la CMM) appellent pour dire que les dragues appartiennent à tel ministre ou tel autre haut responsable du pays», s’insurge l’officier d’état-civil.
M. Ouattara déplore aussi le comportement peu orthodoxe de la justice qui aurait libéré indûment des conducteurs de dragues que la mairie avait fait arrêter.
Face à la persistance de la pratique, le gouvernement a pris, le 15 mai dernier, un arrêté interministériel impliquant les ministères des Mines et du Pétrole ; de la Sécurité et de la Protection civile ; de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et de l’Environnement et du Développement durable. Il suspend pour une année l’activité de dragage. Le temps de relire le code minier pour supprimer définitivement le dragage. Cette période sera aussi mise à profit pour réorganiser le secteur de l’orpaillage, a assuré la ministre en charge des Mines.
Comme mesures prises à cet effet, le gouvernement malien, à travers le département des Mines et du Pétrole, a mis en place une commission de réorganisation du secteur, a révélé Mme Lelenta Hawa Baba Bah. Objectifs : sensibiliser les acteurs sur les problématiques de l’orpaillage et du dragage, a précisé Mme la ministre, en prévenant que des actions coercitives en compagnie des forces de l’ordre seront menées contre les récidivistes.
En matière de réorganisation de l’orpaillage, le gouvernement entend, aux dires de Mme Lelenta Hawa Baba Bah, procéder au recensement des orpailleurs, à la création de comptoirs d’achat de l’or sur les sites. Ce qui permettra, expliquera-t-elle, d’avoir des données plus précises sur la production artisanale et d’améliorer les conditions de vie des orpailleurs.
La ministre des Mines et du Pétrole a annoncé aussi que le gouvernement entend réaliser des forages équipés pour l’accès à l’eau potable dans les zones d’orpaillage, construire des écoles, des centres de santé et créer des périmètres maraîchers pour permettre aux femmes d’avoir des revenus réguliers. Le but est d’améliorer les conditions d’exercice de l’orpaillage.
Cheick M. TRAORéÉ
Source: L’ Essor