Le président ukrainien Zelensky souhaite voir la fin de la guerre dans son pays d’ici la fin de l’année. Seulement, les pourparlers de paix avec le président russe Poutine ne sont plus à l’ordre du jour. Zelensky arrivera-t-il à ses fins? Le stratège de la défense Sven Biscop et le professeur de politique internationale David Criekemans ont analysé la situation pour nos collègues d’Het Laatste Nieuws.
Volodymyr Zelensky a demandé au G7 des éléments d’artillerie antiaérienne supplémentaires, des sanctions plus sévères à l’encontre de la Russie et une aide pour l’exportation de céréales bloquées dans le pays. Sa déclaration la plus notable est qu’il souhaite que la guerre se termine d’ici la fin de l’année. Mais comment peut-il y avoir une paix sans consultation du Kremlin ?
Lorsque les deux parties sentent qu’elles n’ont plus grand-chose à gagner, la volonté de se mettre d’accord sur un cessez-le-feu se manifeste
“Toutes les négociations sont au point mort, les Russes tirent 60.000 obus sur l’Ukraine chaque jour et le président américain Joe Biden hésite à fournir des systèmes de missiles multiples. La Russie a consolidé la province de Lougansk, Poutine continuera jusqu’à ce que l’autre province orientale de Donetsk tombe également. Après cela, Zelensky devra faire des choix. S’il abandonne le Donbass maintenant, il sera décrié par les électeurs. Cependant, il a gagné le statut de candidat à l’adhésion à l’UE et, s’il renonce au Donbass au bon moment, il pourrait empêcher Poutine de s’emparer également de tout le sud de l’Ukraine”, déclare M. Criekemans (UAntwerp).
Cessez-le-feu
Sven Biscop (UGent, Institut Egmont) ne voit pas non plus immédiatement une ouverture vers un accord de paix. “J’espère qu’avant la fin de l’année, les combats prendront fin, mais un cessez-le-feu n’est pas encore un accord de paix. Lorsque les deux parties sentent qu’elles n’ont plus grand-chose à gagner, la volonté de se mettre d’accord sur un cessez-le-feu se manifeste.”
Pour l’Ukraine, selon M. Biscop, aucune issue favorable n’est possible. “L’Occident n’interviendra pas directement dans la guerre et il y a une limite à ce que l’Ukraine peut réaliser. L’Ukraine ne gagnera pas la guerre et ne peut que limiter les pertes. Plus la guerre se prolonge, plus leurs pertes sont importantes. Ils ont un intérêt dans un cessez-le-feu. Mais renoncer à tant de territoire quand on s’est battu si héroïquement est très difficile politiquement. Il faudra peut-être un certain temps avant que l’Ukraine ne soit prête pour des négociations de paix. Un cessez-le-feu serait une bonne chose. Pendant ce temps, la diplomatie discrète entre les États-Unis et la Russie permet d’éviter l’escalade. Ces contacts discrets sont de nature militaro-technique plutôt que politique. Cette diplomatie concerne les limites supérieures de ce qu’ils feront, comme ne pas déployer d’armes nucléaires.”
Dans l’ensemble, la guerre en cours, les menaces russes contre les États membres de l’Union européenne et la fermeture des robinets de gaz deviennent une réalité. Nous devons nous préparer au fait qu’il n’y aura plus de gaz russe cet hiver
Criekemans n’exclut pas des pourparlers de paix dans les mois à venir. “Bien que, pour l’instant, je vois cela se limiter à un cessez-le-feu temporaire et à l’échange de prisonniers de guerre. La Russie ne fera une pause qu’après avoir conquis Donetsk. Une telle pause pourrait toutefois avoir pour conséquence de développer militairement ce qui reste de l’Ukraine afin d’empêcher la Russie d’entrer dans une troisième phase de la guerre, après l’annexion de la Crimée et la phase actuelle.”
Discussions commerciales entre l’UE et l’Inde
Zelensky appelle à des sanctions plus sévères à l’encontre de la Russie, mais qu’est-ce que cela pourrait impliquer ? “Nous avons atteint notre limite, il s’agit maintenant de persévérer à la fois avec les sanctions et les livraisons d’armes à l’Ukraine”, estime M. Biscop. Selon M. Criekemans, l’Occident ferait bien d’examiner l’efficacité des sanctions. “Des voix s’élèvent également pour relancer les négociations commerciales entre l’UE et l’Inde. Si nous pouvons aider des pays comme l’Inde, le Japon et la Corée du Sud dans le domaine de l’énergie et de l’alimentation, nous pourrions éventuellement les faire entrer dans le camp occidental.”
Le G7 demande à la Russie de mettre fin aux attaques contre les infrastructures agricoles ukrainiennes et d’autoriser le libre passage des navires transportant des céréales hors d’Ukraine. M. Biscop soupçonne Poutine de ne pas réagir et d’utiliser la famine en Afrique, entre autres, comme une arme politique. Criekemans envisage deux scénarios : “Les mines ukrainiennes près d’Odessa et de Mykolaïv, qui ont empêché un débarquement des Russes, pourraient par exemple être déminées par la marine belge. Mais c’est ce que veut la Russie, parce qu’alors vous rendez Odessa à nouveau plus fragile et un tel débarquement amphibie redevient possible. Le deuxième scénario est que les céréales sont acheminées vers le port de Berdiansk et escortées à travers le Bosphore par des navires turcs. Mais vous devez d’abord remettre ces céréales aux Russes, et quelles garanties avez-vous qu’elles ne seront pas détournées vers la Russie ?”
Avec une guerre en cours, les menaces russes sur les États membres de l’Union européenne et les robinets de gaz fermés, l’hiver va-t-il devenir compliqué? “Je pense que oui”, soupire Biscop. “Nous ferions mieux de nous préparer au fait qu’il n’y aura plus de gaz russe.” Cependant, selon M. Criekemans, l’Europe doit reconnaître qu’elle s’est elle-même jetée dans le piège de la guerre économique en introduisant rapidement des sanctions lourdes qui ont donné peu de résultats. “On aurait pu retenir les sanctions jusqu’à ce que nos propres réserves de gaz soient correctement remplies. L’Allemagne et l’Italie retiennent leur souffle, la Belgique étudie des plans d’urgence. L’Europe aura peut-être besoin de charbon en plus du gaz contesté de Groningue pour passer l’hiver.”