Port obligatoire du casque de protection par les motocyclistes au Mali : Une « bombe sociale à retardement » dans les mains de l’Etat

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Des contrôles routiers réguliers seront organisés sur le port de casque de protection  à partir du 1er décembre 2022. Ils seront suivis de  2023. Tel est le message délivré, lundi 24 octobre 2022, par l’ANASER (Agence Nationale de Sécurité Routière), sur sa page Facebook. Depuis la rectification de la trajectoire de la transition au Mali, force est de constater que les différentes décisions prises par les autorités ont toujours eu l’adhésion des populations parce qu’elles sont fondées sur les aspirations de celles-ci. Cependant, une telle mesure, dès son annonce, a répandu une odeur de bombe sociale. La mesure a-t-elle été bien réfléchie en amont ? Est-elle nécessaire en cette période où bon nombre de Maliens tirent le diable par la queue (hausse vertigineuse des prix du carburant et des principaux produits de première nécessité : céréales, pain, sucre, carburant, etc.)? L’histoire récente a montré que l’imposition de telles charges supplémentaires aux propriétaires d’engins à deux roues et à trois roues, des scolaires et des étudiants dans l’écrasante majorité, entraîne généralement des grognes  sociales, voire des remous de même nature. En 2008, le même type d’opération avait été lancé, on s’en souvient, par le régime de feu ATT et, face à une contestation populaire, elle a étésuspendue sine die.En 2012, le gouvernement de transition dirigé par Dr. Cheick Modibo Diarra avait tenté la même opération. Résultat : émeutes dans les grandes villes du pays et, finalement, la décision a été annulée. Fait notoirequi demeure dans les esprits, cette décision du port obligatoire de casqueavait été prise à la veille de la rentrée scolaire. Reste à savoir si avec la transition en cours les populations vont avaler la couleuvre. Rien ne le présage. 

« Cette décision est révoltante à une période tout le mode cherche à joindre les deux bouts ». C’est le résumé de différentes réactions de plusieurs citoyens. Sur la base de celles-ci, on relève aisément que beaucoup de nos compatriotes dénoncent l’impopularité de la mesure sansl’ombre d’un doute. Cette réprobation générale certaine des populations est surtout, de l’avis quasi unanime dans l’opinion publique nationale, vraiment justifiée. Car la mesure, si elle est d’ordre sécuritaire, elle intervient dans un contexte de fortes tensions économiques pour beaucoup de ménages, avec en toile de fond la flambée sauvage du prix des produits de première consommation. Au cours du dernier mois, le prix du gaz a presque doublé suite au manque de subventions du gouvernement. Comme un malheur ne vient jamais seul, le prix carburant à la pompe connaît son énième hausse. Des difficultés qui viennent s’ajouter à celles que subissent déjà les ménages à qui les denrées comme l’huile, la viande, le riz et surtout le mil sont cédées à des prix élevés, de plus en plus insupportables. Sur un tout autre plan, la décision du ministre des Transportssemble inopportune dans un pays où tout le monde ne possède pas d’engins à deux roues. Il est fréquent de voir un voisin, un parent ou un ami au bord de la route qui vous demande de le déposer en cours de chemin. Face à une telle situation, le conducteur a beau porter le casque, et pour celui qu’il vient d’embarquer, qu’adviendra-t-il ? Elle ouvre la voie à la spéculation et à une sorte de mafia des opérateurs économiques dans le marché d’importation du casque. Les prix vont prendre l’ascenseur. Comment faire face à cela, surtout que l’on s’achemine vers la fin de l’année, période pendant laquelle les dépenses familiales augmentent ? Manifestement, cette décision ne s’impose pas à l’heure actuelle. Les autorités devraient voir ailleurs que de prendre des décisions qui en rajoutent aux dépenses des ménages exténués par la crise que vit notre pays depuis plus d’une décennie. Les tentatives d’imposer une telle mesure doiventêtre évitées.

Du vécu du gouvernement de transition lancé en 2012 à la veille de la rentrée scolaire d’octobre

Malgré les souffrances des populations qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts,  le gouvernement de Cheick Modibo Diarra avait voulu  imposer  le port obligatoire du casque dans la circulation. Si la mesure était d’ordre sécuritaire, elle n’était  pas du tout nécessaire à l’époque. Cette décision a été en tout cas révoltante pour bon nombre de citoyens qui pensaient qu’elle visait à détourner leur attention sur la crise du Nord. Certains mêmes étaient allés plus loin en arguant que la mesure visait à les divertir  et à occulter les vrais problèmes de la nation. Dès lors, l’impopularité de la mesure ne faisait  plus l’ombre d’aucun doute, en suivant plusieurs émissions radiophoniques sur la question de l’époque. La mesure avait suscité la colère et l’indignation des populations, surtout juvéniles. Cette colère  et cette indignation étaient réellement  justifiées. Si  la mesure  était d’ordre sécuritaire, elle intervenait t dans un contexte de forte tension économique pour les foyers modestes, avec en toile de fond la flambée sauvage du prix des produits de première consommation de première nécessité. La ligne rouge venait d’être franchie par le gouvernement de Dr. Cheick Modibo Diarra par  l’exaspération des ménages qui souffrent déjà des conséquences économiques dramatiques  du coup d’Etat du 22 mars 2012. La décision de rendre obligatoire le port du casque dans la circulation avait ouvert la voie à la spéculation et à une sorte de mafia des opérateurs économiques dans le marché d’importation du casque. Les populations justifiaient leur déception vis-à-vis de cette décision surtout que les routes d’alors dans un état de dégradation avancée. Les autorités d’alors avaient certainement oublié que la sécurité routière ne dépend pas seulement que du port « obligatoire » du casque, mais aussi et surtout de l’amélioration de l’état des routes. La question, qui se posait, était de savoir qui sanctionner dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure? A rappeler que les forces armées et de sécurité avaient clairement affirmé qu’elles n’étaient pas concernées pas la décision. Les étudiants furieux, car disaient-ils être les plus nombreux à être touchés par cette mesure, ont manifesté dans les campus en incendiant plusieurs motos. La déception était aussi visible au niveau des parents d’élèves, qui en plus de faire face aux dépenses scolaires de leurs enfants à la veille de la rentrée scolaire, devraient songer à acheter des casques. L’application de la mesure avait royalement contribué des rackets des citoyens par les policiers dans la circulation. Au finish, les autorités ont lâché du lest.

Il faut rappeler qu’en 2008, le régime d’ATT avait aussi tenté d’imposer le port du casque, à travers son ministre des transports d’alors, Hamed DianéSéméga. Ce fut un échec cuisant. Des émeutes avaient éclaté un peu partout dans les grandes villes du pays. A la même période, le Burkina Faso faisait face aussi au même phénomène. Malgré qu’il était encore au faîte de sa puissance et craint outre mesure à l’époque par son peuple, Blaise Compaoré a finalement cédé sous la pression de la rue.

​​​​​​​​Raymond Dembélé

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