Depuis un bon moment, l’année scolaire au Mali est secouée par une grève intempestive des enseignants, des élèves et étudiants. L’année académique est alarmante et risque d’être blanche si rien n’est fait. Craignant pour l’avenir des enfants, l’Assemblée nationale du Mali a interpellé, hier, jeudi 4 avril 2019, le gouvernement à l’hémicycle pour qu’il s’explique sur cette crise scolaire. Les députés ont sommé les membres du gouvernement à œuvrer pour trouver une solution à la grève des enseignants afin de sauver l’année scolaire.
«Vous êtes ministres, c’est des enseignants qui vous ont formé. L’éducation, c’est la base de tout développement. Même si vous devez annuler certains de vos problèmes pour financer ce que les enseignants demandent, c’est ce que vous devez faire. L’Assemblée doit les mettre en demeure de résoudre ce problème d’ici deux ou trois jours et que ça s’arrête et que les enseignants reprennent leur travail. Le Mali appartient à nous tous et l’argent du Mali appartient à nous tous et ça doit être utilisé pour les priorités et la première priorité d’un pays, c’est l’éducation », a souligné le député Kalilou Ouattara.
Les travaux de cette séance d’interpellation étaient présidés par le président de l’Assemblée nationale du Mali, l’honorable Issaka Sidibé. Le gouvernement était représenté par le ministre de l’éducation nationale, Pr Abinou Témé, le ministre de l’économie et des finances, Dr Boubou Cissé et Mme la ministre du travail, de la fonction publique, chargé des relations avec les institutions, Mme Diarra Raky Talla. Le ton des allocutions fut donné par l’honorable Abdoulaye Fofana du groupe parlementaire RPM (Rassemblement pour le Mali) qui a fait savoir qu’à peine l’année scolaire entamée, en octobre dernier, elle a été brutalement frappée par une série de grèves qui se sont suivies, entrainant des arrêts forcés de cours dans presque tout le pays.
« Déjà les enseignants grévistes sont à leur 5eme préavis de grève, pour un paquet revendicatif en dix points au total, sur lesquels sept points d’accord ont été obtenus avec un point d’accord partiel, contre trois points de désaccord. Les trois points de désaccord sont : la prime de logement ; la relecture du décret N° 529 PRM du 21 juin 2013, portant allocation d’indemnités au personnel chargé des examens et contours professionnels en ses articles 1, 2 et 3 ; l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales aux services centraux de l’état dans le domaine de l’éducation », a-t-il dit. Il sera suivi de l’honorableAicha Belco Maïga du même groupe qui a indiqué que l’année académique est prise en otage par d’incessantes grèves depuis le début de l’année scolaire. A l’en croire, l’année scolaire risque de se solder par une année blanche ou une année scolaire bâclée, pendant laquelle les élèves n’auront reçu aucun enseignement de qualité.
« Et pourtant, tout enfant a droit à une éducation et c’est plus qu’un devoir pour l’État de le lui garantir. Sauf qu’au Mali ce droit semble être réservé uniquement aux enfants dont les géniteurs sont capables de supporter les frais d’une éducation dans le privé », a-t-elle dit.Elle a déploré le fait que le salaire des enseignants fut retenu par le ministre de l’économie. «Votre décision est injuste, car nous avons assisté à la grève des magistrats, des médecins, mais leurs salaires n’ont pas fait l’objet de rétention. La mesure du deux poids, deux mesures n’est pas de nature à calmer la situation », a-t-elle précisé.
Elle a voulu savoir les mesures envisagées par le gouvernement pour sortir l’école malienne de ce bourbier et faire en sorte qu’il n’y ait pas une année blanche au Mali. Enfin, elle en appelle au sens de responsabilité de tous les acteurs de cette crise pour sauver l’école malienne : Gouvernement, Syndicats d’enseignants, Parents d’élèves, Elèves et Etudiants. L’honorable Fatoumata Niambaly pose la question de savoir si l’année scolaire pourra être sauvée ? Et qu’est ce que le gouvernement est en train de faire pour éviter le pire ?Pour l’honorable Moussa Diarra, l’école malienne va très mal et il faut un diagnostic sans complaisance pour trouver une solution idoine.
L’honorable Mamadou Diarrassouba du RPM a invité le gouvernement à trouver une solution à la crise scolaire. Selon lui, si le mois d’avril n’est pas rattrapé, l’année blanche est inévitable. Quant au deuxième questeur de l’Assemblée nationale, l’honorable, Belco Bah du groupe APM, les parents d’élèves souffrent. Selon lui, les grèves répétitives seraient dues aux engagements non tenus par le gouvernement. A ses dires, si des faveurs ont été faites aux magistrats pourquoi ne pas le faire aux enseignants. Me Zoumana N’Tji Doumbia a invité le gouvernement de revoir sa copie en donnant le salaire des enseignants. « Pourquoi le dialogue social peine à démarrer ? Qu’allez-vous faire pour sauver l’année scolaire », s’interroge-t-il. Pour sa part, l’honorable Bakary woyo Doumbia du groupe VRD (Vigilance Républicaine démocratique), l’école malienne est malade de sa gouvernance et du manque d’esprit d’anticipation et de réaction des autorités en charge. «Les syndicats d’enseignants après maints préavis de grève d’avertissement, après maintes promesses non tenues du gouvernement, de guerre lasse ont fini par en venir aux moyens extrêmes. Aujourd’hui en avril 2019, nous sommes de plus en plus proches de l’année blanche tant redoutée. Comme dans tous les autres domaines, de la sécurité, de la santé, de l’économie, là aussi vous avez lamentablement échoué et devez en tirer toutes les conséquences. Une année blanche, il faut 10 ans pour la rattraper ! Quel désastre en perspective pour nos enfants, pour notre école, pour notre pays ! », a-t-il déclaré. L’honorable Kalilou Ouattara du groupe Adp-Maliba/SADI a exprimé son indignation face à la situation de crise scolaire. « Je suis le produit de l’école malienne. Les étudiants maliens étaient la référence. Je suis indigné de voir aujourd’hui que nous sommes dans cette situation. Vous êtes ministres, c’est des enseignants qui vous ont formé. Je ne comprends pas, parce que vous êtes devenus des ministres, vous êtes devenus des extraterrestres, c’est comme si vous n’êtes même plus de la société. L’argent que vous gérez n’est pas pour vous, donc arrêtons ça. L’éducation, c’est la base de tout développement. Même si vous devez annuler certains de vos problèmes pour financer ce que les enseignants demandent, c’est ce que vous devez faire. Vraiment arrêtons ça. Peut être que vos enfants ne sont pas à l’école malienne, mais, nous, on a souci de nos enfants », a-t-il martelé. Selon lui, l’Assemblée doit mettre en demeure le gouvernement de résoudre ce problème d’ici deux ou trois jours et que ça s’arrête et que les enseignants reprennent leur travail. « Le Mali appartient à nous tous et l’argent du Mali appartient à nous tous et ça doit être utilisé pour les priorités et la première priorité d’un pays, c’est l’éducation. Même si on doit tout arrêter, l’éducation ne doit pas s’arrêter », a-t-il conclu.
L’incidence financière des revendications s’élèverait à 50 milliard de FCFA
Aux dires de l’honorable Oumar Mariko, le gouvernement doit tirer sa révérence pour être incapable de gérer l’école et la sécurité. L’honorable, Adama Paul Damango a signalé que l’année scolaire est menacée et il faut la sauver. Il a précisé que l’incidence financière des revendications des enseignants ne peut pas aller au delà de 50 milliards de FCFA. L’honorable Djepkilé a voulu savoir quand est ce que l’intégration des enseignants des écoles communautaires à la fonction publique des collectivités territoriales sera effectuée. Répondant aux questions des députés, le ministre de l’éducation nationale, Pr Abinou Témé a précisé qu’il a eu des rencontres avec les parents d’élèves, les notabilités, Amsuneem, des députés, l’AEEM, les syndicats. A l’en croire, les familles fondatrices de Bamako se sont impliquées pour trouver une solution entre le gouvernement et les syndicats mais sans issue. Il reconnait qu’il sied de mettre les enseignants dans les conditions pour leur permettre de faire un travail scientifique. Selon lui, le gouvernement ne fera pas de promesse qu’il ne pourra pas tenir. Il a mis l’accent sur les points de désaccord. A l’en croire, il y a 63 090 enseignants au Mali. Selon lui, l’intégration à la fonction publique des collectivités territoriales se fait annuellement. Pour preuve, dit-il, 400 enseignants ont été intégrés cette année. « Nous avons une stratégie de sauvetage de l’année. Nous allons voir comment faire des cours de remédiassions, comment faire en sorte que les enfants puisse aller à l’école, le samedi inclus pour faire une sorte de cour intensive et empiéter sur les vacances et la condition sine qua non c’est une entente entre le gouvernement et le syndicat », a-t-il conclu. Quant au ministre de l’économie et des finances, Dr Boubou Cissé, le secteur de l’éducation représente 15% du budget d’Etat. En 2018, dit-il, le budget de l’éducation s’élevait à 300 milliard de FCFA, en 2019, il est à 350 milliard de FCFA. Ases dires, le secteur de l’éducation occupe une priorité et représente 33% des dépenses courantes du gouvernement. Pour lui, ce n’est pas en augmentant les primes et indemnités qu’on arrivera à résoudre le problème. Selon lui, les moyens transférés à l’éducation ne sont pas transformés en des résultats d’apprentissage. Il a indiqué que l’enseignant malien est parmi les mieux payés. Mais, dit-il, les ressources sont limitées face à des besoins illimités. « Si on répond à ce qu’on demande aujourd’hui, on ne pourra pas payer le salaire de l’ensemble des fonctionnaires », a-t-il dit. Et d’ajouter que la revendication des syndicats n’est pas budgétairement soutenable. Il a précisé qu’il y a eu des retenues sur les salaires des enseignants et que si les allocations sont touchées, elles seront remboursées. Il a souligné que le salaire des magistrats a été remboursé partiellement parce qu’ils ont accepté de reprendre le travail. A cet effet, il invite les enseignants à reprendre le travail. Pour Mme le ministre Raky Talla, son département a enregistré 6 préavis de grève et les 5 derniers préavis de grève ont causé 46 jours ouvrables d’arrêts de travail. A ses dires, une commission de conciliation a été mise en place et il y a eu 6 points d’accord, 1 point d’accord partiel et 3 points de désaccord. « La politique de tout ou rien n’est pas bonne en démocratie. L’école a été la préoccupation du peuple malien. L’éducation a été toujours au cœur des politiques de chaque gouvernement. Les trois points de désaccord ont fait l’objet de proposition qui n’a pas été acceptée par le syndicat », a-t-elle déplorée. Pour des raisons budgétaires, dit-elle, le gouvernement ne peut pas céder les primes de logement. A l’en croire, la conférence sociale aura lieu mais il faut l’inclusion et l’accalmie. Enfin, elle dira qu’il y a eu 63 préavis de grève en 2015 ; 73 en 2016 ; 81 en 2017 et 84 en 2018.
Aguibou Sogodogo
Source: Lerepublicainmali