Telle est l’une des questions posées par le confrère de la Radio Rampart à son invité Djibril Traoré, Journaliste Sportif à l’ORTM et présent aujourd’hui dans les instances internationales de football, notamment la CAF et la FIFA. Sans langue de bois, il a tiré à boulet rouge sur les supporters, les dirigeants des clubs et la Fédération Malienne de Football. En somme, il donne des pistes à chaque partie pour permettre à notre football d’émerger et d’entrer dans la phase des poules de la ligue des champions.
Pour moi, dit d’entrée Traoré, il y a certaines choses qui nous empêchent de rentrer. La première est que tant que la Fédération Malienne de Football ne prenne pas la décision pour que nos équipes soient professionnelles, pour nous faire entrer dans le professionnalisme, il sera difficile pour nous d’y entrer. Parce que, répond le chroniqueur sportif, ce qu’on appelle contrat entre joueur et club au Mali, n’est pas un vrai contrat. « C’est un petit arrangement. Avec ce bout de papier, dit-il, tu ne peux empêcher aucun joueur d’aller ailleurs monnayer son talent. Si le joueur signe ce papier pour une année, s’il veut même en six mois, si un autre club le voit, il va partir. Parce que ça ne représente pas grand-chose. Il ne peut pas être empêché. Mais si le joueur est un joueur professionnel, c’est un contrat professionnel qui va le gérer. Si le club signe un contrat de 3 ou 4 ans avec lui, le joueur ne peut s’en aller tant qu’il n’est pas autorisé à partir. Alors que quand nos joueurs font un ou deux bons matchs, ils viennent l’acheter. Le club ne peut pas l’empêcher. Et celui qui ne peut conserver ses joueurs en 2 ou 3 ans, pour que tu rentres dans la champions League, a un gros problème », a fait savoir Djribril.
Deuxièmement, ajoute Traoré, le socle d’un club reste ses supporters. Mais il se trouve que les supporters des clubs maliens, au lieu de faire vivre le club, vivent de leurs clubs. « Quand tu dis chaque fois la vérité dans le football malien, on t’insulte. Au Mali, aucun club populaire ne peut faire 10000 supporters et qui peuvent tous donner pas an, 10000 FCFA au club pour l’aider. C’est au Mali qu’on voit que les loyers des supporters sont payés par des dirigeants des clubs. Si les supporters sont organisés, c’est à eux que l’équipe appartient. Tout le monde s’accroche à l’Etat pour l’aider alors que l’Etat aussi à ses soucis. Si tu aimes ton club, si tu es un supporter, un dirigeant, tu dois injecter dans le club pour ton amour envers lui et non le contraire. Mais au Mali, les dirigeants courent partout. Le peu qu’ils trouvent, ils ajoutent cela à ce qu’ils ont. Avec tous ces stress, comment est-ce que tu peux aller jouer et gagner. Tu ne sais même pas si tu iras ou pas », a souligné l’analyste Djibril.
Troisième problème, poursuit Traoré, les clubs maliens ne sont pas structurés. Il faut obligatoirement structurer les clubs, mettre chacun à la place qu’il mérite pour lui permettre de jouer convenablement son rôle. Le temps qu’on passe dans les bagarres, soutient-il, les querelles inutiles dans le football, si on consacre cela dans le travail pour structurer le club, cela pourra lui permettre d’aller de l’avant. « On se précipite à vendre nos joueurs. Mais si tu parviens à conserver tes joueurs et renter dans la ligue des champions, l’argent que la ligue des champions va te donner est plus important que l’argent de la vente de plusieurs joueurs. Toi tu les vends entre 20 à 30 millions de FCFA. Mais quand tu rentres dans la ligue des champions, tu as au moins 300 millions de FCFA. Pourquoi ne pas les garder pour rentrer dans la ligue des champions ? Et puis, il y a quel club malien qui a des installations dignes de ce nom ? Il n’y en a pas. Le Djoliba, le Stade, le Réal ont des terrains sur lesquels ils se débrouillent, mais n’ont pas d’installations fiables. Moi, j’ai été, je suis instructeur CAF/FIFA sur le plan infrastructure. Ce ne sont pas des infrastructures qu’ils ont. Même les infrastructures de l’Etat ont des problèmes. Même le 26 Mars de Yirimadio a été homologué sous réserve. Son gazon n’est pas bon », prévient l’analyste Traoré.
Tant que la majeure partie de ces problèmes n’est pas résolue, insiste Djibril Traoré, il sera très difficile pour nous de rentrer en Ligue des champions. « Ce n’est pas une question de Dieu. Depuis 1997, on ne parvient pas à renter dans la phase de groupe de la ligue des champions d’Afrique. Tous les autres sont rentrés, nous on ne parvient pas à rentrer. Pour quelle raison ? Nous devons nous interroger. Le peu d’argent qu’on trouve dans la vente des joueurs, les dirigeants amènent leurs factures et exigent de rembourser leurs argents. Cet argent ne rentre plus dans l’organisation du club, mais dans la poche des dirigeants qui ont réclamé leurs créances. Cela est la faute des supporters. Ces derniers doivent s’organiser, cotiser pour ne pas être endettés par l’argent des dirigeants. Mais tant que cette pratique continuera, on ne s’en sortira jamais», dit-il.
Et d’ajouter avec déception : «Nous ne faisons que quereller chaque jour. C’est nous qui sommes devant le TAS chaque jour. La Fédération est chaque jour en tiraillement avec les gens. L’énergie qu’on déploie dans ces conflits n’est pas injectée dans le travail. Et vous voulez aller de l’avant. Comment pouvez-vous allez de l’avant dans cette situation? Quand vous élevez deux ou trois talents, du coup, l’équipe les vend. Et l’équipe qui les achète vient vous battre, vous empêche de rentrer et s’empare des 300 millions de FCFA. Je me demande pourquoi nos dirigeants ne voient pas cela?», s’interroge Traoré.
« Il faut que les supporters s’organisent pour prendre les clubs en main, dire que ce sont eux qui sont propriétaires des clubs, qu’ils fassent ce qu’ils veulent des clubs. Mais ils ne peuvent pas exiger cela, ne peuvent pas imposer cela, tant qu’ils ne cotisent pas, s’acquittent pas de leurs obligations vis-à-vis du club. Sans cela, ça ne marchera jamais pour nous. Même si nous rentrons dans la ligue des champions, si les supporters ne sont pas maîtres de leurs clubs, nous n’irons nulle part. Je le dis et j’insiste là-dessus. Le football n’est pas un mal de ventre, c’est un mal d’yeux. Tant que ceux qui connaissent le football ne sont pas dirigeants, ou conseillers, il sera très difficile pour que notre football aille de l’avant. Tant que tu ne travailles pas, tu ne peux rentrer dans la ligue des champions africaine. Et on se lève à chaque fois que ce sont les arbitres qui nous trichent. Le Réal de Bamako a joué ici et gagné largement 3 buts 0. Au retour, il a été battu par 1 but à 0. Mais l’équipe s’est qualifiée. Il faut jouer seulement. Que les supporters s’organisent, acceptent malgré les difficultés de contribuer pour le club, seule solution d’empêcher les dirigeants à s’accaparer les ressources du club, à prendre le club en otage. Le socle des clubs comme le Real de Madrid, le Barça, ce ne sont pas les dirigeants, mais les supporters. C’est pourquoi ce sont eux qui décident qui sera président ou pas», a-t-l conclu.
Hadama. B FOFANA