« Présumé coupable : ma part de vérité »du Général Yamoussa Camara : Le livre qui accuse « l’appareil d’État » sous IBK

0
23
Yamoussa Camara
Yamoussa Camara

Le  dimanche 18 avril 2021, le général Yamoussa Camara  était l’invité de l’émission sincéromètre  sur la chaîne Africable Télévision.  Il s’est prononcé  sur son livre «Présumé  coupable : Ma part de vérité », paru aux éditions Fuguira, jeune maison d’édition. Les animateurs, Robert Dissa et son confrère, ont  interrogé l’auteur sur les trois grandes parties du livre qui, dès sa parution, a  suscité de l’intérêt. Car au bout de quelques jours seulement, le livre est en rupture de stock. Dans la première partie du livre, il est question de l’éducation et le comportement digne du malinké  qui  ne saurait se démarquer  de la voie tracée par son lignage. La deuxième partie met à nu la démarche calamiteuse d’une justice fruiteuse et caporalisée, instrumentalisée  par  un expert  manipulateur doublé d’un larbin, l’incapacité maladive des institutions de la République à assumer leurs  attributions constitutionnelles et à débusquer  les  vrais complices  de cette affaire  dite des « Bérets rouges ». La dernière partie lève  le voile sur les causes multiples de la déconfiture  de l’outil de défense et donne les voies et moyens qui lui permettraient de sortir  de l’abîme.

Interrogé sur toutes les raisons qui ont motivé  la publication de cet ouvrage, général Yaoussa Camara, bien que n’ayant pas été destiné à l’écriture, a affirmé qu’il lui était d’une nécessité urgente d’écrire ce livre. Selon lui, il a été accusé de tous les péchés d’Israël. « Je remercie Dieu de m’avoir montré ce jour  qui me permettra finalement  de délivrer ma part de  vérité  de l’histoire tumultueuse de notre Mali. Je ne suis pas un homme de plume. Mais j’étais dans l’obligation d’écrire quelque chose, parce que c’était la seule alternative pour moi, de faire part de ma part de vérité », a-t-il dit.  Avant d’ajouter : « Croyez-moi, j’ai souffert le martyr pour une cause inconnue.  Dans nos pays quand on détient le pouvoir, on a tous les pouvoirs. C’est pourquoi  j’ai appelé ça la « verticale du pouvoir ». Je  me demande  si le législateur malien a été bien  inspiré en créant un troisième pouvoir  qu’il a appelé le « pouvoir judicaire ».  A ses dires, le pouvoir  judiciaire est  toujours à la traine de l’exécutif qui se joue de lui comme une sorte de variable d’ajustement politico-judiciaire. « Dans l’armée, comme en politique d’ailleurs, j’aurais appris que  l’inattendu est le plus certain. Je ne m’étais jamais imaginé que j’allais me trouver devant une telle situation. Puisque toutes les voies étaient fermées. C’est  comme si  j’étais dans un puit, je criais de toutes mes forces, personne ne m’aurait entendu ; de  toute les  façons personne ne  m’aurait cru. Parce que le  communiqué du gouvernement avait  réussi à installer  dans  les esprits la conviction de ma culpabilité », a fait savoir Yamoussa.

A  la réponse à la question pourquoi  publier maintenant ce livre, le général Yamoussa Camara a affirmé qu’il ne pouvait pas être jugé. Pour lui, il lui était difficile de se prononcer parce qu’il était en activité. « Je me suis abstenu, parce que j’avais placé tout mon  espoir  dans la justice du Mali », a-t-il ajouté. Yamoussa Camara  s’est dit surpris  du succès inattendu du livre.  « Je  voudrais  seulement  communiquer  et non  avoir un succès, donner  l’information  que  je n’ai pas  eu la chance de donner  devant  le tribunal », a-t-il fait savoir. Pour lui, les Maliens sont convaincus qu’il est complice dans cette affaire. Avec cette publication, dit-il, je serai blanchi aux yeux des Maliens.

L’auteur a évoqué les  problèmes  entre les différents corps concernant les primes. A l’en croire, l’armée, dans un Etat de droit, est aux ordres du pouvoir politique qui décide de ce qui convient de faire pour mettre les militaires dans les mêmes conditions en fonction des possibilités de l’Etat et de la spécificité de certaines missions. A défaut de ce traitement égal, des frustrations se créent chez certains, ce qui aboutit à des altercation entre les corps, comme a été le cas entre le régiment para et les militaires de Kati lors d’un match de ballon militaire. « C’est  pour cette raison, quand il y a eu le changement, Haya  a fait en sorte que  les primes soient  harmonisées  pour  que personne ne se sente lésé.  Quand  il y a eu les  augmentations, certains corps n’ont pas compris cela aussi.  C’est la démarche pédagogique qui a manqué, il fallait bien expliquer la spécificité et les contraintes du régiment et de la garde présidentielle qui font qu’ils ont droit à certaines primes à l’exclusion de tous les autres », a souligné Yamoussa Camara.

On  peut  retenir  que  l’affaire  des «bérets rouges»  est partie  avec le contre coup  d’Etat du 30 avril 2012 quand  vous étiez  chef d’Etat major général de la garde nationale. Quand est-ce que  vous-même, avez  appris  l’assassinat des 21 bérets rouges  et qu’avez-vous fait ? A cette question posée par le journaliste,  Yamoussa Camara a indiqué qu’il ne l’avait pas appris, à  part des rumeurs. A ces dires, l’assassinat des  bérets rouges est resté  une  affaire très  secrète. Ceux qui  l’on fait, ajoute-t-il, avaient juré  de tuer le premier  qui vendra la mèche.

A  partir  donc  de quel moment précis, vous avez entendu parler de cette affaire ? ajoute  le journaliste.  «C’était  après l’avènement  du régime d’IBK. Il y  a eu  des frictions. Dieu  seul sait  comment  c’est  venu. Certainement Boubèye encore qui était à la manœuvre avec sa fameuse technique de diviser pour  régner. Donc, finalement, les gens se sont trahis, et c’est comme ça que l’affaire a ébruité. Moi je n’étais même pas là. J’étais au Maroc. Je l’ai appris comme ça », appuie l’auteur du livre.

L’invité du jour est revenu sur sa relation tendue avec Soumelyou Boubèye Maïga qui, selon lui, est au centre de la cabale. A l’en croire, ce dernier n’a pas apprécié le fait d’être contredit devant le président de la République à l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta. Il a ajouté qu’il était la personne la mieux placée pour parler des questions de défense et de sécurité, mais il y avait des imposteurs qui voulaient se venger de lui et qui ont fini par ourdir un complot qui l’ a amené en prison.  «Comme on  le dit, au pays  des compas  et des équerres, il faut soi-même  être un maestro. Moi je n’ai pas su l’être. Mais j’ai pesé  et soupesé mes mots. Quand je parle  d’imposteurs, je parle de mystificateurs. Au cours  de mes  différentes fonctions, j’ai peut-être, volontairement ou involontairement,  heurté la sensibilité de certains qui ont une rancune sur le cœur et qui m’en voulaient », a clamé l’auteur de Présumé coupable : Ma part de vérité.

Aux  questions si  Yamoussa camara  est  sûr  de tout ce qu’il avance dans  ce livre et pourquoi ne porte-t-il pas plainte, il a dit qu’il ne portera pas plainte contre l’appareil d’Etat, car cela ne mènera à rien. A ses dires, le comportement d’un agent de l’Etat est considéré comme un fait de l’Etat même s’il a outrepassé ses compétences. «J’ai posé  des  accusations  très graves  et vérifiables. Si je n’étais pas  sûr de ce que je  dis, pourquoi je veux le dire. Au cours d’un  de vos  débats, j’ai entendu  un camarade dire sur  votre plateau  qu’IBK est un démocrate. Le lendemain  j’ai réagi  qu’IBK n’est pas  un démocrate, car  on ne peut pas être un démocrate  et violer  la constitution.  IBK avait tous les pouvoirs, mais il n’a pas réagi. Quand  j’ai dit que les  gens  qui sont à Kati ont  continué  à prendre le droit des hommes et  le mettre dans leurs grandes  poches, pourquoi  ils n’ont pas réagi ?  C’est  très  grave ça. Mais on ne  peut pas nier l’évidence. Il n’y aura pas une autre part de vérité. On ne peut pas ajouter   de la vérité à ce qui est vrai, ni en donner à ce qui est faux», a déclaré avec assurance,  Yamoussa.

Sur  la vacuité  de nos institutions, le général Yamoussa  Camara a été clair.  « Il faut que les gens  sachent que ma mise sous mandat de dépôt avait été décidée en amont. Il fallait simplement trouver quelqu’un pour mettre le vernis juridique. Et c’est pour cette raison qu’on a osé  violer la constitution », a-t-il précisé. A l’en croire, cette constitution a d’abord été violée par le gouvernement qui est chargé de l’exécution des lois, ensuite, la cour Constitutionnelle qui est  le garant  du fonctionnement régulier  des institutions et des pouvoirs publics, en plus, les ministres qui ne cherchent qu’à conserver leurs places et à bénéficier des avantages du pouvoirs. En outre, L’assemblée nationale qui est la seule compétente à traduire  ministres et président devant la haute cour de justice pour des infractions commises dans l’exercice de leurs  fonctions a violé aussi la constitution. Enfin, la Cour Suprême, la plus haute juridiction du pouvoir judiciaire, qui a un rôle de régulation par le droit, n’a rien fait.

Il dira plus loin que la gendarmerie est une force de police à statut militaire, elle est administrée par le ministère de la défense, mise à la disposition du ministre de la sécurité pour  emploi. Les effectifs, selon lui,  sont gérés chaque jour  au niveau de toutes les unités, ainsi que la  situation des primes . « Ce sont ces  détails qui ont fini par manger l’expert Boubèye et les juges qui n’avaient aucune culture militaire », conclut-il.

H.B. Fofana

Source : Le Républicain

Laisser votre commentaire