Le dimanche 18 avril 2021, le général Yamoussa Camara était l’invité de l’émission sincéromètre sur la chaîne Africable Télévision. Il s’est prononcé sur son livre «Présumé coupable : Ma part de vérité », paru aux éditions Fuguira, jeune maison d’édition. Les animateurs, Robert Dissa et son confrère, ont interrogé l’auteur sur les trois grandes parties du livre qui, dès sa parution, a suscité de l’intérêt. Car au bout de quelques jours seulement, le livre est en rupture de stock. Dans la première partie du livre, il est question de l’éducation et le comportement digne du malinké qui ne saurait se démarquer de la voie tracée par son lignage. La deuxième partie met à nu la démarche calamiteuse d’une justice fruiteuse et caporalisée, instrumentalisée par un expert manipulateur doublé d’un larbin, l’incapacité maladive des institutions de la République à assumer leurs attributions constitutionnelles et à débusquer les vrais complices de cette affaire dite des « Bérets rouges ». La dernière partie lève le voile sur les causes multiples de la déconfiture de l’outil de défense et donne les voies et moyens qui lui permettraient de sortir de l’abîme.
Interrogé sur toutes les raisons qui ont motivé la publication de cet ouvrage, général Yaoussa Camara, bien que n’ayant pas été destiné à l’écriture, a affirmé qu’il lui était d’une nécessité urgente d’écrire ce livre. Selon lui, il a été accusé de tous les péchés d’Israël. « Je remercie Dieu de m’avoir montré ce jour qui me permettra finalement de délivrer ma part de vérité de l’histoire tumultueuse de notre Mali. Je ne suis pas un homme de plume. Mais j’étais dans l’obligation d’écrire quelque chose, parce que c’était la seule alternative pour moi, de faire part de ma part de vérité », a-t-il dit. Avant d’ajouter : « Croyez-moi, j’ai souffert le martyr pour une cause inconnue. Dans nos pays quand on détient le pouvoir, on a tous les pouvoirs. C’est pourquoi j’ai appelé ça la « verticale du pouvoir ». Je me demande si le législateur malien a été bien inspiré en créant un troisième pouvoir qu’il a appelé le « pouvoir judicaire ». A ses dires, le pouvoir judiciaire est toujours à la traine de l’exécutif qui se joue de lui comme une sorte de variable d’ajustement politico-judiciaire. « Dans l’armée, comme en politique d’ailleurs, j’aurais appris que l’inattendu est le plus certain. Je ne m’étais jamais imaginé que j’allais me trouver devant une telle situation. Puisque toutes les voies étaient fermées. C’est comme si j’étais dans un puit, je criais de toutes mes forces, personne ne m’aurait entendu ; de toute les façons personne ne m’aurait cru. Parce que le communiqué du gouvernement avait réussi à installer dans les esprits la conviction de ma culpabilité », a fait savoir Yamoussa.
A la réponse à la question pourquoi publier maintenant ce livre, le général Yamoussa Camara a affirmé qu’il ne pouvait pas être jugé. Pour lui, il lui était difficile de se prononcer parce qu’il était en activité. « Je me suis abstenu, parce que j’avais placé tout mon espoir dans la justice du Mali », a-t-il ajouté. Yamoussa Camara s’est dit surpris du succès inattendu du livre. « Je voudrais seulement communiquer et non avoir un succès, donner l’information que je n’ai pas eu la chance de donner devant le tribunal », a-t-il fait savoir. Pour lui, les Maliens sont convaincus qu’il est complice dans cette affaire. Avec cette publication, dit-il, je serai blanchi aux yeux des Maliens.
L’auteur a évoqué les problèmes entre les différents corps concernant les primes. A l’en croire, l’armée, dans un Etat de droit, est aux ordres du pouvoir politique qui décide de ce qui convient de faire pour mettre les militaires dans les mêmes conditions en fonction des possibilités de l’Etat et de la spécificité de certaines missions. A défaut de ce traitement égal, des frustrations se créent chez certains, ce qui aboutit à des altercation entre les corps, comme a été le cas entre le régiment para et les militaires de Kati lors d’un match de ballon militaire. « C’est pour cette raison, quand il y a eu le changement, Haya a fait en sorte que les primes soient harmonisées pour que personne ne se sente lésé. Quand il y a eu les augmentations, certains corps n’ont pas compris cela aussi. C’est la démarche pédagogique qui a manqué, il fallait bien expliquer la spécificité et les contraintes du régiment et de la garde présidentielle qui font qu’ils ont droit à certaines primes à l’exclusion de tous les autres », a souligné Yamoussa Camara.
On peut retenir que l’affaire des «bérets rouges» est partie avec le contre coup d’Etat du 30 avril 2012 quand vous étiez chef d’Etat major général de la garde nationale. Quand est-ce que vous-même, avez appris l’assassinat des 21 bérets rouges et qu’avez-vous fait ? A cette question posée par le journaliste, Yamoussa Camara a indiqué qu’il ne l’avait pas appris, à part des rumeurs. A ces dires, l’assassinat des bérets rouges est resté une affaire très secrète. Ceux qui l’on fait, ajoute-t-il, avaient juré de tuer le premier qui vendra la mèche.
A partir donc de quel moment précis, vous avez entendu parler de cette affaire ? ajoute le journaliste. «C’était après l’avènement du régime d’IBK. Il y a eu des frictions. Dieu seul sait comment c’est venu. Certainement Boubèye encore qui était à la manœuvre avec sa fameuse technique de diviser pour régner. Donc, finalement, les gens se sont trahis, et c’est comme ça que l’affaire a ébruité. Moi je n’étais même pas là. J’étais au Maroc. Je l’ai appris comme ça », appuie l’auteur du livre.
L’invité du jour est revenu sur sa relation tendue avec Soumelyou Boubèye Maïga qui, selon lui, est au centre de la cabale. A l’en croire, ce dernier n’a pas apprécié le fait d’être contredit devant le président de la République à l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta. Il a ajouté qu’il était la personne la mieux placée pour parler des questions de défense et de sécurité, mais il y avait des imposteurs qui voulaient se venger de lui et qui ont fini par ourdir un complot qui l’ a amené en prison. «Comme on le dit, au pays des compas et des équerres, il faut soi-même être un maestro. Moi je n’ai pas su l’être. Mais j’ai pesé et soupesé mes mots. Quand je parle d’imposteurs, je parle de mystificateurs. Au cours de mes différentes fonctions, j’ai peut-être, volontairement ou involontairement, heurté la sensibilité de certains qui ont une rancune sur le cœur et qui m’en voulaient », a clamé l’auteur de Présumé coupable : Ma part de vérité.
Aux questions si Yamoussa camara est sûr de tout ce qu’il avance dans ce livre et pourquoi ne porte-t-il pas plainte, il a dit qu’il ne portera pas plainte contre l’appareil d’Etat, car cela ne mènera à rien. A ses dires, le comportement d’un agent de l’Etat est considéré comme un fait de l’Etat même s’il a outrepassé ses compétences. «J’ai posé des accusations très graves et vérifiables. Si je n’étais pas sûr de ce que je dis, pourquoi je veux le dire. Au cours d’un de vos débats, j’ai entendu un camarade dire sur votre plateau qu’IBK est un démocrate. Le lendemain j’ai réagi qu’IBK n’est pas un démocrate, car on ne peut pas être un démocrate et violer la constitution. IBK avait tous les pouvoirs, mais il n’a pas réagi. Quand j’ai dit que les gens qui sont à Kati ont continué à prendre le droit des hommes et le mettre dans leurs grandes poches, pourquoi ils n’ont pas réagi ? C’est très grave ça. Mais on ne peut pas nier l’évidence. Il n’y aura pas une autre part de vérité. On ne peut pas ajouter de la vérité à ce qui est vrai, ni en donner à ce qui est faux», a déclaré avec assurance, Yamoussa.
Sur la vacuité de nos institutions, le général Yamoussa Camara a été clair. « Il faut que les gens sachent que ma mise sous mandat de dépôt avait été décidée en amont. Il fallait simplement trouver quelqu’un pour mettre le vernis juridique. Et c’est pour cette raison qu’on a osé violer la constitution », a-t-il précisé. A l’en croire, cette constitution a d’abord été violée par le gouvernement qui est chargé de l’exécution des lois, ensuite, la cour Constitutionnelle qui est le garant du fonctionnement régulier des institutions et des pouvoirs publics, en plus, les ministres qui ne cherchent qu’à conserver leurs places et à bénéficier des avantages du pouvoirs. En outre, L’assemblée nationale qui est la seule compétente à traduire ministres et président devant la haute cour de justice pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions a violé aussi la constitution. Enfin, la Cour Suprême, la plus haute juridiction du pouvoir judiciaire, qui a un rôle de régulation par le droit, n’a rien fait.
Il dira plus loin que la gendarmerie est une force de police à statut militaire, elle est administrée par le ministère de la défense, mise à la disposition du ministre de la sécurité pour emploi. Les effectifs, selon lui, sont gérés chaque jour au niveau de toutes les unités, ainsi que la situation des primes . « Ce sont ces détails qui ont fini par manger l’expert Boubèye et les juges qui n’avaient aucune culture militaire », conclut-il.
H.B. Fofana
Source : Le Républicain