Au vu et au su de tout le monde les points de vente obsolètes de carburant, plus précisément d’essence se multiplient dans la capitale malienne. Face à ce phénomène, on n’assiste à aucune action d’envergure des services compétents, notamment ceux de la Direction Générale de Commerce et de Concurrence (DGCC), des autorités déconcentrées et municipales. Pourtant, cette activité est non seulement illicite mais fait peser des risques énormes sur la sécurité des riverains et des paisibles citoyens.
Quelques bouteilles remplies d’essence, un entonnoir, tous rangés sur un étale en table de bois de fortune, sans crainte ni d’autre formalisme, le nécessaire est acquis pour devenir vendeur de carburant dans la capitale malienne. Ce n’est pas la clientèle qui fera défaut, surtout si le point de vente est stratégique servant sur un trottoir où la circulation des engins à deux roues est dense. En clair, la prolifération des points de vente de carburant à Bamako ne se raconte pas, elle se vit. On peut dénombrer des dizaines sur tout le long des principales artères de la ville. Ce qui est déplorable relève du fait que ces points de vente ne sont règlementés, ni amendés, sinon soumis à des ordres d’interdiction d’aucune structure publique. Partant, ce commerce informel et dangereux est devenu l’activité principale de la majeure partie des jeunes ruraux en exode dans la capitale malienne. Ils ne sont pas seuls, car il y a aussi dans le lot de ces revendeurs obsolètes de nombreux jeunes diplômés sans emploi. Pour ne pas rester à la maison, ces jeunes s’adonnent à cette activité, peu importe les conséquences. C’est le cas d’Amadou Djiré, revendeur d’essence à Ouolofobougou. Il dit avoir recouru à cette activité parce qu’il n’avait pas d’autres alternatives après ses études. Avec cette activité, il parvient à supporter les charges des 15 bouches qu’il nourrit. Selon ses dires, il peut vendre 160 litres d’essence par jour. Lui comme beaucoup d’autres revendeurs s’approvisionnent auprès des stations-services de la place, notamment ‘’Yara-oil ’’, ‘’Mali Sadio’’…
« Nous n’avons pas le droit d’interdire de vendre du carburant aux gens, tous les clients sont traités sur le même pied d’égalité chez nous » nous a lancé le gérant d’une station d’essence.
Cependant, le constat laisse apparaître que certains revendeurs d’essence en bouteille drainent plus de clients que certaines stations services. Parce que le litre est moins cher chez eux que dans les stations. De même, l’attente n’est pas de longue durée, surtout lorsqu’il s’agit d’un engin à deux roues.
A notre présence, une femme est venue s’approvisionner. Nous lui avons demandé les raisons de son choix d’approvisionner chez les revendeurs plutôt que dans les stations services. Pour elle, la raison est toute simple. « Je m’approvisionne auprès des revendeurs parce que c’est moins cher. A la station service, le prix du litre varie de 600 à 650 FCFA alors que le litre ne coûte que 500 F chez le revendeurs », a-t-elle expliqué. Notre interlocutrice ne voit pas aussi de grande différence en termes de qualité. « Je ne pense pas qu’il y ait de mélange, car cela fait des années que le moteur de ma moto est en bon état » dit-elle.
Une activité illicite sur le plan commercial et sécuritaire
Cette situation de laisser-aller semble être la règle au sein du secteur des hydrocarbures de façon générale dans notre pays.
Sous l’anonymat, un responsable de la représentation d’une firme internationale en hydrocarbure, nous a fait savoir que l’illégalité, la concurrence déloyale, la fraude sont monnaie courante sur toute la chaine de l’importation et du commerce de carburant au Mali. « De nombreuses stations d’essence présentes à Bamako, ne sont en règle vis-à-vis d’aucune structure étatique, financière, urbanistique et sécuritaire du pays » a-t-il fait savoir, tout en affirmant que de nombreux revendeurs à la sauvette, deviennent du jour au lendemain des promoteurs de station-service. C’est pourquoi, dira-t-il, la part de marché des vraies firmes de carburant a été considérablement réduite au Mali. D’où la diversification de leurs activités vers l’alimentation ou le money Banking.
Sur la situation des revendeurs obsolètes de carburant qui prospèrent dans la capitale, tous nos interlocuteurs soutiennent qu’il s’agit bien d’une activité illicite. C’est le cas pour le Contrôleur général de la police Adama Coulibaly, non moins Directeur urbain du bon ordre et de la protection de l’environnement de la Mairie du district de Bamako. Selon lui, la revente du carburant au bord des routes est une activité illicite et répressive.
En effet, l’arrêté interministériel 15-60 du 19 mai 1990, en son article 5, « interdit formellement la vente des hydrocarbures dans les bouteilles, dans les bidons et même dans les fûts au bord des routes ». A la lumière des dispositions de cet article, il est clarifié que personne d’autre n’a le droit de vendre le carburant au bord des routes à l’exception des stations-services d’essence. Le même article 5, dispose que les dépôts en vrac de carburants constitués soit par l’emmagasinage des fûts, soit par l’exposition à l’air libre dans des récipients comme des bidons, des bouteilles sont formellement interdits. Le carburant doit être stocké dans des cuves enterrées. Le responsable du service BUPE de la Mairie du District, affirme que sa structure lutte contre cette activité.
« Mon service est chargé de lutter contre ce phénomène, chaque jour l’équipe sort pour refouler ces jeunes, notre grand problème s’explique par le fait que nous n’avons qu’une seule équipe et un seul véhicule, cette équipe ne peut pas couvrir tout Bamako, il peut même faire un an sans passé dans une rue » a-t-il déploré.
Le silence coupable de la Direction Générale du Commerce et de la Concurrence
Face à la revente illicite du carburant au bord des routes, la DGCC garde le silence radio. Elle ne fait rien. Lorsque nous avons tenté de joindre le service pour comprendre ce qu’il a fait contre ce phénomène, son directeur adjoint nous a fait tourner en bourriques pendant plus d’un mois. On a pu obtenir ni de statistiques encore moins des mesures envisagées contre ce phénomène.
C’est généralement après des cas d’incendie (que Dieu nous en épargne) que les mêmes protagonistes s’invitent devant les caméras pour déplorer les conséquences et exprimer des bons vœux de compensions aux victimes.
Pourquoi ce silence complice de la DGCC?
Fatoumata Coulibaly
Source : Le Sursaut