Promenade d’Edouard Philippe à Bamako : Quand la France cherche, désespérément, à redorer son blason au Mali

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Le Premier ministre Edouard Philippe passe en revue les troupes de l'armée française en position à Gao, accompagné de la ministre de la Défense Florence Parly, le 24 février 2019. © AFP/Alain Jocard
Le Premier ministre Edouard Philippe passe en revue les troupes de l'armée française en position à Gao, accompagné de la ministre de la Défense Florence Parly, le 24 février 2019. © AFP/Alain Jocard

Sur invitation du Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maiga, le Premier ministre français, Edouard Philipe a séjourné au Mali du 22 au 24 février. Objectif : redynamiser la coopération bilatérale entre le Mali et la France. Une coopération qui est au point mort ou presque depuis le début de la crise multidimensionnelle au Mali. Dans laquelle crise, la France est, à tort ou à raison, soupçonnée d’être, à la fois, le ‘’pyromane’’ et le ‘’pompier’’.

Depuis la libération dans les conditions confuses  des régions de Gao et de Tombouctou  du joug  jihadiste par les forces armées françaises,  ils sont de plus en plus  nombreux, les Maliens qui ne voient plus d’un bon œil l’intervention militaire de la France au Mali. Cela pour plusieurs raisons.

Selon plusieurs études, la crise  sécuritaire que connait le Mali depuis 2012, tire sa source dans la crise libyenne, laquelle a été planifiée par la France pour détrôner  Mouamar Kadaffi.  En effet, après la chute de  Mouamar Kadaffi, lequel a été assassiné par la France et ses alliés,  les mercenaires recrutés par la France ont pris quartiers dans le nord du Mali avec  des armes de guerre. Soutenus et  chouchoutés par la France, ces hommes armés jusqu’aux dents, créent des mouvements politico-  militaires et réclament l’indépendance d’une partie du Mali qu’ils ont dénommée « Azawad ». Face au niet de Bamako, ces indépendantistes sans foi n’hésitent pas d’ouvrir les hostilités contre l’Etat malien. Toutes choses qui favorisent l’installation des jihadistes et narcotrafiquants qui prendront, par la suite, le  contrôle d’une bonne partie du nord et aujourd’hui du centre du Mali.

Pour de nombreux observateurs, le Mali n’allait pas connaitre cette crise considérée comme la plus grave de son histoire, si la France n’avait pas détruit la Libye. Le voile est presque  levé sur les vraies intentions de la France et ses accointances avec certains groupes armés indépendantistes qu’elle continue de protéger.

Pourquoi, la France a-t- elle intervenu en 2012 pour libérer les régions de Tombouctou et de Gao, sans libérer celle de Kidal ? Pourquoi, l’armée malienne n’a  toujours pas la liberté de mouvement   dans la région de Kidal, laquelle est encore  contrôlée d’un groupuscule ? Il s’agit  là des questions qui taraudent les esprits et auxquelles le Malien lambda cherche  des réponses, sans succès.

Ce qui est sûr, la France, chef d’orchestre de la crise au Mali,  continue d’entretenir le flou et l’inacceptable sur l’affaire de Kidal qui n’est toujours pas dans le giron de l’Etat central. Et cela n’est pas sans conséquence sur les rapports entre le Mali et la France, surtout quand on considère aujourd’hui   le désamour qu’exprime une franche de la population malienne pour la France.

Pour immixtion indécente dans la crise malienne, l’ex- puissance coloniale  est, ces dernières années, perçue comme un ‘’ennemi’’ du Mali, du moins par l’écrasante majorité des populations.  Celles-ci qui ne manquent plus d’occasions pour dénoncer la politique française au Mali et dans ses ex colonies. Mieux, l’exploitation exagérée  de certains états africains  par  la France n-a-t-il pas été  sévèrement critiquée, ces dernières années, par  certains de ses voisins européens.

Face à ces critiques, la France se voit dans l’obligation de redorer son blason auprès de ses colonies dont leur désamour devient, de plus en plus vif, à son égard ?  En tout cas, c’est  sous cet angle que nombre d’observateurs maliens voient  cette visite inattendue au Mali, du Premier ministre français, lequel est arrivée sur la pointe des pieds, avec sous ses bras, plusieurs conventions de financement.

Malgré les moyens médiatiques déployés et malgré la pertinence de la visite au Mali du premier ministre français, cette   visite d’Edouard Philipe à Bamako  est presque passée inaperçue.  Cela prouve évidemment le peu d’intérêt qu’accordent les populations maliennes à la coopération bilatérale entre le Mali et la France.

Rappelons que durant son séjour  au Mali, l’invité de Boubèye et sa délégation ont  visité le chantier de la station  de pompage de Kabala que la France cofinance avec d’autres partenaires et  animée des conférences sur la coopération bilatérale et sur la sécurité. Aussi, le séjour d’Edouard Philipe a été marqué par la signature d’une dizaine de convention de financement de projets dans plusieurs domaines.

Il s’agit, entre autres,  d’une conventions relative à une aide budgétaire  au Mali de 7 milliards CFA et des conventions de financement d’  un projet d’alimentation en eau potable des villes de Koulikoro, Ségou, San, Mopti et Bandiagara pour un cout de 32 milliards CFA ;   d’une centrale solaire à fana d’un montant de 34 milliards CFA et la  construction d’une académie numérique sur les métiers numériques. D’autres accords ont été signés dans les domaines de compétitivité des entreprises et de l’amélioration des finances publiques.

La question sécurité a été largement  abordée. Par rapport  aux défis sécuritaires auxquels le Mali est confronté depuis 2012, les Premiers ministres malien et français ont tenté de rassurer les populations par des doux discours.

Edouard Philipe en parlant de  la lutte contre le terrorisme au Mali, a  indiqué que  son pays est engagé  dans une opération  d’intérêt commun. «Aussi longtemps que le mali le souhaitera, aussi longtemps que nous aurons besoin de lutter  ensemble, nous serons à la disposition et mobilisés pour faire  en sorte que ces accords de paix signé  puissent être mis en œuvre » a a-t-il affirmé.

Soumeylou Boubèye Maiga, a laissé entendre  que la France a joué un rôle capital dans la sauvegarde de l’Etat malien. Avant  d’ajouter que la présence  de la France aux côtés du Mali est une présence  inscrite dans la durée et la permanence, parce que le mali, pense-t-il, fait face  à des menaces qui sont inscrites aussi dans permanence.

Ces belles affirmations et les conventions signées suffiront –ils pour la France de recouvrer l’amour et la confiance des Maliens ? Le temps nous édifiera.

Aboubacar Berthé

SourceLe Serment

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