Alors voici mon point de vue: » La démocratie est un concept qui stipule que la gestion de la chose publique est au peuple qui dispose du droit de décider de l’orientation de son système de gouvernance. En quelques mots, cela signifie que le pouvoir appartient au peuple. Si nous appliquons ce concept au cas Malien, le peule du Mali, dans le système démocratique, disposerait de son système de gouvernance. C’est au peuple Malien de décider des lois d’orientation du pays; C’est au peuple Malien de choisir des dirigeants dignes de le gouverner; C’est au peuple Malien de décider des stratégies pour lutter contre les fléaux tels que la délinquance financière, les tares et échecs de gouvernance, etc. Dans un système démocratique, c’est un honneur de disposer d’un tel droit et c’est davantage un privilège de pouvoir exercer ce droit en toute légalité. Mais le peuple malien, en particulier, et africains, en général, disposent-ils vraiment des moyens d’une autodétermination réelle ? La réponse est nuancée pour certains mais je dirai qu’elle est simple: c’est NON. Je crois que le choix du système démocratique comme système de gouvernance nécessite une préparation du peuple, en amont, à l’exercice du droit qui est le sien. C’est à ce titre que je dirai que la démocratie nous a été imposée par l’Occident sans vraiment tenir compte des dispositions qui sont les nôtres en Afrique. Nombre d’États africains n’étaient pas prêts à endosser le maillot de démocrates car la démocratie appartient à une élite qui voit clair et à un peuple homogène, en pensée, qui sait ce qu’il veut. Chinua Achebe, une figure emblématique de la littérature africaine moderne ne disait-il pas, passez-moi l’expression, ceci: »Une démocratique robuste et fonctionnelle a besoin d’un électorat sain, éduqué et participatif, et d’un leadership éduqué et respectueux de la morale ». Le Mali, à l’instar de certaines nations africaines, ne dispose pas d’une homogénéité de pensée en raison d’un background différent sur nombre de plans: éducation ou capacité d’esprit critique, croyance et religion, mentalité et conception de la chose publique. Je veux dire, en résumé, que nous ne sommes pas prêts pour la démocratie et pas seulement nous, Maliens, mais bon nombre de pays africains car la démocratie suppose un minimum de préparation dont nous ne disposons pas. Je voudrais bien paraphraser cette citation biblique assez célèbre : »Vous connaitrez la vérité et la vérité vous rendra libre » Jn 8; 32. Autant la LIBERTE rime avec le DISCERNEMENT qu’il faut comprendre ici par la clarté de vision, autant la démocratie rime également avec LA CLAIRE VISION, LE SAVOIR et L’ESPRIT CRITIQUE. Un peuple sous instruit et manipulable à volonté ne saurait prétendre à la démocratie. Un peuple dans le besoin, affamé et instrumentalisé ne saurait prétendre à la démocratie. Un peuple résigné et profondément ancré dans ses croyances n’est pas démocratique. L’occident a voulu nous faire croire que la démocratie serait la meilleure gouvernance pour nos peuples mais ils oublient que nous ne sommes que des jeunes nations, pas nécessairement prêtes à s’engager sur le terrain démocratique. Nous n’avons pas le même taux de scolarisation pour permettre une homogénéité d’esprit critique. Les réalités sociologiques et politiques diffèrent d’un continent à l’autre. Nos perceptions du système de gouvernance dit démocratique ne sont pas alignées. Nous n’avons pas, forcément, les mêmes réalités socio-politiques. J’aime, bien souvent, comparer à tort ou à raison, les nations à la vie humaine dans son parcours normal d’évolution. Un homme passe de l’enfance à l’adolescence pour atteindre la vie adulte. Il en va de même pour les Nations. En considérant la date d’indépendance du Mali comme celle de sa fondation, il apparaît clairement qu’il nous faut du chemin, pour mûrir, bâtir une Nation et mettre en place un système de gouvernance accepté de tous car l’échec du système démocratique actuel est cuisant. Nous sommes passés du rôle de donneur de leçons à celui de l’élève médiocre qui a raté tous ses examens. A l’origine, la démocratie se veut un garant de protection des gouvernés contre les dérives de gouvernance des gouvernants. A ce titre, le système de gouvernance démocratique se révèle être le seul moyen politique pour sauver le Mali. Pourtant, malgré la démocratie, le peuple, au Mali, semble moins souverain ! Les dérives autoritaires n’ont pas cessé ! La corruption a franchi des records jamais égalés. Il est alors légitime de se demander quel genre de démocratie permettrait à un peuple souverain de bafouer sa dignité par la vente de son droit de vote? Quelle démocratie permettrait à des dirigeants légalement élus de disposer d’une Nation et de ses biens comme s’ils étaient nés avec? Si demain, par mégarde, vous organisez des élections au Mali ou, ailleurs, en Afrique, des votes seront toujours vendus et vous n’aurez aucune certitude que des dirigeants démocratiquement élus, pardon…, démocratiquement légitimés mais frauduleusement élus car ayant acheté à coup de francs le pouvoir, seront à l’écoute du peuple. Comme pour dire que nous n’avons rien compris au pouvoir qui est donné au citoyen lambda de faire valoir son droit sur le politicien en quête de pouvoir. C’est l’analogie avec citation biblique : Un homme qui se croit libre de faire ce qu’il veut sans vraiment disposer des moyens de sa liberté est un homme qui se trompe lui-même. C’est tout comme un homme qui part d’un point A à un point B avec la possibilité d’emprunter plusieurs chemins. Il se dit libre d’emprunter le chemin A ou B ou C sans savoir que sur le chemin »A » il y a un piège qui l’attend. Son ignorance est donc une entrave à sa liberté de décision car s’il savait que le chemin »A » lui serait défavorable, il aurait emprunté le chemin »B » ou »C ». C’est le cas de la démocratie, il faut un minimum au peuple tel que 50 à 70% de taux d’éducation de la population pour permettre une homogénéité de vision et de décision. En résumé, un travail d’éducation aux valeurs démocratiques s’impose en prélude à l’instauration du système démocratique qui, je le crois, devrait s’inculturer dans chaque peuple. En effet, chaque peuple devrait être capable d’inventer son propre système démocratique c’est-à-dire être capable de mettre en place un système de gouvernance qui protège le gouverné des dérives du pouvoir qui est conféré au gouvernant. Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée ou même d’autres Nations africaines devraient explorer ces sentiers afin de rendre leur système de gouvernance unique, efficace et qui tient compte des aspirations profondes des populations locales.
Bertran Keita
Geologue
