Quelle honte pour les ressortissants Maliens bloqués au Sénégal depuis le début de la crise sanitaire !

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Pour contenir toutes les dimensions de la crise du Covid-19, l'Afrique se doit d'adapter sa stratégie. © JOEL SAGET / AFP
Pour contenir toutes les dimensions de la crise du Covid-19, l'Afrique se doit d'adapter sa stratégie. © JOEL SAGET / AFP

Dis-moi quel est ton sort, je te dirai d’où tu viens ! Tel est le sentiment qui anime plus d’un ressortissant Malien au Sénégal surtout ceux qui ont été ruinés par cette crise sanitaire sans précédent. En effet, cela fait exactement plus de deux mois que l’Etat du Sénégal a fermé ses frontières aériennes et terrestres avec toutes les mesures idoines pour vaincre la pandémie du  coronavirus. Bloquant ainsi,plus de 1500 compatriotes dans ce pays frère et ami dans le cadre de leurs affaires, mais aussi des étudiants Maliens non-boursiers de l’Etat Malien.

Des commerçantes qui viennent  s’approvisionner quotidiennement en marchandises pour 3 ou  4 jours, ont été obligées de prolonger leur séjour pendant plus de 2 mois sans hébergement, sans aides alimentaires, sans soutiens financiers, sans assistance sanitaire et sans soutien moral de la part du gouvernement malien. Certains bienfaiteurs Maliens au Sénégal ont répondu à leur cri de cœur en les  répartissant entre des familles d’accueil , d’autres par des dons en denrées alimentaires pour pouvoir manger une ou deux fois par jour ! Certaines d’entre elles n’arrivent plus à fermer les yeux à cause des soucis familiaux et financiers, séparées des parents, de leurs  maris et de leurs  enfants   déjà  plusieurs  mois,  pour certains de ces braves amazones, le sommeil ne fait plus parti  du quotidien. Certaines ont des bébés, d’autres ont perdu leurs maris depuis des années et nourrissent bravement leurs familles par les bénéfices générés  par  leurs activités. Leurs époux et leurs  enfants ne parviennent pas comprendre pourquoi elles ont passsé  le mois béni de ramadan et la fête d’Aïd El-Fitr dans un autre pays loin de la famille, le hic    ce que   d’autres sont même menacées de divorce en cas de non-retour au Mali dans le plus bref délai !

Des étudiants Maliens non-boursiers dans les universités publiques du Sénégal ont été expulsés des campus suite à la fermeture des écoles et campus. Partant, ils n’ont plus droit  à la pension alimentaire au niveau des cantines universitaires. Ceux-là même qui y vivaient depuis des années se sont retrouvés dans la rue du jour au lendemain sans aucune solution en cette période de crise sanitaire  par les autorités Maliennes au Sénégal. Ils étaient 93 étudiants au total dont 54 à Dakar et 39 à Saint-Louis, 19 parmi eux ont pu regagner notre pays depuis le recensement, certains sont partis dans des familles d’accueil et d’autres ont pris des chambres sur fonds propres. Grâce au leadership féminin de la Présidente de l’Association des Elèves, Etudiants et Stagiaires Maliens au Sénégal (AEESMS) Madame Sira SIDIBE et aux bonnes volontés  Messieurs Vieux KONATE, Mody SECK, Charles DEMBELE et d’ autres mécènes  de la communauté, nous avons pu mettre en place un comité de gestion de la crise sanitaire des étudiants Maliens au Sénégal depuis le jour de l’expulsion pour les loger et les soutenir financièrement pour qu’ils puissent manger afin de voir entre les lignes. Ils mangeaient à la cantine universitaire à 250FCFA par jour répartis comme suit : 50FCFA pour le petit-déjeuner, 100FCFA pour le déjeuner et 100FCFA pour le dîner. Avec la fermeture des campus, la consommation alimentaire des étudiants par jour est devenue six ou huit fois plus chère en fonction des zones et par nourritures. Sans compter les loyers au cas où ils se voyaient obligés d’aller prendre des chambres ou appartements à leurs propres frais.

Le comité a fait une collecte de fonds d’aide auprès des personnes charitables de toutes les couches socioprofessionnelles dans la communauté et a pu rassembler 3.155.000FCFA depuis le jour de l’expulsion jusqu’à aujourd’hui. Heureusement que les 39 étudiants de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ont été hébergés et nourris avec les autres étudiants étrangers de l’université par leurs autorités administratives, et que Monsieur Mody SECK de l’OMVS a mis une villa à la disposition des étudiants de Dakar qui abrite 6 étudiants et le reste vivent entassés dans des chambres. Chaque mois, le comité alloue un soutien financier aux étudiants de Saint-Louis pour subvenir aux petits besoins, assiste financièrement 29 étudiants de Dakar pour la  nourriture. En dépit des ustensiles de cuisine achetés, les produits alimentaires, les médicaments et autres produits de seconde nécessité sans compter les frais de connexion et les frais d’entretien de la villa mise à disposition , il y’a encore des besoins prioritaires . Le comité dépense 758.000FCFA par mois et ne dispose que 523.900FCFA dans sa caisse pour gérer ces nécessiteux jusqu’à la reprise des cours. Une probable reprise qui fut annoncée par les autorités Sénégalaises à partir du mois de Septembre ou d’Octobre en fonction de l’évolution de la situation sanitaire du pays d’accueil. Ces étudiants ne seront-ils pas à un pas de la mendicité dans les rues à partir de la semaine prochaine ? En tout cas, ils attendent impatiemment un fonds d’aide de la part du gouvernement du Mali comme ça été le cas pour les étudiants Maliens vivant en  Chine qui ont désespéramment bénéficié d’une aide de  30 millions de FCFA. Ils se demandent si les étudiants Maliens en Chine valent mieux qu’eux ? Et n’arrivent pas du tout à comprendre comment leurs aînés qui ont étudié dans ce même pays d’excellence et dans les mêmes conditions peuvent ne pas être sensibles à leurs problèmes ? Ceux-là même qui ont été les valeureux cadres du Mali dans toute sa splendeur depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, ces dirigeants qui se trouvent actuellement aux postes de responsabilités au haut sommet de l’Etat ne devaient jamais accepter que la situation de leurs pépites d’or arrive à ce stade honteux. Ici, nous rappelons le parcours honorable du Président de la République du Mali au Sénégal Son Excellence Ibrahim Boubacar KEITA à la prestigieuse Université de Dakar à l’époque, aujourd’hui appelée le Centre des Œuvres Universitaires de Dakar (COUD) ex Université Cheick Anta Diop de Dakar et son parcours brillant au sein de l’association des étudiants Maliens au Sénégal ; le vécu et le parcours de l’actuel Ministre des Maliens de l’Extérieur Son Excellence Amadou KOITA et sa récente rencontre avec la communauté Malienne au Sénégal pour s’imprégner des   nombreux problèmes  que vivent nos compatriotes au  quotidien, une démarche qui s’inscrit dans les traditionnelles démarches de ses prédécesseurs  à ce poste ministériel ; sans oublier les séduisantes rencontres de l’actuel Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale Son Excellence Tiébilé DRAME avec cette même communauté stratégique à l’approche des échéances électorales.

Des vendeurs de bétails bloqués à Kaolack depuis le mois de Mars, une région du Sénégal qui abrite un bon nombre de nos compatriotes dans des secteurs économiques diversifiés. Une habitude pour eux de venir écouler leurs bétails sur le marché Sénégalais à bons prix à l’approche de la fête de Ramadan. Avec la fermeture des frontières terrestres du  pays d’accueil, ils se retrouvent bloqués à Kaolack jusqu’à nouvel ordre  en  attendant l’ouverture des frontières. Vivant avec le reste de leurs bétails dans les différents lieux de vente dans la poussière et dans la bouse des moutons, des cartons entassés les uns sur les autres leurs  servent désormais de  matelas à ciel ouvert, les exposant ainsi à tous les risques imaginables. Dans ces conditions inhumaines, nous nous demandons s’ils ont droit aux conditions d’hygiène primaires à plus forte raison de respecter les gestes barrières qui sauvent en cette période de pandémie où il est fortement conseiller d’éviter les contacts avec les animaux, et les lieux de rassemblement en vue d’éviter les contacts avec les gens. Avec la crise économique qui se dresse derrière cette crise sanitaire, le manque à gagner et les dépenses sont considérables pour ces éleveurs et/ou vendeurs. Leur situation ne leur permettant pas de s’offrir des logements temporaires adéquats avec la restauration qu’il faut, ils ont préféré injecter leurs petites économies dans l’entretien des bétails restants pour limiter les dégâts. Ces vendeurs de bétails exportent dans presque tous les pays voisins du Mali chaque année, ce qui nous a valu la place de premier  producteur de bétails sur pieds  dans la sous-région. Et contribuent considérablement à l’économie Malienne en alimentant toute la chaine de valeur ajoutée  qu’elle crée par les services annexes. Dans de telle situation difficile, ils méritent une aide de la part du gouvernement surtout dans le premier pays de transit qui enregistre plus de 40% de nos exportations et importations par an !

Des restaurateurs communément appelés (gérants de Tangana) et des livreurs de pain aux boutiquiers sans oublier les dockers du port autonome de Dakar. L’instauration de l’état d’urgence et du couvre-feu par les autorités Sénégalaises n’a pas pu permettre à ces derniers de poursuivre leurs activités, car les Tanganas  ne marchent que la nuit et avec les gestes barrières édictés, les gérants comptent désormais leurs clients du bout des doigts. La vente du pain par les boutiquiers a été interdite donc la suppression temporaire du métier de livreur de pain parce que les boulangers vendent directement aux clients en respectant certaines conditions d’hygiène. Supportant des loyers, sans ignorer les nombreuses factures à payer et ce qu’ils envoient chaque mois aux familles dans notre pays, en cette période de chômage technique voir de vache maigre  ou de moindre rentabilité, certains ont préféré plier bagages pour rentrer au pays. A ce jour, un bon nombre parmi eux ne veulent que retourner au Maliavant d’épuiser toutes leurs économies et en attendant que la situation s’améliore pour que les choses puissent rentrer dans l’ordre.

Le 31 Mars 2020, nos autorités diplomatiques nous avaient informé que des couloirs humanitaires allaient être mis  en place  en collaboration avec les autorités Sénégalaises compétentes afin de permettre à nos ressortissants bloqués au Sénégal de rejoindre le Mali. Il était même mentionné que des bus allaient quitter le vendredi 03 Avril 2020. A notre grande surprise nous avons vu ce projet avorter du jour au lendemain mais pour quelles mystérieuses raisons ? Ledit projet était-il convenablement piloté avec les autorités Sénégalaises compétentes ? Soudain, nous entendions la déclaration choquante du gouverneur de Kayes, qui, disait qu’il n’allait jamais laisser ces passagers traverser sa ville sans être mis en quarantaine là-bas et qu’il n’avait pas les moyens pour leur prise en charge. L’Ambassade avait-elle les autorisations des ministères des affaires étrangères et de la coopération internationale, de la santé et des affaires sociales ? Pourquoi le gouverneur de Kayes serait-il un facteur de  blocage contre des décisions ministérielles du Mali ? Le 14 Avril 2020, le gouvernement Malien adressa une lettre à l’Ambassade du Mali au Sénégal pour s’imprégner de la situation des ressortissants Maliens bloqués au Sénégal dans le but de trouver une solution. Le 17 Avril 2020, les autorités diplomatiques ont ouvert une liste dans leurs enceintes pour que tout compatriote désirant rentrer au Mali puisse s’inscrire là-dessus afin de connaître le nombre total et les caractéristiques de la population concernée. Sur demande de nos autorités au Sénégal, un rapport sur la situation des étudiants a été rédigé et envoyé par l’Association des Elèves, Etudiants et Stagiaires Maliens au Sénégal à l’Ambassade le 19 Avril 2020 contenant une liste de 92 étudiants désirant rentrer au pays. L’Ambassade a envoyé le compte-rendu au ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale pour obtenir une réponse quelques jours après en limitant le nombre de rapatriés par les critères suivants : les résidents, les migrants pris en charge par l’Organisation Internationale des Migrants (OIM), les dépouilles mortelles, les malades non-munis d’un document de leur médecin traitant attestant de leur aptitude à voyager et les étudiants dont le cursus est en cours n’étaient pas concernés par ce rapatriement. Le gouvernement Malien a-t-il eu peur du nombre de ressortissants inscrits sur la liste étant donné que la capacité d’accueil pour la  quarantaine est de 150 personnes seulement par semaine ? L’Ambassade a-t-elle dépisté sa liste conformément aux critères du ministère des affaires étrangères ? D’ailleurs, par quels moyens et procédures elle l’a fait si ça été le cas ? Jusqu’à présent nous sommes en attente de réponse et de solution dans des situations désespérantes en assistant aux rapatriements d’autres compatriotes notamment ceux de la France, de la Tunisie, des Etats-Unis et de l’Ethiopie et, mêmes d’autres étrangers au Sénégal dans leurs pays de la sous-région. On nous parlera peut-être des moyens financiers et logistiques ou parce que les diplomates de ces derniers ont été encore une fois efficients dans leurs missions. Le Conseil de Base des Maliens de l’Extérieur du Sénégal (CBMES), malgré son caractère d’utilité publique que lui a conféré l’Etat du Mali depuis plusieurs années, la  faitière des associations constituées par les ressortissants Maliens au Sénégal, résonne le même son de désespoir et de capitulation, à savoir : selon nos informations, lui non plus, n’est pas dans une situation financière à hauteur de souhait pour pouvoir s’autosaisir de ce dossier dans le cadre d’une assistance fusse-t-elle partielle. Les Maliens sont-ils entrain de devenir des ressortissants de second rang, laissés pour comptes dans la sous-région que personne ne respecte désormais à l’instar des Soudanais dans le passé sur notre continent ? Cette situation déplorable de nos compatriotes dans un pays proche  doit mériter plus d’un titre une attention particulière des autorités des deux pays. A cet effet, nous interpellons toutes les forces vives  de la nation Malienne : autorités gouvernementales, la société civile, les leaders religieux, les leaders d’opinions, les partis de la majorité présidentielle, les partis de l’opposition, les mouvements politiques, les mouvements citoyens et associations pour qu’ensemble, nous puissions trouver urgemment une solution pour ces laissers pour comptes.

Aujourd’hui, notre intime conviction nous montrent que le rapatriement de nos compatriotes au pays n’est pas un travail titanesque hors de  portée de nos autorités, d’autant plus qu’elles sont en train de rapatrier beaucoup de nos ressortissants d’autres pays et qu’elles voient le coup de maître des autorités d’autres pays voisins dans le rapatriement des leurs. Il suffirait juste que nos autorités diplomatiques entrent en contact avec les autorités homologues compétentes du Sénégal (ministères et ambassades) pour établir une coopération bilatérale équitable préconisant des actions déjà entreprises ;

  • Satisfaire l’inquiétude du gouverneur de Kayes ;
  • Mettre en place un protocole sanitaire en collaboration avec les autorités Sénégalaises de Dakar jusqu’à Bamako ;
  • Dépister la liste des 1500 personnes enregistrées par l’Ambassade du Mali au Sénégal en priorisant : les femmes enceintes, les mères allaitantes, les enfants et les vieilles personnes ;
  • Négocier avec les compagnies terrestres de transport qui ont également une dizaine de bus bloqués ici au Sénégal. Puis, coordonner des convois alternés chaque semaine ou chaque deux semaines avec une escorte tout en respectant les consignes barrières et en fonction de la capacité d’accueil des hôtels qui ont été réquisitionnés pour le confinement ;
  • Si possible même, mettre en quarantaine les passagers pour les escorter ensuite jusqu’à Bamako ;
  • Soutenir financièrement ces nécessiteux avant qu’ils ne meurent de faim en attendant le jour lointain de leur rapatriement.

Comme on le dit chez nous « le sourd-muet rêve mais c’est la manière de le raconter qui l’angoisse ». Sans une réaction rapide et adaptée du gouvernement Malien, nous allons tout droit vers une crise humanitaire qui touchera nos compatriotes  bloqués au Sénégal. Même si le ridicule n’a jamais tué chez nous, n’acceptons jamais qu’il nous tue chez nos voisins ! Eu égard les  lenteurs suspectes par rapport à la gestion de ce dossier urgent, il est légitime de se poser la question suivante :

Où sont donc l’honneur et le bonheur des Maliens tant chantés dans les discours !

Dakar, le 30 Mai 2020

Ibrahim Balla KEITA

Ancien Secrétaire Général de l’Association des Elèves,

Etudiants et Stagiaires Maliens au Sénégal (AEESMS)

Président de la Fédération des Etudiants et Stagiaires Africains (FESA)

Source : Le Carrefour

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