Rappel historique sur l’attaque de la garnison d’Aguelhok en 2012 : Un enseignant rescapé parle de sa dernière entrevue avec le capitaine Sékou Traoré

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Une rue d'Aguelhok au Mali (photo d'illustration).
Une rue d'Aguelhok au Mali (photo d'illustration).

La bravoure, le courage et l’esprit de sacrifice du jeune capitaine Traoré resteront à jamais gravés dans la mémoire collective du peuple malien. Son exemple est une source d’inspiration pour les futures  générations. Neuf mois après le drame d’Aguel-Hoc, un enseignant rescapé, Adama Sissoko, ami inséparable et confident du capitaine Sékou Traoré dit Bad, est revenu sur la dernière entrevue qu’il a eue avec celui qui a sacrifié sa vie pour défendre la terre sacrée du Mali.

Sur l’histoire de l’attaque d’Aguelhok, que nous pouvons encore qualifier de très récente, chacun y va de son commentaire, au-delà des rumeurs qui se propagent comme une traînée de poudre. Il y a eu deux attaques à Aguelhok, se souvient Monsieur Sissoko : celle du 18 janvier et celle du 24 janvier 2012. Ces attaques ont été commanditées, selon lui, par les éléments déserteurs de l’Armée malienne, avec le soutien des éléments d’Aqmi et  d’autres complices des soldats qui ne passeront jamais en cour martiale. En effet, un élément de la Garde nationale, promotion 2007, a été surpris en train de donner la position de l’armée aux bandits armés. La preuve, il avait tenté de saboter les actions des défenseurs d’Aguelhok, en mettant des bâtons dans les tuyaux des armes collectives qui se trouvaient au portail du camp, le jour même de l’attaque du 18 janvier 2012.

Le mercredi, la ville a été attaquée très tôt le matin. Il y a eu des tirs sporadiques. Mais, c’est  aux environs  de 10 h00 que les choses ont pris une tournure inquiétante. Les éléments du capitaine Traoré ont mis en déroute les assaillants. «Dans la nuit du 18 au 19 janvier, moi-même, j’ai personnellement dénombré plus de trente corps, je le dis officiellement», affirme M. Sissoko. Ce que les gens ne savent pas, poursuit-il, «le capitaine m’a fait savoir que ce jour-là, vers 22 h00, la position des deux principaux cerveaux de l’attaque, à savoir, un certain Abdallah Gamal et Assadeg Ag, un ancien élu à l’Assemblée régionale de Kidal, lui a été donnée par un agent de renseignements basé à Sévaré, un ami à lui. C’est ce renseignement qui lui a permis d’infliger cette lourde défaite aux assaillants, avant de se retrouver à court de munitions».

Par ailleurs, les autorités, à l’époque, lui auraient fait parvenir un message pour le galvaniser, afin qu’il tienne la position à tout prix. Après ce contact qui l’avait visiblement requinqué, il fit venir tous ses éléments, mêmes ceux qui sont au niveau des check-points. Au cours de cette réunion, il leur a expliqué la gravité et la complexité de la situation que vit le pays, tout en faisant part de son inquiétude sur la tournure que vont prendre les choses. Parmi les enseignants de l’Institut de formation, «les permissionnaires sont partis sous nos yeux. Nous étions deux enseignants noirs restés avec les militaires. On avait en tête que les bandits-là ne vont plus revenir. ‘’Bad’’ disait qu’il ne bougerait pas d’un iota, la Patrie ou la mort, et qu’il honorerait son serment d’officier en défendant l’intégrité territoriale et l’unité nationale», narre M. Sissoko.

Avant de poursuivre : «Quand je lui ai dit que je vais rester avec eux parce que nous sommes tous des hommes, il a eu des larmes aux yeux». Et il m’a répondu que «nous ne sommes pas pareils».  Parce que lui, il a fait la formation et que «devant certains événements, tu ne peux pas tenir, parce que ce n’est pas ta vocation ; mais si tu persistes, on est là». Le jour fatidique, le mardi 24 janvier 2012, en pleins combats, «il m’a rencontré, trois heures avant sa mort, vers 16 h00, tout juste au moment où lui et ses hommes s’étaient repliés derrière le campement de notre école où il avait sa cache d’armes personnelle. Il m’a dit : voilà ce que je t’avais dit, tu vois maintenant, néanmoins vous êtes à l’abri, restez sous les tables bancs, ne bougez pas surtout. Si tout va bien, rien ne vous arrivera, je suis avec ces gens-là d’abord».

Après plusieurs minutes de combat, les tirs devenaient sporadiques et on l’avait informé que le renfort devrait quitter Tessalit pour Aguelhok, chose à laquelle il ne croyait pas. Il s’est battu et est arrivé à tuer plus de sept bandits parmi ceux qui voulaient rentrer dans la cour de l’école. Un obus a même été tiré sur l’école par les mêmes assaillants ; les traces sont toujours visibles. Après leur irruption dans la cour de l’école, en sortant, ils sont venus nous faire sortir un à un sous les bancs et c’est un Garde déserteur tamasheq qui a dit aux autres que nous sommes des militaires et qu’il nous connaît ; que nous étions cachés pour notre sécurité. Ils avaient pratiquement tué tous les militaires, à part huit qui étaient «protégés» contre les balles, dont le capitaine Traoré.

Jusqu’à sa dernière cartouche, le capitaine ne s’est pas rendu ; il a été pourchassé en voiture et bousculé. Il s’est relevé et ils l’ont arrêté, le Touareg a reconnu que Sékou est un brave militaire et que c’est lui qui a tué leurs éléments. Il a été ramené dans le camp avec les sept autres de ses compagnons et ils les ont mis à plat ventre, et ont fait rouler les véhicules BJ 4×4 sur eux. C’est cette scène qui m’a beaucoup fait mal, surtout quand je voyais le sang couler de sa bouche, avant de mourir. Il me regardait, mais ne pouvait plus parler. C’est moi qui ai fermé ses yeux quand il a rendu l’âme, ainsi que les yeux de l’adjudant Sangaré et du caporal Koba.

Je retiens du capitaine Sékou Traoré, l’exemplarité d’un vrai officier qui a respecté son serment. Souvent, il me disait : «Sissoko, nous, nous sommes là pour vous ; c’est nous qui devons mourir d’abord, avant vous».

Par Cdt Sibiry KONATE

Le Reporter / Malilibre.com

Source : 22 Septembre

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