Au moment où la communauté internationale et de nombreuses forces sociopolitiques internes exigent la tenue à date,(27 février 2022) d’élections pour le retour d’un semblant de normalité devant relever le pays, le pouvoir de Transition et une bonne frange du peuple tiennent à « une refondation », dont rien ne garantit le succès.
Pour les autorités de la transition, il faut obligatoirement tenir les assises nationales de la refondation (ANR), en sortir le chronogramme pour aller aux élections générales, probablement dans la seconde moitié de 2022. Ce que ne veulent pas entendre plusieurs formations et regroupements politiques rassemblés au sein du Cadre d’échanges pour une transition réussie. Ces leaders, désormais considérés par une partie du peuple comme des « traitres » veulent aussi monter au créneau pour dire leur exigence : le respect de l’engagement de respecter les 18 mois pris pour la Transition. Mais avant eux, les mouvements de jeunes alliés au pouvoir de transition, étaient dans la rue le vendredi dernier, pour soutenir une « transition prolongée » ou « à durée indéterminée », fustiger la France et les partenaires internationaux, dont la CEDEAO. Ces manifestants exhibent l’argument selon lequel le Mali est un pays souverain et c’est à lui de décider de son sort en ces moments particuliers de son existence.
La transition malienne s’est ainsi, progressivement installée dans une guéguerre entre ceux qu’on peut appeler les « souverainistes », qualifiés à tort ou à raison de « patriotes » et l’autre frange du peuple, qui estiment que le respect de l’engagement contenu dans la charte de transition est incontournable. Si les premiers tiennent à la refondation de la gouvernance du pays, les seconds affirment qu’une transition ne doit aller qu’à l’essentiel : sécuriser le pays et organiser les élections générales. « La Constitution malienne oblige à organiser entre 45 à 60 jours l’élection présidentielle pour revenir à la normalité. S’il y a des raisons objectives devant repousser ce délai, c’est à l’ensemble des acteurs sociopolitiques d’en discuter », assure Housseini Amion Guindo, le président du parti CODEM et du regroupement Espérance Jigiya Kura, non moins président du Cadre d’échanges des partis politiques et regroupements politiques pour une transition réussie. Mais, les ANR ne sont-elles pas un cadre approprié pour discuter de ces questions ? M. Guindo explique que ces assises ne doivent pas aboutir à des résolutions exécutoires, comme le préconise le gouvernement de transition. Car, comment le prochain président de la République élu devra-t-il être contraint d’appliquer des décisions, alors qu’il se serait fait élire sur un autre programme de gouvernement ou un projet de société sur la base duquel la confiance lui serait accordée ?
Pour les « souverainistes », le pays ayant trop souffert de crises multiples, cette transition doit être mise à profit pour poser les bases de son nouveau départ plus prometteur. Ce qui doit passer par l’adoption de nouveaux textes et de nouvelles pratiques institutionnelles visant par exemple à freiner la corruption, l’enrichissement illicite, le bon fonctionnement des institutions, des élections plus transparentes, etc. A ces missions ambitieuses, les partenaires du pays estiment que ces « jalons de la refondation » doivent être posés dans le délai de 18 mois convenu ou être laissés à la charge des futures autorités élues. Ce qui veut dire que les partenaires comme la CEDEAO, l’UE, la France, l’ONU exigent que la Transition se termine le plus rapidement possible en passant le témoin à un nouveau pouvoir élu, susceptible de relever les défis multiples tant au plan sécuritaire, économique, politique, social, etc.
Donc, les acteurs sociopolitiques maliens sont divisés en deux camps qui se regardent en chiens de faïence : pendant ce temps, le pays s’enlise dans la crise sécuritaire, avec des attaques terroristes au quotidien. De quoi les prochains jours seront-ils faits dans un contexte de mal-vivre qui se généralise, avec la hausse des prix des denrées de première nécessité, des grèves, la rentrée scolaire dans un climat de pressions syndicales des enseignants. Le tout dans un environnement de tensions politiques et militaires où les acteurs veulent rivaliser de manifestations et de contre-manifestations.
La question se pose alors de savoir comment le pays peut-il se sortir de cette guerre froide avec des rivalités antagonistes entre des puissances occidentales, la France d’un côté et la Russie de l’autre. Le chef de la Transition, le Colonel Assimi Goïta n’est-il interpellé pour jouer à l’accalmie pour rechercher un compromis entre ces deux tendances ? Rien n’est moins sûr. Même si, pour le moment, le chef de la junte qui a renversé le président IBK en août 2020, semble opter pour la discrétion, non sans jouer, selon des confidences de palais, à l’apaisement. Pour peu que cela aboutisse à un sursaut national pour relever le Mali.
Boubou SIDIBE
Source : Maliweb.net