De son investiture, le 4 septembre 2018 à maintenant, jamais l’agenda du Président de la République n’a été autant chargé que ce temps-ci. Honoré par ses pairs au sommet de l’Union Africaine. Alors qu’il n’a pas fini de savourer cette distinction, le Haut conseil Islamique tendance Mahmoud Dicko, donnait de la voix en remplissant le plus gros stade de la capitale pour exiger le départ du PM Soumeylou Boubèye Maiga. Pris certainement de peur par la montée en puissance des certains leaders religieux et face à la multiplication des fronts, IBK a décidé de se vêtir du manteau de commandant du bateau Mali en appelant son challenger et principal opposant Soumaila Cissé, avant de rencontrer à pas de course la Mouvance Présidentielle. Les prochains jours seront intenses en activités.« Tiékoroba Wulila deh »
Tard vaut mieux que jamais a dit un adage. IBK, élu en 2013 et réélu en 2018 après des fortes contestations de la part de l’opposition, s’était emmuré à Sebenikoro, après la proclamation des résultats, déléguant une bonne partie de ses prérogatives à son Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga. Ce dernier avait pour missions essentielles,non seulement de juguler la crise post-électorale, mais aussi et surtout résoudre toutes les autres crises.C’est certainement en évaluant le bilan à mi-parcours de son PM et au regard de la recrudescence de la violence, du manque d’unité et de cohésion, qu’IBK a décidé de prendre en mains la gestion du pays.
Ainsi, étant à Addis Abeba pour le 32e Sommet de l’Union Africaine, où il a même été honoré par ses pairs en le désignant coordinateur de l’Union Africaine pour les Arts, la Culture et le patrimoine, IBK aurait commencé les contacts avec l’ancien Président de la République, Alpha Oumar Konaré. De retour au bercail, il n’a pas hésité un seul instant à appeler le chef de file de l’Opposition Soumaila Cissé, avant de réunir sa Majorité, toutes sensibilités confondues ; pour parler du Mali. Cettereprise en mains des choses par IBK, a certes été diversement interprétée, mais elle semble venue à point nommée.
Pour certains observateurs, il aurait dû se considérer comme un Président d’un pays en crise en rassemblant, dès son investiture le 4 septembre 2013, toutes les forces vives de la nation autour du Mali. Et cela au-delà des clivages Majorité et Opposition. Il lui a manqué cette intelligence politique au premier mandat, d’où la crispation voire la haine entre les acteurs. Ces observateurs regrettent de constater que c’est seulement maintenant qu’IBK s’est rendu à l’évidence et voudrait combler le retard. Si cette initiative bien que tardive peut contribuer à ressouder les tissus politico-sociaux en lambeaux, elle est la bienvenue,martelent les premiers observateurs.
Pour d’autres, l’initiative de prendre en mains la gestion des affaires par IBK, lui a été imposée par ses camarades politiques, qui en concluraient que sans consensus autour des grandes questions de la nation, les mêmes causes produiraient les mêmes effets. Ses camarades du RPM pensent que seul IBK joui de la légitimité populaire et qu’ils ne comprendraient pas comment il pourrait déléguer à une tierce personne ses prérogatives. Il doit s’assumer ont-ils conclu. Ses détracteurs affirment qu’IBK aurait cédé à la pression d’une certaine opinion, lasse des rebondissements à n’en pas finir et surtout au regard des derniers évènements dont les plus emblématiques ont été le meeting géant des leaders religieux et le boycott par l’opposition du cadre de concertation en vue des reformes. A ces deux événements emblématiques de la crise, il faudrait ajouter les difficultésliées à la mise en œuvre de l’Accord et la recrudescence de la violence au centre.
En définitive, nonobstant ces raisons, le Président de la République, en acceptant de se vêtir du manteau de commandant du Bateau Mali, a semble-t-il, fait preuve d’humilité, de sens de la responsabilité et de courage. II lui reste de poursuivre cette même démarche à l’endroit des autres acteurs politiques et de la société civile pour que notre Mali avance réellement.
Youssouf Sissoko