La semaine dernière, nous nous sommes rendus compte des difficultés du département de l’équipement à rendre nos routes carrossables, du fait de la défaillance de certains de nos entrepreneurs. Voici les plus significatives.
Dans le cadre de la réforme de l’entretien routier, le gouvernement du Mali a approuvé, par décret n°2020-0197/P-RM du 03 avril 2020, la « stratégie nationale d’entretien des routes ». Cette stratégie détermine les rôles des principaux intervenants dans l’entretien routier, conformément à une directive de l’Uemoa de 2009. Elle répartit les responsabilités entre les différents intervenants.
Ainsi, aux termes de cette directive, la direction générale des Routes (DGR), représentant le Ministère chargé des Routes en qualité de maître d’ouvrage, planifie et programme les interventions ; le Fonds d’Entretien routier du Mali (Fer-Mali) assure le financement des travaux et l’Agence d’Exécution des Travaux d’Entretien routier (Ageroute) met en œuvre, en maîtrise d’ouvrage déléguée, les travaux d’entretien routier, exécutés par les entreprises sous le contrôle et la surveillance des bureaux d’études qu’elle recrute suivant ses procédures.
« La Transition a lancé de vastes programmes de rénovation et d’entretien des routes qui, du fait des défaillances de certaines entreprises de travaux et bureaux de contrôle, peinent à recevoir l’exécution conforme aux stipulations des marchés », se désole un technicien.
Lors du bilan de l’an 1 de c, dans l’émission « Malikura Taasira », Mme Dembélé Madina Sissoko, ministre des Transports et des Infrastructures, avait expliqué les efforts déployés par le Gouvernement dans le cadre de grands chantiers d’entretien, de réhabilitation, de rénovation et de reconstruction d’infrastructures routières.
Dans le cadre de son Programme d’urgences sociales, le Président de la Transition a mis à la disposition du ministère des Transports 5 milliards de F CFA. En outre, 15 milliards de F CFA ont été accordés pour le financement d’un programme spécial d’entretien des routes dans le District de Bamako et les Régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Mopti. A ces montants ont été ajoutés 20 milliards de F CFA pour l’entretien des routes nationales.
« Sur cette base, la Transition, à travers le ministère des Transports et des Infrastructures, a lancé de vastes programmes de rénovation et d’entretien des routes. La première phase, exécutée entre janvier et avril 2022, a permis l’élargissement des ouvrages d’assainissement et la réhabilitation de certains axes routiers dans le District de Bamako. Cette première campagne s’est bien déroulée dans l’ensemble. Ces travaux visaient essentiellement à relever les niveaux de service des routes et contribuer ainsi à soulager les peines des usagers et réduire les risques d’inondations récurrentes », explique notre source.
Avec ce pactole, le département des Transports et des Infrastructures a passé des marchés avec des entreprises locales, pour refaire nos routes. Des mois après, la majorité des entreprises nationales adjudicatrices de ces marchés peinent à honorer leurs engagements. Les travaux sont très en retard par rapport aux plannings initiaux. Les entreprises, pour la plupart, n’ont souvent pas pu mobiliser sur les chantiers les personnels, les matériels et les ressources financières nécessaires pour la réalisation des travaux, conformément aux prescriptions techniques. Certaines d’entre elles n’ont pas obtenu les cautions nécessaires au niveau des banques pour pouvoir recevoir les avances de démarrage.
Bureaux de contrôles aveugles
« Nous avons des entreprises qui ont pignons sur rue depuis des années, dont les promoteurs roulent carrosses, mais, qui ne sont pas mieux que des banabanas du Dabanani, tant elles manquent du minimum qui fait d’une entreprise de telle envergure, une industrie, disposée à exécuter un marché en temps réel, à la satisfaction de l’autorité de la commande publique et des usagers de la route. Nombre d’entreprises n’ont pas fait preuve de professionnalisme pour répondre en écho à la confiance du maître d’ouvrage », déplore le technicien.
Le pire est que l’Etat a quand même perdu de l’argent du fait de ces entrepreneurs défaillants. En effet, les bureaux de contrôle se sont frotté les mains, puisque, payés au temps passé, ils ne se sont pas embarrassés de scrupule pour percevoir leurs honoraires. « Peu importe le niveau d’avancement des entreprises dans l’exécution des travaux. Commis pour contrôler les entreprises qui se sont révélées défaillantes et incapables de respecter les délais contractuels, les bureaux de contrôle, sans état d’âme, se sont fait payer les prestations de service simplement virtuelles ».
Ces bureaux d’études ne sont pourtant pas exempts de reproches dans le sombre tableau de l’entretien routier de l’exercice 2022. En effet, les bureaux d’ingénieurs, recrutés par l’Ageroute pour assurer le contrôle et la surveillance des travaux d’entretien routier, n’ont pas comblé les attentes du maître d’ouvrage, qui a notamment relevé à leur charge le faible niveau et le manque d’expérience du personnel mobilisé sur les chantiers, le laxisme dans l’accomplissement de la mission de contrôle, l’incapacité à affirmer l’autorité sur les entreprises.
Des milliards F CFA à retourner au Trésor
A ce jour, le département des Transports et des Infrastructures est vraiment coincé : que faire ? Il est vrai que la politique nationale conduite en la matière consiste à promouvoir l’initiative privée dans le secteur et particulièrement à faire travailler les nationaux, tout en assurant leur contribution à l’efficacité de l’entretien routier.
En toute responsabilité, le ministère des Transports et des Infrastructures a entrepris, à bon droit, de résilier les marchés attribués aux entreprises défaillantes et de pourvoir d’extrême urgence, aux nécessités de contrôle technique afin d’assurer l’exécution correcte des travaux d’entretien routier. Il soutient que la réalisation de la mission de service public ne s’accommode pas du laxisme et de l’attentisme. Il faut limiter les souffrances des usagers et des riverains des routes.
Conformément aux principes de la programmation budgétaire, des milliards mis à disposition devront être, par la faute d’entreprises et de bureaux d’études, au Trésor public, alors que la demande de route est pressante et le besoin d’entretien routier réel.
Au demeurant, les populations continuent à souffrir, du fait de certains prestataires nationaux, le martyr sur des routes, qui n’ont pas pu être refaites, non que le département des Transports et des infrastructures manque de ressources, mais parce que tout simplement les titulaires de marchés n’ont pas été à la hauteur pour relever les défis de la réforme de l’entretien routier et notamment celui de la contractualisation des travaux qui est un pilier de cette réforme.
Le couteau manque de tranchant, la viande n’est pas tendre !
Alexis Kalambry