«Quand il n’y a plus de culture, il n’y a plus de valeurs morales, plus d’idéaux pour lesquels le peuple peut se battre.» (Thomas Sankara).
La répétition, dit-on, est pédagogique. Ainsi, il convient de rappeler que sous la première République, notre peuple avait pris effet et cause pour la défense résolue de ses intérêts matériels, financiers et moraux. Pour ce faire, il avait siennes les valeurs cardinales de notre humanité, entre autres: le travail bien fait, la défense de la patrie et de ses biens, l’honneur, l’honnêteté, le don de soi, la dignité, le sens élevé du devoir national, le respect de l’autre et donc de soi.
Le gage du Comité militaire de libération nationale (CMLN) était de défaire et d’honnir ces valeurs d’humanité qui faisaient la grandeur et la fierté de la terre de nos ancêtres. C’est pourquoi, il est indéniable que la première République avait lancé le Mali sur le chemin menant au grand concert des nations. C’est dire que le coup d’État orchestré, en 1968 contre le régime nationaliste de Modibo Keïta par le lieutenant Moussa Traoré a consacré la fin de ce grand espoir de tout un peuple.
En lieu et place d’une gestion saine et patriotique de nos affaires à l’avantage des masses laborieuses du Mali, Moussa a semé les graines de la gabegie, de l’affairisme, des détournements de deniers publics, du clientélisme, de l’individualisme et de la fourberie. Ces graines assez galeuses ont germé et grandi à la faveur de la démocratie à la malienne. Comme pour dire que la 3ème République est, en tout état de cause, la prolongation de la 2ème République sous une autre forme. La suite, on la connaît: les ‘‘démocrates’’, au nom de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme, ont foulé au pied toutes les vertus morales qui faisaient la grandeur de la nation malienne.
Au lieu de travailler à assoir en la population malienne la probité morale et le sens élevé du devoir national, les ‘‘démocrates’’ maliens avec à leur tête Alpha Oumar Konaré, ont œuvré à honnir toutes ces vertus historiques et légendaires qui ont jadis caractérisé notre peuple laborieux. Comme si la démocratie est venue au Mali pour combattre le sens de l’honneur et de la dignité, voilà notre pays s’empêtrer dans les mœurs légères par la faute et sous la responsabilité de ceux qui se font honteusement appeler ‘‘démocrates’’.
Leur démocratie a âprement lutté contre les valeurs culturelles qui consacraient l’honneur et la dignité de notre peuple travailleur. Aujourd’hui, tous les vices sont gratifiés et les bonnes mœurs diabolisées et jugées comme abominables. Le combat de notre peuple est ainsi désorienté: avec les démocrates mafieux, ceux qui travaillent n’ont plus rien et ceux qui ne foutent rien regorgent de tous les biens du monde. C’est que la cause pour laquelle bien de jeunes du Mali ont sacrifié leur vie s’est métamorphosée en syncrétisme politique avec comme conséquence immédiate la recherche irresponsable de l’intérêt privé sordide aux dépens des intérêts supérieurs de notre peuple travailleur.
Les ‘‘démocrates’’ maliens ont sapé les fondements culturels de la dignité de ce peuple. Ce qui fait que celui-ci a perdu, au fil du temps, les repères de notre humanité. L’on comprend donc pourquoi Sankara disait: «Quand il n’y a plus de culture, il n’y a plus de valeurs morales, plus d’idéaux pour lesquels le peuple peut se battre.»
Les Maliens ne se battent plus pour un idéal patriotique mais bien plutôt pour des intérêts matériels immédiats. Il suffit de jeter un regard critique sur les comportements quotidiens de l’écrasante majorité des Maliens. On sera déçu. Si c’était le contraire, les citoyens n’allaient pas accepter les billets de banque contre leur voix aux élections présidentielles, législatives et municipales.
Aujourd’hui, à l’appel du M5, les Maliens se mobilisent avec comme tache noire les actes de violence et de vandalisme qui n’honorent nullement notre peuple travailleur. Jusqu’où peut aller cette forme de contestation populaire contre IBK ?
L’on ne saurait le dire. La seule certitude aujourd’hui, c’est que le Mali est au bord de l’implosion. Qui faut-il donc pour le sauver ?
Sans nul doute, la quasi- totalité des politiciens maliens qui s’agitent au nom de la démocratie n’ont plus le moindre crédit à faire valoir. Il suffit de voir leur passé de ‘‘démocrates’’ pour s’en convaincre.
Bien des contestataires du M5 ont été trempés dans la gestion des affaires par le président IBK. Et que dire de leur retournement de veste ? Il leur faut simplement retenir que la décence existe même en politique.
Sans nul doute, Ibrahim Boubacar Keïta est l’un des artisans de cette démocratie ratée. Dire donc qu’il n’a plus rien de fiable à proposer à son peuple, c’est peu dire.
Depuis la chute de Moussa Traoré, c’est une seule famille politique (ou presque) qui gît dans les différentes instances du pouvoir ‘‘démocratique’’ au Mali. Au nom de la décence, personne de cette famille ne peut se disculper. En tous les cas, ces politiciens n’ont que faire des intérêts fondamentaux de notre peuple. C’est pourquoi, ils n’osent pas soulever la problématique de l’audit de la gestion des affaires du Mali.
Pour sauver donc notre pays en hibernation, il faut des hommes crédibles qui ne se sont jamais, ni de près ni de loin, mouillé la barbe. Pas ceux qui font une interprétation fallacieuse de la laïcité de l’État. Il ne faut pas non plus ceux qui sont à la solde de la France coloniale au Mali.
C’est donc dire que seul le peuple travailleur du Mali, guidé par des hommes propres (ne dites pas que dans tout un pays il n’y en a pas !), doit disposer de son avenir. C’est seulement par la gestion populaire du pouvoir qu’on pourra dire: enfin, bonjour la dignité, la liberté et la justice sociale. Sankara a dit: «Sans dignité, il n’y a pas de liberté, sans justice, il n’y a pas de dignité et sans indépendance, il n’y a pas d’hommes libres.»
Enfin, il faut des ‘‘hommes crédibles’’ pour sauver l’avenir du Mali ! Cela est aujourd’hui un impératif catégorique parce que notre peuple n’a plus que faire des changements de façade.
Fodé KEITA
Source : Inter de Bamako