L’environnement judiciaire contribue pour beaucoup au climat des affaires dans un pays : si c’est un gage d’assurance de transparence et de sécurité, une mauvaise distribution de la justice peut tout aussi se révéler un facteur annihilant les énergies les mieux disposées. L’homme d’affaires malien, Oumar Diawara, en a fait les frais qui n’a dû son salut, pour être remis dans ses droits, qu’à la condamnation de l’Etat ivoirien par la Cour de justice de la CEDEAO à plus d’un milliard Fcfa !
Escroquerie et tentative de spoliation
L’affaire a été révélée par notre confrère ivoirien, l’hebdomadaire d’investigation L’Eléphant Déchaîné, dans sa parution du mardi 26 octobre au lundi 1ernovembre. En substance, Oumar Diawara, homme d’affaires et investisseur malien, présent aussi bien en Afrique centrale qu’en Côte d’Ivoire, patron de la Société Ivoirienne de Dépôts Douane (SIDD), s’était porté acquéreur de Perl Invest, une société spécialisée dans la promotion et la construction immobilière, détenue par BNI Gestion, filiale de la Banque Nationale Ivoirienne. Comme il ressort de l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, l’opérateur malien se rendra compte, après l’acquisition de Perl Invest, de l’escroquerie dont il a été victime de la part de la Banque ivoirienne, à travers sa filiale BNI Gestion, en constatant « l’existence de fausses déclarations à l’actif et au passif de Perl Invest, faites par BNI Gestion, telles que les surfaces des biens immobiliers et le détournement de prêts s’élevant à plusieurs milliards par des administrateurs de BNI Gestion au détriment de Perl Invest ».
Les malheurs de l’opérateur malien ont commencé quand il s’est rendu compte de l’escroquerie entourant son acquisition et dont se sont rendus coupables des administrateurs et responsables véreux de BNI gestion, la filiale de la Banque nationale ivoirienne. Oumar Diawara a en effet déposé plainte pour escroquerie et abus de confiance contre BNI Gestion et les responsables de cette entreprise auprès de la justice ivoirienne. C’est là que les acrobaties, violations et autres entorses ont commencé par les juges en charge du dossier. De plaignant victime, l’homme d’affaires malien s’est retrouvé suspect accusé de complicité d’abus de biens publics, le Ministère ivoirien des Finances alléguant que son acquisition de Perl Invest relèverait même d’une opération de blanchiment.
L’Etat de Côte d’Ivoire avait déjà initié une première tentative de règlement à l’amiable. Mais l’acharnement judiciaire a pris le dessus, à travers l’Agent Judiciaire du Trésor, en charge de la défense des intérêts de l’Etat, en complicité avec la juge d’instruction du 5ème Cabinet, Mme Abanet Esso Blanche. Cette magistrate avait pourtant été dessaisie du dossier par la Cour de Cassation qui l’avait sanctionnée et réaffectée du fait des nombreuses irrégularités dont elle s’était rendue coupable dans l’instruction de l’affaire. Mais en dépit de cette sanction, elle avait été néanmoins autorisée par le Président de cette même instance de cassation à garder son dossier, signe que tout avait été orchestré dans une cabale judiciaire pour violer systématiquement les droits de l’opérateur malien.
Après donc 4 ans de bataille, Oumar Diawara s’était finalement résolu à saisir la CEDEAO qui a, le 22 octobre 2021 dernier, estimé illégaux et annulé tous les actes judiciaires pris par l’Etat de Côte d’Ivoire contre l’opérateur malien victime de l’acharnement judiciaire.
Cabale et complicités judiciaires
L’affaire Oumar Diawara vs BNI Gestion s’est donc soldée par la condamnation de l’Etat ivoirien par la Cour de justice de la CEDEAO, au paiement de la somme de « un milliard deux cent cinquante millions (1. 250. 000.000) de francs CFA en réparation de la violation des droits du requérant », plus un franc symbolique pour le préjudice moral. Une claque pour la justice ivoirienne, dont les tares sont ainsi mises à nu.
Et de fait, on comprend que l’acharnement judiciaire, engagé par l’Etat de Côte d’Ivoire et sa justice, n’est rien qu’une cabale orchestrée pour empêcher l’homme d’affaire malien d’obtenir gain de cause à la suite de sa plainte pour les fausses déclarations à l’actif et au passif de Perl Invest, faites sur les surfaces fictives, des biens immobiliers et le détournement de plusieurs milliards, dont se sont rendus coupables les responsables de la Banque Nationale Ivoirienne, à travers leur filiale BNI Gestion. L’affaire fait ressortir nettement l’implication, voire la culpabilité et la complicité entre de hauts responsables de l’Etat ivoirien, en l’occurrence l’Agent Judiciaire du Trésor et les magistrats, dont le Président de la Cour de Cassation ainsi que la magistrate en charge du dossier.
La BNI Gestion est une entreprise privée que la justice et l’Etat ivoirien ont voulu faire passer pour une entreprise publique sans le moindre début de preuve. Acet effet, l’Etat ivoirien a fait prendre des décisions de justice sans respecter les procédures, dont le refus de communiquer aux parties les pièces du dossier, le refus de transmettre des documents au parquet pour la poursuite de la procédure, l’obstination d’une juge à traiter un dossier alors qu’elle en avait été dessaisie, la cour de cassation qui se dédit à travers une ordonnance de son président, etc. Autant d’éléments probants qui ont convaincu les juges de la Cour de justice de la CEDEAO à condamner l’Etat de Côte d’Ivoire à payer une amende de un milliard deux cent cinquante millions (1. 250.000 000) de francs) CFA à Oumar Diawara.
La Justice de la CEDEAO dit le droit
Saisie le 15 avril 2021 par l’homme d’affaires, la Cour de justice de la CEDEAO, à l’analyse des faits, a sans ambiguïté mis en exergue les violations des droits allégués par l’opérateur malien. En effet, la Cour de Cassation avait dessaisi du dossier la Juge du 5èmecabinet, compte tenu des irrégularités de son instruction. Mais cela n’a point empêché la magistrate de continuer l’instruction du dossier, car elle avait pu obtenir à cet effet une ordonnance du même Président de la Cour de Cassation qui se dédisait ainsi.
L’arrêt de la Cour de la CEDEAO met en évidence la partialité de la juge et le spectaculaire revirement du président de la Cour de Cassation de Côte d’Ivoire, qui avait pris un arrêt avec « pour conséquence de lui retirer tous ses pouvoirs sur les affaires de la 5ème chambre d’où elle a été transférée et de les confier au nouveau juge qui lui succède ».
Néanmoins, elle a gardé le dossier par devers elle et continué à instruire l’affaire tout en rendant des ordonnances qui portent atteinte aux droits de Oumar Diawara. Pour la Cour de la CEDEAO, le fait qu’elle ait continué à retenir le dossier après l’ordre de transfert était une indication de son intérêt personnel, de sa mauvaise foi et jetait un doute légitime sur sa partialité. La Cour de la CEDEAO estime donc que les actes de lajuge de la 5ème chambre constituent des atteintes graves au droit de l’homme d’affaires malien à un procès équitable.
Le constat de la justice communautaire est accablant pour l’Etat ivoirien : « Sur la base des faits qui lui sont présentés, la Cour constate que la procédure conduisant à l’extinction des droits du requérant sur le bien est illégale, car elle n’est pas conforme à la loi et qu’elle a violé le droit à un procès équitable… ». Pour la Cour de la CEDEAO, l’homme d’affaires malien n’a pas eu droit à un procès équitable et a été constamment victime, de la part d’une justice ivoirienne partiale et complice, d’irrégularités sciemment commises dans le seul but de fouler ses droits en le spoliant de son bien.
« Dans cette optique, les diverses ordonnances des juridictions nationales dépossédant le requérant de son droit sur Perl Invest, étant nulles et non avenues et sans effet, ne peuvent être considérées comme conformes à la loi et donc sur la violation du droit à la propriété (de Oumar Diawara). Par conséquent, la Cour estime que le droit de propriété du requérant a été violé par le défendeur ». La Cour de Justice de la CEDEAO conclut donc que « La violation du principe du procès équitable dans le cadre d’un tribunal, d’une procédure ou d’une décision rend les décisions qui peuvent en découler nulles et non avenues et sans effet ».
Si la Cour est parvenue à ce verdict, c’est bien parce que l’homme d’affaires, se sentant floué, quatre années après avoir acquis son bien et fait des investissements, a soumis une « requête aux fins de violation des droits de l’homme et condamnation en paiement de dommages-intérêts » à la Cour de justice de la CEDEAO. Toutes les tentatives de l’Etat ivoirien pour invalider la vente de Perl Invest, à travers à la fois le Ministère ivoirien des Finances mais aussi des administrateurs véreux de la filiale de la Banque nationale ivoirienne, avec la complicité de la justice, ont ainsi fini par échouer. La justice de la CEDEAO a concluque l’opérateur malien avait fourni des preuves irréfutables de ses droits de propriété sur Perl Invest et qu’il avait donc légalement acquis la société.
L’affaire démontre que l’Etat de Côte d’Ivoire a tenté de spolier le malien Oumar Diawara, à travers une instrumentalisation de sa justice complaisante, partiale et parfois même complice active. Pourtant non seulement Oumar Diawara est remis dans ses droits, mais la condamnation pécuniaire de l’Etat ivoirien, au versement d’importants dommages et intérêts financiers, porte la marque d’une justice communautaire, pour l’heure au-dessus des intérêts des Etats. Une protection des investisseurs nationaux indispensables à laquelle doit veiller tout Etat, en l’occurrence ici le Mali…
Correspondance particulière,
avec STEPHANE BAHI, de l’Eléphant Déchaîné
Source : Maliweb.net