La Synergie 22 a pris note de la volonté du Gouvernement de la République du Mali, mis en place le 11 juin 2021, de mettre en place et d’opérationnaliser un Organe unique de gestion des élections (OGE), pour organiser les élections de fin de transition.
I – Historique des OGE au Mali
Depuis l’avènement du multipartisme intégral, au lendemain du 26 mars 1991, plusieurs scrutins ont été organisés :
1 consultation référendaire le 12 janvier 1992 ;
6 élections présidentielles (1992, 1997, 2002, 2007, 2013 et 2018) ;
6 élections législatives (1992, 1997, 2002, 2007, 2013 et 2020) ;
5 élections des conseillers communaux (1992, 1999, 2004, 2009 et 2016) ;
Plusieurs élections partielles (élections législatives en vue de remplacer les députés élus à l’Assemblée nationale).
Pour ce faire, le Mali a eu à expérimenter plusieurs types d’administrations électorales :
1 Organe unique de gestion des élections, de 1992 à 1996, à travers le Ministère de l’administration du territoire ;
1 Organe unique de gestion des élections, de 1997 à 1998, avec la CENI ;
3 Organes de gestion et de supervision, de 1999 à nos jours, avec le Ministère de l’administration du territoire, comme organisateur principal, la Délégation générale aux élections avec comme missions l’élaboration et la gestion du fichier électoral et le financement public des partis politiques, enfin la CENI comme organe de suivi et de supervision de l’ensemble du processus électoral.
Il convient de rappeler que lors des récentes élections législatives de mars et avril 2020, l’arrêt N°2020-04/CC-EL du 30 avril 2020 portant proclamation des résultats définitifs du deuxième tour de l’élection des députés à l’Assemblée Nationale a provoqué le tollé. Des candidats de tout bord ont crié à la manipulation des voix par les juges de la Cour Constitutionnelle. Ils ont dû statuer sur les procès-verbaux de plus de vingt mille (20.000) bureaux de vote dans un délai limité de cinq (5) jours pour seulement neuf (9) juges. La réformation des voix opérée par la Cour, à la suite de l’examen de 79 requêtes, introduites par certains candidats et des procès-verbaux des bureaux de vote, a fait basculer 29 sièges au profit de certains partis de la majorité présidentielle et de l’opposition : Commune I Bamako (2 – RPM – ADEMA PASJ), Commune V Bamako (3 – RPM – APR), Commune VI Bamako (3 – RPM – ADEMA PASJ – PS), Kati (7 – RPM – URD – ADEMA PASJ), Sikasso (7 – RPM – CODEM – URD), Bougouni (4 – CDS MOGOTIGUIYA – ADEMA PASJ – CODEM) et Mopti (3 – ADEMA PASJ – URD – RPM).
Ensuite, il y a eu la création du Collectif des députés spoliés par l’administration et par la Cour Constitutionnelle (CODESAC) comprenant des victimes du premier et du deuxième tours du scrutin législatif. Pour le CODESAC, le nombre de sièges contestés concerne les circonscriptions électorales de : Commune I Bamako (2) ,Commune V Bamako (3), Commune VI Bamako (3), Bafoulabé (3), Yélimané (2), Kati (7), Nara (3), Sikasso (7), Bougouni (4), Koutiala (6), Ségou (7), Macina (2), Mopti (3), Djenné (2), Ténenkou (2), Koro(4), Youwarou (1), Douentza (2), Tombouctou (1), Gourma Rarhouss (1), Goundam (2), Diré (1). Soit un total de 68 sièges qui représente près de la moitié des 147 sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale.
Rapidement, les instigateurs des manifestations contre la mauvaise gouvernance, l’insécurité et les résultats des législatives se sont constitués en Mouvement dit du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). C’est dans cette atmosphère de contestation qu’est née le 18 août 2020, une insurrection de l’armée qui a abouti à la démission du président IBK et la prise du pouvoir par des militaires qui ont constitué un Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP).
Au regard de l’OGE unique et indépendant, voulu par le Gouvernement actuel et longtemps réclamé par la majorité de la classe politique et des organisations de la société civile, on peut se référer à la CENI de 1997 qui a connu deux problèmes majeurs. Le premier est qu’elle a été mise en place en janvier pour organiser des élections en avril ; soit 3 mois seulement après. Le deuxième est relatif à l’accompagnement timide des représentants de l’État dans les circonscriptions administratives qui se voyaient dépouiller de leurs prérogatives acquises dans l’organisation des premières élections démocratiques entre 1992 et 1996.
C’est ainsi que la première organisation des élections législatives du 13 avril 1997 n’a pas été un succès. La Cour constitutionnelle a annulé tous les résultats. Au lendemain du 13 avril 1997, les partis politiques de l’opposition se sont retirés de la CENI et de tout le processus électoral. Le parti ADEMA au pouvoir, au risque de voir le pays devenir ingouvernable à cause de la violence prônée par l’opposition, a décidé d’organiser des forums politiques dans toutes les capitales régionales au dernier trimestre 1998. En janvier 1999, la synthèse des Forums régionaux s’est tenue dans la capitale Bamako sous l’appellation Forum politique national. Il a mis fin à la CENI de 1997 en tant qu’organe unique de gestion des élections en République du Mali.
Nonobstant, la CENI de 1997 a pu organiser l’élection présidentielle le 11 mai 1997 (tour unique qui a vu la victoire de Alpha Oumar Konaré avec 1.056.819 sur son challenger Mamadou dit Maribatrou DIABY qui a obtenu 45.160) et les deux tours des élections législatives le 20 juillet 1997 et le 3 août 1997. La leçon qu’on peut tirer de la CENI de 1997 est qu’il faut un large consensus entre les parties prenantes (gouvernement, partis politiques et société civile), pour définir les missions et attributions d’un Organe unique de gestion des élections. Il doit être mis en place six (6) mois, au moins, avant la tenue des scrutins.
II – Les défis d’une transition crédible
La Synergie 22 estime qu’il faut recentrer les missions de la transition, dont la durée restante est de neuf (9) mois, autour de quatre (4) axes :
Le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;
La promotion de la bonne gouvernance ;
Les réformes politiques institutionnelles et électorales à minima ; et
L’organisation des élections générales.
III – Les Recommandations
La Synergie 22 rappelle l’impérieuse nécessité de respecter les Normes et Conventions internationales comme le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 ratifié par le peuple malien le 16 juillet 1974 ; la Déclaration de Bamako adoptée le 3 novembre 2000 ; le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001ratifié par le peuple malien le 30 avril 2003 et La Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Bonne Gouvernance (CADEG) de 2007, ratifiée par le peuple malien le 25 avril 2013.
La Synergie 22 recommande :
Pour une transition apaisée et inclusive
Qu’un chronogramme clair, précis et réaliste soit publié pour définir la période des réformes et celle des élections nécessaires de fin de transition ;
Que la Société civile, les Partis politiques et les Autorités de la transition développent et mettent en œuvre une stratégie d’éducation civique et électorale afin d’informer et de sensibiliser les citoyens et citoyennes sur les réformes à entreprendre et les élections de fin de transition ;
Que les Partenaires bi et multilatéraux accompagnent fortement l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour une transition réussie au Mali.
Pour des élections crédibles qui inspirent confiance à toutes les parties prenantes
D’intégrer la publication en ligne des résultats des scrutins par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats, dans la Loi électorale. Elle permet, entre autres, d’éviter les conflits et le tripatouillage des résultats pendant la remontée et la centralisation ;
De revoir à la hausse le nombre actuel de 147 députés déterminés suivant le recensement administratif de 1996, en prenant en compte les chiffres du dernier recensement de la population ;
De changer le mode de scrutin actuel pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale (majoritaire uninominal ou plurinominal à deux tours) en un mode de scrutin proportionnel ;
D’organiser une revision exceptionnelle des listes électorales ;
De prendre en compte les nouveaux majeurs dans le fichier électoral ;
De pérenniser les opérations liées au RAVEC en République du Mali ;
De consacrer la création d’un organe indépendant et unique de gestion des élections (OGE) dans la Constitution et la Loi électorale, dans un souci de cohérence et d’efficacité technique et financière ;
De revoir les attributions de la Cour constitutionnelle en lui enlevant la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielle et législatives ;
Pour une meilleure gouvernance après la transition
Revoir les modalités de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle afin de réduire les risques de contrôle des membres par le Pouvoir Exécutif comme c’est le cas en ce moment ;
Relire les attributions de la Cour constitutionnelle ;
Supprimer la simple participation (15%) aux élections dans les critères de l’aide publique aux partis politiques pour les inciter à faire face à leurs objectifs de création à savoir la conquête et l’exercice du pouvoir ;
Mettre les verrous pour l’appréciation des coups d’État ou putschs pour empêcher des problèmes de qualification et empêcher toute amnistie aux putschistes.
#MaTransition
Fait à Bamako, le 28 juin 2021