Tabaski : À Bamako le mouton n’est pas donné, dans les régions aussi

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Les Moutons dans un parc à bétail
Les Moutons dans un parc à bétail

La hausse des prix n’est pas propre à la capitale. Nos équipes de reportage en ont fait le constat en effectuant un tour des marchés à bétail de certains centres urbains. Les marchands avancent plusieurs facteurs pour expliquer la cherté

Le Mali à l’instar d’autres pays musulmans célébrera le mardi 20 juillet, la fête de Tabaski ou l’Aïd el-Kebir, l’une des plus importantes de l’islam. À l’occasion de cette fête, tout fidèle qui en a les moyens, doit sacrifier un mouton. L’acquisition de la bête constitue un casse-tête supplémentaire pour les chefs de ménage aux revenus modestes.

À quelques jours de la Tabaski, les moutons n’arpentent pas les rues de la capitale comme à l’accoutumée. Ce qui laisse penser que le marché bamakois n’est pas bien approvisionné comme les années passées. Du coup, les prix de la bête ont grimpé et atteint des niveaux inaccessibles pour nombre de nos compatriotes.
La hausse des prix n’est pas propre à Bamako. Même dans les régions, le mouton n’est pas donné. Nos équipes de reportage à Ségou et Gao en ont fait le constat en effectuant un tour de certains marchés à bétail. Dans la Cité des Balanzans, les moutons sont bien proposés à la vente. Mais la clientèle ne se bouscule pas sur les aires de vente.

Sidy Barry est le président de la coopérative Bacan-kanu (l’amour des animaux) et le responsable du marché à bétail situé près de l’échangeur multiple de Ségou. Au niveau de ce point de vente, les moutons se négocient à partir de 80.000 Fcfa et plus en fonction de la taille et de l’embonpoint de l’animal. «Par semaine, nous pouvons vendre jusqu’à 500 ou 1.000 têtes de bétail. Les camions pleins sont chargés de moutons et de bœufs pour approvisionner nos voisins comme la Côte d’Ivoire», révèle-t-il. Selon le président de la coopérative Bacan-kanu, diverses raisons justifient la flambée des prix. Il s’agit, entre autres, de la cherté de l’aliment bétail, les conflits communautaires, les vols de bétail. Et l’insécurité persistante dans les zones de production empêche le transport des bêtes jusque dans les villes.

En cette matinée du mardi 6 juillet, Ibrahim Camara, la barbe poivre sel, se tourne les pouces en attendant l’arrivée d’éventuels clients. Ce marchand se targue d’une vingtaine d’années d’expérience dans la vente de moutons et propose à la clientèle différentes races ovines (Bali Bali, Bamanan saga et Suraka saga) provenant des Communes de Boussin et Dougabougou.

Il estime que les clients traînent encore les pieds, ce qui n’augure rien de bon pour son chiffre d’affaires. «Il m’arrive souvent de discuter avec des clients sans qu’ils n’effectuent le moindre achat», déplore Ibrahim Camara. La faible affluence de la clientèle, poursuit-il, est due d’une part au fait que la population éprouve des difficultés financières. Les commerçants de bétail de Gao chargent un camion pour Bamako

D’autre part, ceux qui veulent acheter un mouton ne disposent pas d’abris sécurisés. «C’est ce qui pousse beaucoup de clients à attendre la veille de la fête pour effectuer l’achat par crainte de se faire voler leurs moutons», explique Ibrahim Camara.

Assis à l’ombre d’un grand arbre et coiffé d’un chapeau de paille, Ali Diallo, commerçant au marché à bétail de Pélengana, affirme que les prix varient entre 40.000 Fcfa pour le bélier de petite taille et 150.000 Fcfa pour le bélier de taille moyenne.

MÉSAVENTURE- Dans la Cité des Askia, les mêmes inquiétudes préoccupent aussi les marchands de bétail et particulièrement ceux de moutons. Ils éprouvent des difficultés à acheminer les bêtes sur la capitale. Avant la crise de 2012, «nous négocions les camions pour le transport du bétail à destination de Bamako en raison de 650.000 à 800.000 Fcfa. Mais aujourd’hui, ce prix a grimpé à 1.200.000 Fcfa», rappelle le négociant Moussa Diadié.

Ce montant ne prend pas en compte les frais annexes que sont les frais de poste de contrôle, du berger surveillant, du chargeur, les coûts de vaccination des animaux qui sont à la charge du marchand. Pour faire face à ces coûts élevés, il n’est pas rare de voir les marchands s’associer pour convoyer ensemble les bêtes. En se partageant les frais, ce convoyage permet d’amoindrir les coûts.

Alhabas Ag Mohamed est un vendeur de bétail venu de Ménaka. Il surveille le chargement du camion qui doit convoyer ses animaux sur Bamako pour la fête de Tabaski. Cette année, j’ai acheté mes moutons à 80.000 Fcfa l’unité. J’ai 93 têtes de béliers sur les 170 animaux en partance pour Bamako. Chacun de nous (ils sont trois à s’associer) paiera une somme en fonction du nombre de ses bêtes», explique notre interlocuteur. Une fois à Bamako, il compte céder ses béliers entre 95.000 et 120.000 Fcfa la tête.

Chaïbou Touré est le second marchand qui expédie 40 béliers sur les 170 bêtes chargées dans le camion-remorque en direction de Bamako. Amadou Diallo est un autre marchand qui complète le trio qui envoie ses bêtes à Bamako. Il a subi une mésaventure il y a quelques semaines. «Des bandits armés ont déchargé les cinq camions remplis de moutons que nous convoyions sur Bamako à partir de Douentza. Ils ont emporté les bêtes vers une destination inconnue. Le coup a été très dur pour nous. Néanmoins, la fête de Tabaski représente une opportunité à ne pas manquer pour nous et surtout qu’elle pourrait permettre de recouvrer un peu les pertes subies lors de précédentes opérations », souligne le marchand.

Malgré la persévérance des marchands pour approvisionner les centres urbains, les prix des moutons ont pris l’ascenseur cette année. Ce n’est pas le chef de famille Boureima Maïga, du quartier Pélengana (Ségou), qui dira le contraire. Il constate une hausse vertigineuse par rapport aux années précédentes. Notre interlocuteur espère que les vendeurs vont revoir leurs tarifs à la baisse dans les prochains jours. Amadou Diakité, un autre père de famille confirme que les prix des moutons ont augmenté cette année.

Le comptable-matières du gouvernorat de la Région de Gao, Amadou Daou fait le même constat. Il a dû débourser 110.000 Fcfa pour un mouton. Il assure qu’il a l’habitude d’acheter des moutons de même gabarit à 75.000 Fcfa. Il croît savoir que la hausse des prix du mouton est due à la découverte des gisements d’or dans la région. Les prix appliqués vont faire grincer des dents, mais la joie de partager un repas de fête fera certainement oublier le sacrifice consenti pour acquérir la bête.

Mamadou SY
Amap-Ségou
Abdourhamane TOURÉ
Amap-Gao

Source : L’Essor

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