Auréolé par son succès dans sa facilitation pour la levée des sanctions de la CEDEAO/UEMOA, le président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, vient, à nouveau, d’être sollicité pour le dégel entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Non sans d’autres raisons.
Pour aider à décrisper l’atmosphère entre le Mali et la Côte d’Ivoire, le président de la Transition vient d’afficher clairement son ouverture au dialogue pour une désescalade entre les deux pays voisins et si liés. C’est dans ce sens que le Colonel Assimi Goïta a reçu en audience, le lundi dernier, le ministre des Affaires étrangères, de l’intégration régionale et des Togolais de l’Extérieur, Pr Robert Dussey. Ce dernier est davantage au four et au moulin pour rehausser, surtout ces dernières années, l’image du Togo dans le concert des Nations. Ainsi, est-il devenu le ministre le plus apprécié du gouvernement togolais. Des indiscrétions disent ce véritable missi dominici togolais potentiellement pressenti à la primature à Lomé…
Lors de l’audience accordée au chef de la diplomatie togolaise, puissant missi dominici de Faure Gnassingbé, « le président de la Transition s’est dit ouvert au dialogue et disposé à œuvrer, dans le respect de l’esprit de fraternité et des excellentes relations entre le Mali et la Côte d’Ivoire, à une issue heureuse à cette situation, y compris par la voie diplomatique, dans le strict respect de la souveraineté du Mali », lit-on dans le communiqué conjoint.
A cet égard, le chef de la Transition « a souhaité que le Togo effectue une mission de bons offices entre les parties concernées ». Et le ministre Dussey, que l’on considère au Togo comme étant « les yeux et les oreilles de Faure » a réaffirmé la disponibilité du dirigeant togolais dans ce sens. Il va poursuivre, a-t-il laissé entendre, « son appui à la Transition et aider à résoudre cette situation ». Faut-il ajouter que Pr Robert Dussey a également rencontré son homologue S.E.M. Abdoulaye Diop, et les deux hommes ont réitéré leur engagement à consolider les relations de bon voisinage et d’intégration sous-régionale et africaine.
Ainsi, Faure Gnassingbé est à nouveau sollicité en missions au Mali pour aider à ramener les relations maliano-ivoiriennes à leur niveau d’avant la crise liée à l’arrestation de 49 soldats ivoiriens, le 10 juillet dernier à l’aéroport de Bamako-Sénou… Quelles sont les raisons profondes de cette deuxième sollicitation forte (après la sollicitation pour la facilitation en faveur de la levée des sanctions), en l’espace de quelques mois par les autorités de la transition malienne ?
D’abord, il faut souligner que le président de la Transition le Colonel Assimi Goïta est foncièrement convaincu, selon des confidences de ses proches, qu’il faut (comme cela s’impose au pays, pauvre et enclavé…), résolument travailler à accorder les violons avec les pays voisins et, par ricochet, avec la communauté internationale. Et ceci, dans un délai raisonnable.
Or, Assimi Goïta voue une admiration particulière pour son « grand-frère», le président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, le fils de feu Gnassingbé Eyadema. Ce respect teinté d’admiration n’est pas anodin. Des officiers supérieurs « conseillers » et amis du chef de la Transition malienne ont des liens solides avec de hauts gradés de l’Armée togolaise. Et certains officiers des Forces armées togolaises (FAT) ont fait leur formation militaire à l’Ecole militaire inter armes (EMIA) de Koulikoro. Ils ont donc gardé des rapports plus que fraternels et de forte sympathie avec leurs frères d’armes du Mali.
Certaines sources crédibles assurent aussi que lors de sa chute, le président IBK avait conseillé au Colonel Assimi Goïta de garder des rapports privilégiés d’amitié et de fraternité avec le fils de feu le président Eyadéma, dont il a été lui-même un ami et « petit-frère ». IBK aurait donc demandé à Faure de considérer le Mali comme sa seconde patrie, même si lui n’est plus au pouvoir. Et, puisque le dirigeant togolais connait l’attachement viscéral qui a existé entre son père, Eyadema et IBK (alors, leader politique, puis Premier ministre, candidat malheureux à la présidence et président de l’Assemblée nationale du Mali), il a juré de préserver fidèlement cet héritage paternel…
En outre, il semble que le colonel Assimi Goïta tutoie certains hommes de confiance (en tréillis) du président togolais. Plus que cela, Lomé et Bamako ont été, pendant un moment de l’histoire, les pays les plus engagés dans la fondation de la CEDEAO et même de l’UEMOA.
Par ailleurs, Faure Gnassingbé a des soucis avec le terrorisme dans l’extrême nord de son pays. Il a besoin de rassurer la France d’Emmanuel Macron (soutien potentiel), avec laquelle il a eu un moment de froid, lui qui a adhéré au Commonwealth, après quelques bisbilles dans sa politique intérieure au Togo, notamment en matière des droits de l’Homme. Sans compter que Lomé s’est plus rapproché de la Chine, de l’Israël et de la Turquie, ces dernières années. Ce qui ne plait pas forcément à l’Elysée. Il a alors besoin de rassurer et de ramener Bamako à de meilleurs sentiments envers Paris (le Mali en rupture diplomatique avec la France et la force Barkhane renvoyée du territoire malien). C’est pourquoi Faure se serait engagé à conseiller le pouvoir de Bamako à ne pas rompre les amarres avec la France ou avec les autres pays occidentaux. Cela passe par de bonnes relations avec la Côte d’ivoire d’un certain Alassane Dramane Ouattara, un protégé privilégié d’Emmanuel Macron dans la sous-région ouest-africaine.
En clair, après la décrispation d’avec la Côte d’Ivoire, le fils d’Eyadema va poursuivre sa mission pour que le Mali renoue avec des relations plus saines avec la MINUSMA, les pays et organisations partenaires, en un mot, avec la communauté internationale. Comment cela pourrait-il en être autrement, le pays étant enclavé, endetté et faisant face à des défis multiples : la crise sécuritaire, la pauvreté, les prochaines élections et les autres besoins d’aides ?
Bruno D SEGBEDJI
Source : Mali Horizon