Transition au Mali : L’urgence de se parler…

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Moctar Ouane et Assimi Goita
Moctar Ouane et Assimi Goita

C’est regarder une partie des problèmes que rencontre notre pays aujourd’hui sous la transition que de penser qu’il s’agit simplement d’un déficit ou d’une régression de la Démocratie.

Lorsqu’on sait que la démocratie est une quête permanente comme viennent de le démontrer les événements survenus Outre-Atlantique, on est en droit et en devoir de pousser la réflexion et le questionnement plus loin. Il est nécessaire de répondre à la question suivante : Pourquoi nos institutions se vassalisent-elles en permanence ? Et comme nos institutions, pourquoi certaines personnalités dirigeant ces institutions et certaines élites sont si sensibles et accommodantes avec le déni de démocratie ?

La réponse à cette question n’est pas seulement l’apanage de la transition. Le mal a commencé depuis 92. Souvenez-vous des assauts contre les libertés d’abord du 1er régime démocratique et ensuite de celui dit du pouvoir de feu ATT. Les tentatives de soumission des institutions ont même conduit à la mise en place d’un regroupement ou d’une conférence des Présidents d’institution, un organe jamais prévu par le constituant malien. Sous cette transition, ce n’est pas seulement à une vassalisation qu’on assiste, mais plutôt à une soumission, voire à un avilissement en raison du caractère particulier du régime et de sa propension à recourir à la force et à la violence comme outil de gouvernance. Chercher à répondre à cette interrogation revient à situer les responsabilités des uns et des autres dans ce qu’il convient de qualifier aujourd’hui de retour à la case départ.

On ne peut situer les responsabilités sans citer en premier ressort l’élite politique et intellectuelle en roue libre de la faillite. Elle est composée de politiciens de carrière et de prétendus intellectuels, professeurs d’Universités, Avocats, anciens cadres, certains d’entre eux venus à la politique pour bonifier leur temps de retraite après des carrières bien réussies, etc., qui ont fait le pari de vivre des subsides de l’État en vendant leur conscience au Prince. Avec la transition, c’est leur cupidité qui jette le Mali dans les bras de la junte qui fait et défait, au gré de sa volonté, le quotidien et l’avenir des Maliens. On n’évoquera jamais assez, ces cadres venus d’Institutions sous-régionales en qui le peuple a cru et qui ont déçu avec une couardise incroyable. Pire, ils ont abdiqué le pouvoir et le devoir d’éclairer le peuple et de le défendre que leur a inculqué l’école et les notions de civisme. Ils ignorent allègrement le devoir de patriotisme ou l’obligation de reddition de compte envers soi, une exigence éthique et morale qu’ils ont vite envoyée par la fenêtre.

Le Mali n’est pas la référence en matière de corruption. Il y a des pays qui en sont plus capes. Mais la culture sous nos cieux est de s’accrocher aux deniers publics comme aux seins de sa mère tel un bébé qui refuse le sevrage. Cette propension à vivre proche des deniers publics offre aux gouvernants la marge de manœuvre de les tenir et d’acheter leur silence. Il suffit aussi d’observer le comportement de certains jeunes citoyens qui il y a quelques petites années passaient sur les plateaux de télévision avec des critiques acerbes contre les dérives autoritaires du régime en place. Les choses ont-elles réellement changée pour qu’on les retrouve aujourd’hui dans la sauce ? On ne voudrais pas citer ce professeur d’Université dont s’occupe déjà de nombreux compatriotes et qui a vendu sa science a l’autocratie de la manière la plus honteuse qui soit, même si nous devons concéder à tous les citoyens le droit d’avoir leur opinion sur la chose politique et en conséquence de faire leur mue à tout moment.

L’évidence crève l’œil, le Mali est devenu un pays qui étonne dans l’autre sens. Même les décisions et les arrêts des juridictions internationales n’émeuvent plus nos dirigeants alors que notre pays était connu par le passé dans le concert des Nations comme un pays de discipline. On se demande ce qui nous rend si confiant pour tourner le dos à la communauté internationale. Nous sommes même allés plus loin dans l’autocratie et poussant des compatriotes hors de leur pays. Le Président de la transition lui-même, lors de son investiture ne croyait pas si bien dire en déclarant « qu’un État qui ne respecte pas les décisions de justice est un État voyou ». Que sommes-nous devenus aujourd’hui ? Question à qui de droit.

En finir avec le mythe de l’Homme fort ou du Messie

Il est fréquent dans l’imagination du Malien moyen et même lambda de trouver des hommes forts a qui l’on attribue toutes les vertus de nous sortir des situations déplorables ou de nous amener vers la terre promise. Ceci n’est pas une mauvaise chose, tant que cette marque psychologique le prépare à faire confiance au nouveau dirigeant et à placer tout son espoir de protection en lui.

Quelques mois ont suffi pour constater qu’en réalité cette transition a mis en chantier des reformes totalement personnelles pour servir ses intérêts et ceux des siens au mépris des libertés d’expression, d’association et de l’adhésion du peuple, seul détenteur de la souveraineté nationale. Aujourd’hui, il est aisé de constater que toutes les institutions sont soumises à la junte et s’empêchent même de jouer le rôle à elles dévolu par la constitution.

Le résultat de toutes les réformes politiques et institutionnelles, pierre angulaire de la transition c’est aussi aujourd’hui l’incapacité de la classe politique à s’imposer. Qu’avons-nous gagné avec la transition ? Où sont les institutions qui devaient jouer leur rôle de régulation du jeu politique et électoral ?

C’est une vérité universelle que le pouvoir corrompt et que le pouvoir absolu corrompt absolument et aucun pays n’est à l’abri des dérives individuelles qui peuvent mettre à mal le vivre ensemble de tout un peuple. Nous y sommes au Mai où l’option actuellement sur la table relève du surréalisme avec des militaires qui sèment la terreur, utilise la violence policière pour intimider, inquiéter et réprimer.

Est-ce cela le choix des maliens après la chute d’IBK ? Est-ce cela le résultat des reformes ?

Une transition militaire qui met en chantier des reformes qui aboutissent à la violence et qui imposent sa seule volonté à tout un peuple devrait se poser des questions sur son propre avenir.

Jean Pierre James

Source : Nouveau Réveil

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