Les agitations qui ont précédé la promulgation de la nouvelle loi électorale et certaines appréhensions au sein de la classe politique prouvent à suffisance que le pays a besoin d’un climat plus consensuel pour aller aux élections.
Après qu’il eut été adopté à la majorité écrasante de 115 membres au CNT, le vendredi dernier, le texte portant nouvelle loi électorale vient d’été promulgué par le président de la Transition, le 24 juin dernier. Cela est survenu dans une atmosphère d’appréhensions, d’autant que les deux membres du gouvernement, qui ont soutenu le projet de loi au CNT, avaient exprimé leur désaccord par rapport aux 92 amendements intégrés au texte définitif.
En effet, avant que le chef de l’Etat ne promulgue la loi, les milieux politiques proches du Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, étaient montés au créneau pour plaider en faveur d’un renvoi en seconde lecture du texte. Certains activistes et quelques extrémistes du clan Choguel Kokalla Maïga étaient allés jusqu’à menacer le chef de l’Etat de troubler la transition si ce texte venait à être promulgué.
Dans ce contexte, les observateurs avaient même pronostiqué la démission du gouvernement ou le limogeage du Premier ministre, dont le désaveu public par le chef de l’Etat venait d’être clairement établi au grand jour. Mais, comme la démission n’est pas dans nos mœurs sociopolitiques, il n’est pas étonnant que le chef du gouvernement Choguel Kokalla Maïga reste en fonctions, après ce cinglant camouflet. Tout cela prouve que même si cette loi électorale a été adoptée, elle ne garantit aucune entente au sein de la classe sociopolitique nationale.
En outre, le fait que les organes de transition se sont toujours fait reprocher un manque d’inclusivité dans la conduite des affaires suscite des appréhensions. Et, même si certains partis politiques se sont félicités de l’adoption de cette loi électorale, dont l’innovation majeure est la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), le pays a besoin de plus d’entente autour du processus conduisant aux élections.
A titre d’exemple, les récriminations du Cadre d’échanges des partis politiques pour une transition réussie sont-elles prises en compte ? Quid des appels à la nomination d’un gouvernement de mission, avec à sa tête un Premier ministre neutre ou moins clivant ? Le Mali pourra réussir les prochaines élections avec comme un chef d’orchestre à la primature, qui ne se reconnaît pas dans la loi électorale principale règle du jeu ? Comment le pays peut-il engager le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution dans un climat de divergences de vues ? Quid du contexte sécuritaire difficile où certaines parties du territoire demeurent difficiles d’accès ?
Par ailleurs, la question de la candidature des dirigeants de la transition lors des prochaines élections n’est pas tranchée. Ce, d’autant que la charte de la transition révisée interdit cette éventualité, alors que la nouvelle loi électorale semble l’autoriser avec la condition d’une démission quatre mois avant la date des scrutins. Ce qui veut dire que le président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta pourrait tranquillement démissionner de sa charge de chef de l’Etat à quatre mois au moins avant les élections et se lancer à la conquête du palais de Koulouba. Cette éventualité pourrait-elle garantir la transparence et la crédibilité du scrutin présidentiel. Cela ne créera-t-il une situation de suspicions préjudiciable au bon déroulement des élections ? Ce sont là des questionnements qui alourdissent cette phase de l’évolution de la transition, au moment où le pays continue de supporter les dures sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA. Toute chose qui fait tourner tous les regards vers le sommet ordinaire de la CEDEAO du 3 juillet prochain, qui devrait en principe aboutir à un…dégel. En témoignent les bonnes impressions, dont est porteur le Médiateur de la CEDEAO en visite à Bamako, les 23 et 24 juin derniers. L’on ne peut que croiser les doigts sur les bords du Djoliba et unir les forces et les énergies pour donner un coup d’accélérateur à la marche du pays vers un retour à l’ordre constitutionnel normal.
Boubou SIDIBE
Source : Maliweb.net