Transition politique : Va-t-on vers une crise préélectorale?

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Nous n’avons aucunement l’intention de faire l’oiseau de mauvais augure mais la rencontre entre le Premier ministre et la classe politique ne nous  laisse pas le choix de penser ainsi.

En effet, vendredi 27 août 2021, le Premier ministre Docteur Choguel Kokalla Maïga a rencontré la classe politique malienne toutes tendances confondues au Centre international de conférences de Bamako (CICB). Les débats, qui ont pris plus de cinq (05) heures d’horloge, portaient  sur le Plan de l’action gouvernementale (PAG) présenté par le Premier ministre et validé par le Conseil national de transition (CNT).

Si l’objectif recherché à travers cette rencontre était d’acquérir un large  consensus et une inclusivité autour de ce programme en vue d’une transition bien reçue pour le plus grand bonheur de l’ensemble du peuple malien, force est de constater que l’attendu est très loin d’être acquis au contraire, elle fut l’occasion plutôt d’étaler au grand jour les  divergences profondes qui marquent la classe politique. Tout porte à croire que le bout du tunnel est loin d’être à portée de main.

Si tout le monde s’engage à soutenir la transition pour sa réussite car l’avenir du pays en dépend, il semble difficile de trouver un consensus sur la méthodologie à adopter pour sa conduite. Les principales  pommes de discorde portent surtout sur deux (02) axes principaux de ce plan d’action à savoir la tenue d’une conférence sociale d’entente et la mise en place d’un organe unique de gestion.

Pour le Premier ministre, ces deux (02) points fondamentaux sont d’une impérieuse nécessité pour sauver ce qui peut l’être encore. Selon lui, pour une meilleure transparence dans la gestion des élections et pour garantir la neutralité et la crédibilité des élections au terme desquelles  tout le monde serait d’accord avec les résultats, il faut des préalables qui constitueront les fondations d’une nouvelle République et ces préalables ne sauraient être définis qu’ensemble autour d’une même table, d’où la tenue de cette conférence sociale qui servirait de tribune où toutes les questions relatives à la refondation de notre État seront débattues sans démagogie aucune.

Par contre, au regard de la quarantaine de partis politiques regroupés au sein d’une coalition, tous ceux-ci ne constituent en réalité qu’un stratagème pour les militaires de confisquer le pouvoir avec la complicité de certaine classe politique.

Pour ces partis politiques dont la grande majorité était  du régime déchu, l’organisation d’une conférence sociale d’entente est non seulement inutile et inopportune mais aussi et surtout du gaspillage de nos maigres ressources, car selon eux les conclusions des différents fora et du dialogue national tenus au préalable peuvent servir de source d’inspiration pour la transition et quant à la mise en place d’un organe unique de gestion des élections, même s’ils reconnaissent que certes ce fut une demande forte de toute la classe politique et une des résolutions du dialogue national, pour eux, compte tenu du délai imparti pour la fin de la transition cette tâche ne saurait figurée dans les priorités du gouvernement de transition.

Selon eux, la transition doit se focaliser uniquement sur la sécurisation du pays et l’organisation des élections. Dans une déclaration rendue publique le lendemain de la rencontre, ils ont tenu à faire savoir leur position par rapport à cette démarche du gouvernement de transition.

Selon eux, pas question de participer à une quelconque conférence sociale dont ils ne voient aucune importance ni opportunité et quant à l’organe unique de gestion des élections, selon eux le temps ne s’y prête pas pour une telle entreprise et de ce fait ils émettent de sérieux doute sur sa crédibilité et par finish ils mettent le gouvernement en garde pour toutes tentatives pouvant conduire à la prolongation du délai de la transition.

Il est clair que les deux (02) partis ne voient pas dans la même direction quant à la conduite de la transition, chose qui risquerait de compromettre sérieusement la suite de la transition.

La question que l’on se donne le droit de poser est de savoir si les partisans de l’ancien régime ne sont pas en posture de faire payer à Choguel K. Maïga et à ses camarades du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces démocratiques (M5-RFP) leur intransigeance face aux différentes offres politiques que leur avait offertes le président Ibrahim Boubacar Kéita à son temps ?

Pour rappel, au lendemain du 5 avril 2019 date de la plus grande manifestation jamais tenue contre un Premier ministre au Mali, le président IBK avait appelé la classe politique à un accord politique et la tenue d’un dialogue national au cours duquel toutes les questions d’intérêt national devraient être débattues sans tabous mais le Front  pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) dont Choguel est un membre actif, avait opposé une fin de non recevoir. Ce qui avait même conduit à la division de ce regroupement politique, une partie accepta de signer cet accord politique et participa au dialogue national. Ceux-ci ont dû quitter le FSD pour former le FSD-SAP, c’est-à-dire le Front pour la sauvegarde de la démocratie-signataires de l’accord politique.

Également, avec la pression sociale qui montait en crescendo, le président Ibrahim Boubacar Kéita avait lancé un appel solennel à la classe politique et les regroupements de la société civile pour la tenue d’un dialogue national et la formation d’un gouvernement d’union nationale pour une sortie de crise.

À cet appel, nous nous souvenons également que ces partis politiques du Front pour la sauvegarde de la démocratie et les autres organisations politiques et de la société civile, regroupés au sein d’un vaste mouvement appelé Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces démocratiques (M5-RFP), avaient catégoriquement opposé une fin de non recevoir et plutôt exiger le départ pur et simple du président IBK. Alors, à quoi le Choguel Kokalla Maïga, aujourd’hui Premier ministre après la démission forcée de leur mentor de Koulouba, va-t-il s’attendre ?

Il est évident, qu’il serait un leurre pour lui de croire à l’adhésion de cette classe politique à toute initiative qu’il serait amené à prendre. Tout se passe, au delà des discours démagogiques tendant à soutenir la transition, comme si la motivation inavouée est de faire tout pour que ce qui n’a pas réussi avec nous ne réussisse pas avec vous. Il est évident que Choguel n’est pas prêt à renoncer à ses projets de conférence sociale et d’organe unique de gestion comme il est aussi évident que cette coalition de partis politiques n’est pas non plus prête à se laisser marginaliser surtout qu’elle bénéficie d’un soutien de taille venant de la communauté internationale à savoir le conseil de sécurité des nations unies et la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) soufflant dans la même trompette qu’elle.

Face à cette divergence notoire et vue l’intransigeance des deux (02) parties, serait-il surprenant de voir dans un futur immédiat notre pays basculer dans une crise préélectorale ?

Daouda  DOUMBIA

Source : Inter de Bamako

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