Une prolongation du délai de la transition ? La question est sur toutes les lèvres. Même si les Autorités s’en tiennent jusque-là officiellement à leur engagement à respecter le délai initial, des voix s’élèvent pour appeler à un changement de chronogramme, arguant que les conditions ne sont pas réunies pour l’organisation des élections crédibles. Alors que d’autres acteurs politiques appellent au respect du délai. Au-delà, des questions sont posées sur la possibilité d’organiser des élections dans un climat sécuritaire préoccupant dans une partie du pays.
En effet, le débat monte sur une possible prolongation de la transition. Système électoral, découpage administratif, révision des listes électorales, Révision constitutionnelle : le vaste chantier de réformes du Gouvernement semble de plus en plus irréalisable d’ici aux élections de février 2022.
Aussi, les partisans d’une prolongation se font entendre. Le 7 août, le mouvement Mali Espoir, un groupement d’acteurs de la société civile, a organisé une conférence de presse pour réclamer la « prolongation pure et simple de la transition ». Une revendication partagée publiquement par le Chérif de Nioro, Mouhamed Ould Cheikh Hamaoula dit Bouyé dont les partisans ont même manifesté à travers plusieurs villes du pays (Nioro, Banamba, Kayes,…) pour demander une prolongation de la transition.
Le 13 août dernier, c’était au tour du Mouvement des jeunes patriotes du Mali (un autre Bloc associatif) d’afficher son souhait d’une prolongation de la transition en organisant une manifestation à Bamako.
Bref, pour les partisans d’une prolongation de la transition, les conditions ne sont pas réunies pour aller à des élections aux résultats acceptées par tous.
Insécurité généralisée
La première des conditions à remplir est l’instauration de la sécurité sur une bonne partie du territoire national. Mais force est de constater que la situation sécuritaire s’est fortement dégradée pendant ces trois derniers mois, comme l’atteste le Rapport trimestriel du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. En effet, ce Rapport indique que la situation sécuritaire est marquée par l’aggravation des violences surtout contre les populations civiles, imputable aux groupes djihadistes qui poursuivent leur progression vers le Sud. Le même rapport indique que « une augmentation globale des attaques contre les populations civiles ».
Un nombre important d’attaques asymétriques et d’embuscades des groupes terroristes ont aussi visé les forces de défense et de sécurité maliennes (Boni, Douentza…) et étrangères également.
Ainsi, le contexte actuel est, comme en 2012 et 2018, marqué par un environnement sécuritaire particulièrement abîmé. Le constat s’impose : la situation actuelle, délétère, ne donne pas le moindre signe d’apaisement. Alors, comment organiser des élections dans un tel environnement ? Comment acheminer et installer les urnes et toute la logistique électorale lorsque des mines explosent quotidiennement ?
Alors, pourquoi persister à organiser des élections dans un tel contexte en sachant bien que les conséquences d’un scrutin mal organisé sont perceptibles par tous, sauf aux yeux de ceux qui ont des agendas cachés.
En avant pour des Réformes
L’autre argument évoqué pour une prolongation de la transition est la nécessite de faire aboutir les reformes nécessaire à la refondation du pays. Cela à travers l’organisation des Assises nationales de la refondation, le Premier Ministre Choguel K Maïga les présente comme le « deuxième chantier du Gouvernement », qui doit permettre « d’établir un diagnostic partagé de la gravité et de la profondeur de la crise traversée » par le pays et de prendre conscience « des enjeux, des défis et des vulnérabilités structurelles » auxquels il doit répondre. L’objectif affiché des « assises nationales de la refondation » tient en un slogan : « refonder l’État ». « Tous les documents issus de différentes assises vont servir de matières premières pour en élaborer la charpente, a précisé le Premier ministre, le 21 juin dernier. Celles-ci vont être envoyées dans toutes les régions, tous les cercles, toutes les communes, pour que les citoyens discutent ».
Ces assises ne doivent pas être un fora de plus, une Assemblée où l’on ressassera des solutions déjà proposées, mais au contraire de corriger les erreurs et les insuffisances du passés. Elles doivent poser les jalons d’une vraie refondation car la crise profonde que traverse le Mali est imputable aux faiblesses, limites et lacunes de son système institutionnel, devenues criantes en 2020 : il est en conséquence nécessaire de traiter en profondeur leurs symptômes, en allant bien au-delà des détails. Le parachèvement du processus de réorganisation territoriale ; l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution ; l’assainissement des partis politique ; la réforme du système électoral ; et la poursuite du chantier de la régionalisation doivent être au cœur de ces Assises nationales.
Au cours de ces Assises Le débat portera notamment sur la création d’un organe unique pour gérer les élections, à la place d’instances diverses. Et c’est à l’issu de ces assises qu u consensus devrait se dessiné : sur la nécessité de publier un nouveau calendrier électoral.
Le temps de l’impunité ?
Quant à la lutte contre la délinquance financière, elle vient de prendre un nouveau élan avec la mise sous mandat de dépôt d’anciens ministres et des opérateurs économiques. Ces mises sous mandat de dépôt d’anciens dignitaires du régime déchu doivent être le départ d’une véritable « purge » dans tous les secteurs. En effet, les Maliens attendent l’ouverture d’enquêtes sur tous les dossiers de scandales financiers et autres détournements de deniers publics qui ont jalonné les 7 années du mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta. Au-delà du scandale de l’achat de l’avion présidentiel avec la complicité du Corse Michel Tomi (ami d’IBK), l’achat d’équipements militaires à coût de milliards de francs CFA, ou encore la sulfureuse affaire dite des « blindés en carton » et la rénovation du palais de Koulouba.
Le premier ministre Choguel Maïga s’est déjà engagé, dès sa prise de fonction, de mener une lutte implacable contre la corruption « Ceux qui sont appelés à servir l’Etat ne peuvent se servir de l’Etat en pillant les maigres ressources de notre pays, au vu et su de tous sans conséquence. A leur encontre, le gouvernement insufflera une politique de lutte implacable contre la corruption en appuyant de façon systématique les actions judiciaires dans tous les dossiers de détournement de deniers publics », avait promis le Premier Ministre. Si cette promesse est tenue cela marquera une rupture totale avec le régime précédent
Aussi, au vu de tous ces chantiers (sécurité, reformes, assainissement de l’administration), la prolongation de la transition apparait aux yeux d’une frange importante de la population nécessaire. Car pour une sortie honorable de cette crise, l’ensemble des actions inscrites dans le Plan d’action du gouvernement 2021-2022 ne peut être mis en œuvre que par une prolongation de la transition .objectivement la transition ne pourra mener en 7 mois aucune action de taille pour sortir le pays de la crise, dire qu’il faut coûte que coûte maintenir le délai sans solutions sur le long terme, c’est retourner à la case départ .
Mémé Sanogo
Source : L’Aube