Un an après la chute D’IBK : Le pilotage à vue continue

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CNSP
Le colonel Assimi Goïta (au centre), le 22 août 2020 lors d’une réunion avec les officiers militaires maliens et une représentation de la Cedeao, peu après le coup d’Etat du 18 août à Bamako. ANNIE RISEMBERG / AFP

Il y a un an (mercredi, 18 août) jour pour jour, le Comité national pour le salut du peuple, sous la pression de la rue, mettait fin au régime despotique du président Ibrahim Boubacar Keïta. Malheureusement, une année après, le peuple malien ne sait pas encore de quoi sera fait demain. Les autorités de la transition ont opté pour ‘‘ôtes-toi pour que je m’y mette’’. Pourtant, le sursaut national leur interpellait de tourner la page de la mauvaise gouvernance pour fonder un nouvel État malien, réclamé depuis le 26 mars 1991, au bénéfice du peuple malien.

Massacres de populations civilesassassinats ciblés, paysans interdits d’aller aux champs, villageois soumis au payement de taxes, attaques de convois militaires, de cars de transport, braquages des institutions financières, grèves, laisser-aller, incivisme, indiscipline, insouciance. Une année après, ce tableau de la mauvaise gouvernance du régime du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) hante encore les esprits des femmes et des hommes épris de paix et de justice. Il est loin d’être reluisant et comblé les attentes de tous ceux qui aspiraient à un changement radical dans la gestion des affaires de l’État. Pourtant, rien n’empêchait les nouvelles autorités installées après la démission d’IBK d’asseoir le soubassement d’un nouvel État à travers des réformes nécessaires et souhaitées par l’ensemble du peuple malien. Dans la mesure où elles bénéficiaient du soutien sans faille d’une population excédée par la corruption des cadres politiques et véreux de l’administration publique.

Mais hélas ! La montagne a accouché d’une souris. L’espoir d’un Mali nouveau a presque volé en éclats. Les hommes forts du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), acclamés quelques jours après le départ du président Keïta à la place de l’Indépendance, ont mélangé choux et chèvres. Ils ont pris le contre pied de la volonté populaire incarnée par le Mouvement du 5 juin- Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui réclamait une nouvelle gouvernance dans la gestion de l’État en s’appuyant sur des femmes et des hommes qui ont contribué, par leur manque de vision, à faire perdre à notre pays sa dignité, son honneur et sa souveraineté. Mais aussi, les auteurs du coup d’État du 18 août 2020, membres du CNSP, qui n’ont jusque-là pas clairement dévoilé leurs intentions de voir sortir le Mali de ce bourbier, ont opté pour les pratiques mafieuses du système défunt et avec lui son pilotage à vue comme mode de gestion. Ce qui fera dire en son temps à l’actuel Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, que la transition est en train de faire du IBK sans IBK.

Et avec lui, malheureusement, c’est le même son de cloche. Au lieu d’opérer un virage à cent degrés dans la gestion de l’État pour doter le Mali de gens capables de réinventer la roue pour une sortie harmonieuse de crise sans précédent, née de toutes pièces pour satisfaire le désidérata d’une poignée de nos compatriotes, valets de l’impérialisme occidental, on prend les mêmes et on recommence.

Nommé en juin dernier Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, ancien porte- parole du M5-RFP, est censé être l’homme de la rupture avec les anciennes pratiques pour donner un sens au combat politique de son organisation qui a chassé IBK sous fond de mauvaise gestion du pays. Mais tel ne semble pas être le cas. Le Premier ministre Maïga s’accommode au pilotage à vue et trouve aussi que c’est un terreau facile pour noyer le poisson dans l’enrichissement personnel. Et les chantiers auxquels il devait s’attaquer pour dégager l’horizon sont laissés à l’abandon au profit d’un bavardage inutile et savamment entretenu au sommet de l’État autour d’un organe unique de gestion des élections, de la confusion de l’article 39.

Là où il était attendu pour baisser la tension qui ne cesse de monter d’un cran, c’était sur le terrain de la réduction du train de vie de l’État comme lui-même n’a cessé de demander quand il battait le pavé pour exiger la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. Malheureusement, il n’a rien entrepris dans ce sens. Le même train de vie de l’État sous IBK continue de plus belle avec le même gaspillage: les fonds dits de souveraineté accordés à des présidents d’institutions, les avantages aux anciens présidents de la République, anciens Premiers ministres, pensions parlementaires aux anciens députés, les avantages faramineux donnés à des fainéants dans l’administration, etc. Des missions, des déplacements, des visites, des séminaires, des ateliers, des conférences sans retombée sur la population s’organisent et s’effectuent à longueur de journée. Ils constituaient aujourd’hui des moyens entre les mains des autorités de la transition de soutirer de l’argent du Trésor public.

Le pilotage à vue comme mode de gestion constitue une course effrénée à l’argent facile pour les autorités de la transition. Militaires aussi bien que civils veulent constituer un trésor de guerre par le système mafieux laissé par Ibrahim Boubacar Keïta. Et il est en passe de reléguer au second plan les attentes du peuple malien qui ne sait pas encore de quoi sera fait demain. À savoir la refondation de l’État. Un an après, aucune démarche digne de ce nom n’a encore été entreprise dans ce domaine pour l’avènement d’un Mali nouveau. Ce pilotage à vue constitue aussi un moyen entre les mains des hommes de la transition de protéger les bandits et les délinquants financiers gorgés du sang du peuple malien. Alors que les attentes sont nombreuses dans le dossier de la lutte contre la corruption et la délinquance financière.

Une année après la démission d’IBK, les autorités de la transition s’enlisent entre enrichissement personnel avec les méthodes mafieuses du régime défunt et les urgences du peuple malien déjà mises dans les oubliettes de l’histoire. Et si elles ne mettent pas fin à ce pilotage à vue instauré comme mode de gestion, les mêmes effets risquent de produire les mêmes causes. Que Dieu nous en garde !

Yoro SOW

Source : Inter de Bamako

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