Mossa Ag Attaher : « Les revendications liées à la refondation de la gouvernance de notre pays portées par le M5 et d’autres acteurs politiques ne peuvent être dénoncées par aucun homme épris des principes de la démocratie … »

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Moussa Ag Attaher
Moussa Ag Attaher

Dans un entretien exclusif qu’il a accordé au site d’information Maliweb.net, le chef de la délégation du MNLA, membre de la coordination des mouvements de l’Azawad, non moins membre du puissant Comité de suivi de l’Accord CSA) impliqué dans  le processus de la mise en œuvre de l’accord de paix et la réconciliation, Mossa Ag Attaher,  se prononce  sur les revendications portées par le M5-RFP,   la médiation de la CEDEAO, les difficultés liées à la mise en œuvre de l’accord et le déploiement de plus de 240 éléments de l’armée reconstituée à Kidal ainsi que la solidarité de la CMA envers l’enlèvement de l’honorable Soumaïla Cissé.

 Maliweb-net : Bonjour Monsieur, pouvez-vous présenter à nos lecteurs et indiquez la place que vous occupez au sens de la coordination des mouvements de l’Azawad  (CMA)?

MAA- Je suis Mossa Ag Attaher.  Je suis membre du Comité de suivi de l’Accord (CSA) et également le chef de la délégation du MNLA pour tout ce qui concerne le processus de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation.

 Quel regard portez-vous sur l’actualité du pays ?

MAA Certes, le pays  traverse un moment qu’on peut qualifier de particulier et de déterminant, en ce sens que  les contradictions qui sont aujourd’hui entrain de s’affirmer, les revendications fortes des  forces vives, les appels renouvelés du Président  de la République à travers la main tendue au dialogue, tout cela ne pourra qu’aboutir à une issue qui va déterminer la suite de la marche  du pays  et de la gouvernance en général.

 Est-ce que les responsables du mouvement de l’Azawad entretiennent des relations avec  le comité stratégique du M5-RFP, qui  conteste la gouvernance actuelle ?

MAA : Il me parait utile de rappeler que les maux qui sont dénoncés aujourd’hui par le M5 ont été bien avant dénoncés par la CMA. Depuis  le début de la belligérance entre la CMA et l’Etat central, la revendication clé de notre  mouvement a été un changement de gouvernance. Nous avons toujours réclamé une meilleure représentation des populations du nord dans les Institutions du pays, on a toujours dénoncé un développement à sens unique du pays, en ce sens que le développement à souvent été dévié de certains terroirs et certaines régions du paysLes revendications liées à la nécessité de la refondation de la gouvernance de notre pays portées par le M5 et d’autres acteurs politiques ne peuvent être dénoncées par aucun homme épris  des principes de la démocratie.

Peut –être que les acteurs  de la vie sociopolitique du pays expriment différemment  leurs revendications, mais au final,  ce sont les mêmes attentes qui nous animent tous.  Il s’agit de corriger les incohérences au sein de notre Etat,  de corriger les tares de la mauvaise gouvernance, de relever le niveau de la justice etc.  Le M5 et la CMA sont  des mouvements politiques qui disposent chacun de sa méthode d’expression de ses revendications. Du coup, il est important que chaque acteur mène sont combat dans le respect mutuel.

Est-ce c’est-à-dire  que vous partagez la revendication clé du M5 relative à l’appel à la démission du Chef de l’Etat ?

 MAA : Nos revendications sont bien connues depuis 2012, elles sont bien inscrites dans la plateforme politique  de la CMA, et les réponses qu’elles ont eues sont inscrites dans l’Accord pour la paix et la Réconciliation. Vous aurez remarqué que nous ne parlons pas du Président et de sa démission dans notre plateforme politique.  Nous parlons surtout des questions de gouvernance, de développement, de régionalisation, des réformes importantes dans le domaine de la sécurité, de l’administration du pays…

On vous a vu récemment critiqué la démarche de la mission de la médiation de la CEDEAO qui n’a pas associée la CMA aux différentes rencontres. Est-ce que vous pensez que les signataires de l’APR ont un rôle à jouer dans cette crise ?

MAA : Après que j’eu exprimé l’indignation sur les consultations que la CEDEAO mène avec certains acteurs  de la vie politique du pays en omettant d’autres, nous avons finalement été réçu et écouté par  cette délégation de l’institution sous régionale.  Elle  nous a accordé un créneau pour que nous nous exprimions par rapport à sa méthode,  de faire nos propositions et rappeler notre souhait de préserver l’APR dans le contexte actuel en tant qu’acteurs signataire de l’APR. Et vous aurez remarqué qu’à la suite de cette rencontre, dans le communiqué final, la CEDEAO a fait mention de la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’APR.  Il faut toujours traiter de façon globale les problèmes du pays et non par segmentation.  Nous saluons cette démarche de la CEDEAO, car, lors de notre dernier comité directeur à Kidal, nous avons appelé tous les acteurs au dialogue et à trouver des compromis.

Cinq ans après la signature de l’APR en Alger,  on peine à l’appliquer. Selon vous, le blocage vient de quelle partie ?

 MAA : Il est clair que cinq ans après la signature de l’APR, c’est toujours un sentiment mitigé parfois teinté d’une certaine inquiétude qui anime les populations et les acteurs signataires. Les gens s’interrogent sur tout ce que l’accord allait apporter comme dividendes à la population.  Nous regrettons que cinq ans après,  les volets les plus déterminants, qui pouvaient améliorer le cadre de vie des populations, n’aient  pas été mis en œuvre. Par ailleurs, chaque acteur se fait le plaisir d’endosser le retard accusé à l’autre partie.  Les trois parties signataires de l’APR n’ont pas le même degré de pouvoir et de capacité à l’appliquer.  C’est le gouvernement qui a le rôle le plus déterminant, car c’est lui qui  met en œuvre l’accord, parce que c’est de lui que relèvent les ressources et les décisions finales. Partant de ce fait, il est clair que l’exécutif a  la plus grosse responsabilité dans le retard  qu’a accusé la mise en œuvre de l’Accord. Nous reconnaissons cependant que l’APR a été signée dans un contexte économique difficile, où le pays était complètement à genoux à tous les niveaux, à cause notamment du conflit de 2012, le coup d’Etat de la même année, une demande sociale très forte… Nous espérons toujours que les autorités prennent conscience du danger que représente le retard de la mise en œuvre de l’APR, qu’elles accentuent les efforts malgré les difficultés actuelles  pour se concentrer sur l’accord en le dotant par exemple d’un portage politique de haut niveau afin de rendre les décisions y afférentes contraignantes.   Si nous laissons les régions déjà atteintes par l’insécurité sombrer davantage dans l’incertitude, il est clair que c’est l’existence du pays qui sera menacée.

Est-ce que la CMA est prête aujourd’hui à accepter une relecture de l’Accord conformément aux recommandations du dialogue national inclusif ?

 MAA : Nous avons participé positivement  au DNI en donnant notre position sur l’accord  mais aussi  sur la gestion et  la marche du pays.  Je pense que la CMA a été félicité au plus haut niveau du pays par sa capacité de propositions lors du DNI. La question de la relecture de l’accord a été profondément discutée lors du dialogue et nous n’avons à aucun moment montré un signe de fébrilité quant à la question d’une éventuelle relecture de l’APR.  Au contraire,  nous avons demandé aux participants de partager avec nous leurs propositions, ce qui dérange dans cet accord ou susceptible de remettre en cause  l’intégrité et la souveraineté du pays.  Nous leur avons dit de faire des propositions. De notre côté, nous avons juste rappeler lors du DNI que cette démarche de relecture doit s’inscrire strictement dans le cadre de l’article 65 de l’APR. Toute partie à l’accord qui décide d’aller dans le sens d’une quelconque relecture doit se conformer à cette exigence.

  Pour quoi le désarmement et le statut de Kidal posent autant de problèmes entre la CMA et le gouvernement central ?

 MAA : Ce point me parait important. Que nos compatriotes  comprennent une fois pour toutes les vrais problèmes et qu’ils disposent  de l’information crédible.  Quand j’entends certains de nos compatriotes dire que la CMA refuse le déploiement de l’armée reconstituée à Kidal, sincèrement  en temps qu’acteur impliqué dans la mise en œuvre de l’accord,  c’est choquant.  Les aspects défense et sécurité de l’APR prévoient un processus de désarmement, de démobilisation et une réinsertion  des combattants qui ne seront  pas aptes  au service militaire.  Les dispositifs prévus dans la mise en œuvre du MOC  n’ont pas été respecté le chronogramme initialement établi par l’ARP parce que nous avons été confronté à la réalité du terrain. Les parties ont à chaque étape essayé d’adapter la mise en œuvre de l’Accord aux exigences des réalités du moment. Mais, ça s’est toujours fait de  commun accord. A titre d’exemple, les équipes du MOC qui étaient prévues initialement pour  la sécurisation des autorités intérimaires et des services de l’Etat ont été affectée à d’autres missions à savoir les bataillons de l’armée reconstituée afin de répondre aux problèmes sécuritaires constatés par toutes les parties. Ces bataillons ont été déployés à Kidal, et le seront très bientôt à Gao, Tombouctou et à Ménaka.   C’est ainsi qu’il y a eu des éléments manquants dans le premier bataillon  qui a été envoyé à Kidal.  De commun accord, nous avons décidé de procéder à ce déploiement et procéder au complément des effectifs ultérieurement surtout que la partie  gouvernementale faisait du déploiement du bataillon reconstitué de Kidal une sorte de fixation qu’il fallait nécessairement dépasser.  Il faut noter que la question cristallise les attentions aussi des membres de la médiation internationale.  Je peux vous affirmer aujourd’hui que ce bataillon de plus de 240 éléments composé d’éléments des FAMa classiques, d’élément de la CMA et la plateforme est déployé à Kidal. C’est tout ce processus complexe de déploiement qui a été mal interprété  et servi par certains détracteurs de l’Accord pour faire croire à l’opinion que la CMA refuserait l’arrivée des forces armées reconstituées à Kidal. Je déplore l’usage malsain qui a été fait de cette situation. Je voudrais vraiment que vous nous aidez à informer les maliens qu’il y a aujourd’hui plus de 240 éléments de l’armée reconstituée à Kidal. Ce problème ne se pose plus.  La disponibilité de la CMA dans l’application de l’accord est plus que jamais réelle.

En fin, avez-vous des nouvelles par rapport à l’enlèvement de Soumaïla Cissé en tant que mouvement armé ?

 MAA : C’est l’occasion pour moi d’exprimer toute notre solidarité envers la famille de l’honorable Soumaïla Cissé, son parti politique et l’ensemble du peuple Malien qui souffre de son absence.  Nous formulons le vœux qu’il revienne saint et sauf auprès de sa famille et qu’il continue à participer à la vie politique du pays, à faire prévaloir ses idées et à faire profiter du pays des solutions qu’il porte en lui en tantque acteur politique . Nous n’avons aucun pouvoir à savoir où se trouve Soumaïlma Cissé, qui le détient et quant est-ce qu’il sera libre. Si nous essayons de le faire, nous allons mentir. Nous sommes au même niveau d’information que tous les autres.

Propos recueillis par Siaka DIAMOUTENE

Source : Maliweb.net

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