Pour Hady Macky Sall, président du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), le document en projet de la Loi fondamentale est inadmissible et ne peut pas passer à l’état. Non seulement le projet « est un recul pour la magistrature, c’est une volonté de caporaliser la magistrature ».
Syndicaliste engagé jusqu’au bout des ongles, au-devant de toutes les luttes syndicales de sa corporation pour garantir l’Etat de droit, la démocratie, les libertés publiques et individuelles, Hady Macky Sall, juge au siège au Tribunal de commerce de Bamako et président du Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), se prononce sur l’avant-projet de constitution de notre pays. Nous lui avons donné la parole lors de l’Assemblée générale commune des deux Syndicats, SAM et SYLIMA, à la Cour suprême, le 25 Octobre dernier. Interview.
Le Nouveau Courrier : Quel est l’objectif de votre Assemblée générale ?
Hady Macky Sall : Cette Assemblée générale, nous l’avons convoquée puisque nous sommes à une phase importante de la vie de notre nation, celle des réformes institutionnelles. Le discours politique actuel se caractérise par l’expression : la refondation de l’Etat. Donc nous avons estimé que la magistrature ne pouvait rester en marge de ces reformes-là. Nous sommes au premier rang lorsqu’il s’agit d’un Etat de droit, de la démocratie, du bien-être de la population en générale, la garantie des libertés publique et individuelle. Nous avons convoqué cette Assemblée générale pour débattre sur ce que l’avant-projet de constitution propose pour la magistrature. Nous avons recensé des points qui ne peuvent pas du tout passer.
Quels sont ces points-là ?
Il y a beaucoup des points. Une constitution annonce les principes. Elle ne rentre pas dans certains petits détails qui sont laissés à la loi, souvent à la loi organique et à la loi ordinaire. Mais nous avons vu que dans cet avant-projet de constitution, il y a beaucoup de détails réservés au règlement qu’on retrouve là-dans. Donc, pour nous, c’est inadmissible. Ça ne peut pas passer. Nous sommes étonnés d’un tel travail. Nous ne savons pas quelle est l’intention qui se cache derrière. C’est une loi organique qui doit prévoir la création, la composition, le fonctionnement de certains organes. Mais curieusement, on parle de ces organes-là jusque dans la Constitution. Nous pensons que ce n’est pas leur place dans la constitution mais plutôt au niveau des lois et des règlements.
Faut-il voir par là une manière de réduire le pouvoir des magistrats ?
Ce que l’avant-projet de constitution nous propose est un recul pour la magistrature. C’est une volonté de caporaliser la magistrature, et c’est un recul de l’Etat de droit et de la démocratie au Mali. Nous avons relevé tous les griefs, tous les cas de recul avérés, que nous allons adresser à qui de droit pour trouver la solution.
L’avant-projet de constitution prévoit l’ouverture du Conseil supérieur de la magistrature, pour moitié, à des non magistrats. Qu’est-ce que cela vous dit ?
Dans le Conseil de la défense siègent seulement des militaires. Dans l’ordre des médecins siègent seulement des médecins. Dans l’ordre des pharmaciens siègent seulement des pharmaciens. Je comprends puisque la justice est rendue au nom du peuple malien, que des non magistrats puissent siéger au Conseil supérieur de la magistrature. Nous n’avons jamais été opposés à ce principe. Sauf dans la proportion ! C’est ce qui n’est pas acceptable.
Actuellement, le Conseil supérieur de la magistrature est ouvert au président de la République qui n’est pas magistrat. Il est ouvert au ministre de la justice qui n’est pas souvent magistrat, il est ouvert au directeur national de la fonction publique et au secrétaire général de la présidence, qui ne sont pas des magistrats. Donc le Conseil supérieur de la magistrature est ouvert à beaucoup des personnalités qui ne sont pas des magistrats. Pour nous, la notion même d’ouvrir le Conseil supérieur de la magistrature est une question sans objet, parce que déjà notre Conseil est ouvert. Mais s’il faut aller à des proportions, il y a des inquiétudes. Imaginez la composition du Conseil, moitié magistrat moitié non magistrat, présidé par un Président de la République qui n’est pas magistrat, ça veut dire que la majorité sont des non magistrats. Or, on n’a pas dit clairement comment ces gens vont venir. Est-ce ils seront des gens élus, ou bien, nommés par l’autorité politique ? Si c’est des gens nommés par l’autorité politique, ils viendront faire ce que leur autorité politique veut qu’ils fassent. C’est ça le danger ! Donc, on peut nommer des gens qui viendront siéger au Conseil pour des raisons qu’ils finiront par mettre en œuvre. Ça, les syndicats ne peuvent pas l’accepter.
Il faut rappeler que c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui gère la carrière des magistrats. Est-ce que vous pouvez comprendre que la carrière des magistrats soit gérée par un organe composé des gens à majorité non magistrat, qui ne connaissent rien des règles de fonctionnement de la justice. C’est aberrant.
Un participant a demandé le départ du Président de la République de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Partagez-vous son point de vue ?
Personnellement, et du point de vue des deux syndicats, nous n’avons jamais fait de cette question notre priorité. Nous n’avons jamais voulu, en tout cas, à présent, le départ du président de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Nous estimons que le Président est le garant de la stabilité, le garant de l’institution judiciaire en tant que premier magistrat du Conseil supérieur de la magistrature. Pour le moment, on ne pose pas son départ comme étant une condition.
Propos recueillis par O. A. Morba
Le Nouveau courrier